C’est “une bouffée d’espoir”, souligne Lina Attallah, qui dirige le site égyptien Mada Masr, censuré par les autorités égyptiennes depuis des années. C’est même “un tremblement de terre”, juge le site égyptien Al-Manassa, également censuré : l’élection, vendredi 17 mars, de Khaled Elbalshy la tête du syndicat professionnel des journalistes, avec 2 450 voix sur un peu plus de 5 000 électeurs.
C’est peu dire que sa victoire constitue une surprise, puisqu’il est rédacteur en chef du site Darb, lequel comme Mada Masr et Al-Manassa, fait partie des nombreux médias censurés par le régime du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi.
Ancien militant des droits humains avant de diriger successivement différents médias, il avait été arrêté par la police en 2016, accusé d’“incitation à manifester”.
“Il est une des grandes figures de l’indépendance du syndicat, et l’un des principaux journalistes qui défendent la liberté de la presse”, explique Al-Manassa, en ajoutant que “c’est la première fois que la liberté de la presse s’est autant imposée comme sujet lors d’une élection professionnelle”.
Vainqueur contre le candidat du régime
C’est donc un “message politique” adressé à un pouvoir qui a voulu “imposer un contrôle total de l’espace public”. D’autant qu’il a gagné contre un “candidat du régime”, le rédacteur en chef du quotidien Al-Akhbar, Khaled Miri.
Celui-ci a bénéficié “de foules artificiellement gonflées, de la partialité des médias, de bus remplis d’électeurs et de plats [gratuitement offerts à ses soutiens]”, dénonce le site, qui s’interroge : “La question est maintenant de savoir comment les autorités vont réagir.”
Le régime égyptien “doit se rendre compte du dysfonctionnement fondamental dans sa gestion de l’espace public”, commente pour sa part le journaliste égyptien en exil Sameh Rached sur le site qatari Al-Araby Al-Jadid.
Et notamment pour ce qui est de son rapport aux élites, auxquelles il faut cesser de vouloir “imposer une tutelle”.
“Triangle de la terreur”
D’autant qu’un autre syndicat, celui des avocats, a “lui aussi brisé la mainmise” du régime, note la journaliste égyptienne Safaa Achour dans le journal libanais As-Safir Al-Arabi.
En décembre dernier, les avocats ont en effet passé outre à “l’interdiction de manifester, en vigueur depuis 2013, en organisant de grandes manifestations au Caire et ailleurs dans le pays” contre un nouveau système de facturation.
Le syndicat des journalistes, celui des avocats et le cercle des juges sont considérés comme “le triangle de la terreur pour le régime”, indique le média en rappelant le rôle qu’ils ont joué notamment lors du soulèvement en 2011.
“Les bâtons dans les roues et les manœuvres du régime ne réussissent pas toujours” face à “des syndicats qui ont une longue expérience pour résister” et qui restent surtout autonomes dans l’organisation de leurs élections internes.
Et de conclure : “C’est sur la mobilisation de la société civile, et surtout sur celle des syndicats [professionnels], qu’il faut miser pour rétablir une vie politique [démocratique] en Égypte.”
Courrier international
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