Des milliers de manifestants à Port-Saïd ont vidé dimanche des bâtiments officiels leurs employés, appelant à la désobéissance civile et réclamant justice pour les dizaines de personnes tuées le mois dernier dans des affrontements avec la police. Selon des témoins, les manifestants ont aussi forcé des écoles, des banques et des usines à fermer et ont brièvement bloqué une ligne de chemin de fer dans cette ville qui longe le Canal Suez. « Soulève-toi Port-Saïd », Que justice leur soit rendue, sinon, nous mourrons comme eux », scandaient les manifestants, dont faisaient partie de nombreux Ultras », supporters de football fervents et organisés.
Les manifestants réclamaient justice pour la mort d’au moins personnes, tuées dans des affrontements avec la police après condamnation à mort fin janvier de 21 supporters de football locaux, accusés d’être impliqués dans des violences ayant fait 74 morts l’année dernière après un match de foot.
Le président Mohamad Morsi avait réagi aux violences à Port-Saïd et dans deux autres villes longeant le Canal de Suez en faisant appel à l’armée pour assurer la sécurité et en imposant l’état d’urgence ainsi qu’un couvre-feu. Le couvre-feu a systématiquement été bafoué à Port-Saïd, Suez et Ismaïliya. Au total, plus de 50 personnes ont été tuées et des centaines blessées, notamment à Port-Saïd, au cours des violences ayant suivi l’annonce du verdict, qui a coïncidé avec le deuxième anniversaire du début de la révolution contre Hosni Moubarak.
Les manifestants menacent de procéder à une escalade si leurs demandes ne sont pas satisfaites dans un délai de trois jours, à compter de dimanche. Celles-ci incluent le limogeage du ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, la désignation d’un juge d’instruction pour enquêter sur le drame du stade de 2012 et la traduction devant la justice des responsables impliqués dans les meurtres du mois dernier.
Malgré les risques de dérapage qu’elle implique, beaucoup d’opposants considèrent la désobéissance civile comme l’arme ultime dans leur lutte contre un régime qu’ils considèrent comme « sourd » face à leurs demandes. D’autres estiment que cette démarche suppose une coordination et un leadership politique qui, pour le moment, font défaut aux opposants. « Je suis favorable à l’idée d’une mobilisation populaire et contre l’idée de négocier avec le gouvernement des Frères musulmans. Cela dit, pour passer du local au national, une mobilisation populaire a besoin d’organisation, celle-ci ne saurait être assurée par une poignée de militants à Port-Saïd », estime l’activiste Khaled Abdel-Hamid, du parti de l’Alliance populaire socialiste.
Amr Ezzat, du Courant populaire, est d’accord. « Nous allons nous réunir pour étudier comment faire afin de transformer cette désobéissance civile en un travail plus organisé. Ce qui se passe à Port-Saïd est le résultat naturel des morts et des blessés qui sont tombés dans cette ville. Le régime ne reconnaît pas le dialogue et ne se soucie pas des droits des citoyens, bien au contraire, le ministère de l’Intérieur est plus prompt à violer la loi, à user de la violence et à procéder à des arrestations arbitraires. La désobéissance civile peut s’avérer une solution », dit-il.
Originaire de Port-Saïd, l’opposant Georges Ishaq qualifie de « noble » l’attitude des habitants de sa ville natale. « Les habitants de Port-Saïd sont capables de s’organiser d’eux-mêmes, les élites politiques, elles, n’ont ni le courage, ni la volonté nécessaire pour entamer une telle campagne de désobéissance civile. A Port-Saïd, tout le monde est convaincu que le régime ne s’intéressera, ni à punir les criminels, ni à rétablir les droits des martyrs », matraque Ishaq.
Même euphorie chez le militant de gauche Kamal Khalil, pour qui la désobéissance civile annonce la « victoire de la révolution ». « C’est de vous, habitants de Port-Saïd, qu’on apprend, vous qui joignez l’acte à la parole. Votre désobéissance sera une étape cruciale pour la révolution. Elle fera renaître l’espoir de vaincre les oppresseurs et les criminels. Il est certain que d’autres gouvernorats vous emboîteront le pas », écrit Khaled Abdel-Hamid sur sa page Facebook. Et de conclure : « La victoire est proche, le sang des martyrs n’aura pas coulé en vain, le guide des Frères n’a qu’à commencer à faire sa valise ».
May Atta