Il n’a pas fait polémique lors de sa présentation au dernier Festival de Sundance, où sa réalisatrice a reçu un prix ; ni au Festival du film de Berlin, où il a été salué par une mention spéciale du jury ; ni en France, où il est sorti au cinéma le 19 août.
Pourtant, Mignonnes, le premier long-métrage de la réalisatrice franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré, est depuis quelques jours l’objet de violentes attaques aux États-Unis, où il doit être diffusé à partir du 9 septembre sur la plateforme Netflix.
“Les critiques ont commencé à pleuvoir lorsque Netflix a posté la bande-annonce [du film]. Celle-ci s’est rapidement attiré des critiques, tout comme l’affiche”, explique The New York Times. Différente de la version française, l’affiche conçue par Netflix pour le marché américain montre “quatre jeunes filles prenant des poses aguicheuses vêtues de shorts provocants”.
L’image a rapidement provoqué un tollé sur les réseaux sociaux américains, où le film s’est vu accusé de faire l’apologie de la pédophilie. Un comble pour une œuvre dont le but est précisément de “critiquer la manière dont la société et les réseaux poussent les enfants à mettre en avant une sexualité précoce.”
Ok so the Netflix Cuties movie.
I did some research and the director is a French Senegalese Black woman who is pulls from her own experiences as an immigrant and comments on the hyper-sexualization of preadolescent girls.
But look at the original poster vs the Netflix one pic.twitter.com/JVbaa5iueG
— 🤔•°Miggs...? (@miggsboson) August 20, 2020
Chorégraphies lascives
Ainsi que le résume le quotidien américain, Mignonnes (intitulé “Cuties” en anglais) met en scène une préadolescente de 11 ans, Amy (interprétée par Fathia Youssouf), qui se cherche, tiraillée entre une famille musulmane conservatrice et son attrait pour un groupe de filles qui exécutent des chorégraphies lascives, en vogue sur les réseaux sociaux comme TikTok.
Le critique de The Guardian considère certes que l’affiche composée par Netflix était “de très mauvais goût”. Le géant du streaming n’a d’ailleurs pas tardé à la remplacer et à présenter ses excuses pour cette image “douteuse”, “non représentative du film”.
Une pétition réclame le retrait du film
Mais comment expliquer que des dizaines de milliers d’internautes continuent de fustiger un film qu’ils n’ont pas vu ? Car la polémique n’a pas cessé avec le mea culpa de Netflix. Une pétition réclamant le retrait de cette œuvre jugée “répugnante” et conçue “pour que les pédophiles puissent se rincer l’œil” avait recueilli lundi 24 août plus de 280 000 signatures sur le site change.org.
La controverse est qualifiée de “totalement ridicule” par le critique cinéma de Forbes, qui va jusqu’à se demander si elle n’a pas été orchestrée par Netflix elle-même pour faire de la publicité à ce film relativement confidentiel.
“En tout cas, si c’est un coup de pub, c’est réussi. Tout le monde ne parle plus que de ‘Mignonnes’.”
The New York Times note de son côté que les “appels à retirer le film de la plateforme ont reçu un fervent soutien au sein des complotistes du mouvement QAnon”. Les tenants de cet inquiétant courant conspirationniste croient notamment que “les chefs de file du parti démocrate et des célébrités telles que l’artiste Marina Abramovic tirent les ficelles d’un réseau de trafic d’enfants”. Certains n’ont pas hésité à rebondir sur la polémique de l’affiche pour affirmer que “Netflix vient de banaliser la pédophilie”.
“Indépendamment du rôle de Netflix dans cette affaire, poursuit Forbes, une partie de la faute revient à ceux qui, s’ils prenaient vraiment les choses à cœur […], auraient pu regarder la bande-annonce ou faire une rapide recherche sur Wikipédia. Ils se seraient alors rendu compte que ce film n’est pas du tout ce qu’ils redoutaient.”
Delphine Veaudor
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