“L’Égypte passe sous silence la crise mondiale du blé”, titre le site qatari Al-Araby Al-Jadid, qui explique que le gouvernement du Caire s’abstient de condamner officiellement la décision de Vladimir Poutine de ne pas reconduire l’accord sur l’exportation de céréales à travers la mer Noire.
“L’Égypte est en tête des pays importateurs de blé”, rappelle le site. “Elle couvrait environ 80 % de ses besoins en blé et en huile, au cours des quinze dernières années”, par des importations en provenance de la Russie et de l’Ukraine.
Tout juste le ministre de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, Ali Al-Moselhy, déclare-t-il que “le retrait de la Russie de l’accord sur le blé n’a pas été une bonne nouvelle”, rapporte le quotidien égyptien Al-Youm Al-Sabee.
Mais, à l’instar des autres responsables égyptiens, il s’emploie surtout à expliquer que des leçons ont été tirées des précédentes crises, que les sources d’approvisionnement ont été diversifiées et que les réserves de blé “sont suffisantes pour [un peu plus de] cinq mois”.
De même, les responsables se félicitent des “objectifs d’approvisionnement”, qui ont été largement dépassés un peu partout, “de 198 % à Assouan”, par exemple, selon le gouverneur régional, cité par Al-Masry Al-Youm.
Le quotidien cité également des responsables qui expliquent que les récoltes locales s’annoncent excellentes cette année et que la lutte contre le marché noir est menée tambour battant, ainsi que de nombreuses brèves sur des saisies de récoltes détournées.
“Le monde sera affamé”
Si le gouvernement se garde bien de condamner la Russie, les titres de la presse pointent du doigt les responsabilités. “Les prix du blé continuent de monter avec la menace des Russes contre les navires qui se dirigent vers l’Ukraine”, titre ainsi le quotidien égyptien semi-officiel Al-Ahram.
Al-Shourouk, média généraliste du Caire, cite de son côté “le général Samir Farag, expert en stratégie”, selon lequel le retrait russe de l’accord sur l’exportation de blé à travers la mer Noire aura des conséquences dramatiques : “Le monde sera affamé.”
Certes, en Jordanie, un éditorialiste du quotidien Al-Rai accuse “l’Occident colonialiste” de ne pas avoir tenu compte “des mises en garde de la Russie”, qui ordonnait que ses exigences soient respectées, et de faire aujourd’hui “semblant de pleurer sur le sort des pauvres”.
Mais dans le traitement courant de l’actualité, le même journal affirme en titre que c’est bien “le retrait russe de l’accord” qui “menace la sécurité alimentaire”.
Dans l’attente du sommet Russie-Afrique
Dans ce contexte, les bombardements russes qui visent le port ukrainien d’Odessa depuis trois jours ne sont pas pour arranger l’image de la Russie. Même un site comme Al-Khaleej Online, plus enclin à critiquer les Américains que les Russes ou les Chinois, titre sobrement sur “le bombardement russe qui a détruit 60 000 tonnes de grains”.
De même le journal panarabe Al-Quds Al-Arabi, proche du Qatar et habituellement favorable au camp antiaméricain, cite un rapport du centre de recherche américain Carnegie, en titrant que “la Russie ne pourra pas supporter le prix d’un retrait définitif de l’accord”, notamment vis-à-vis de la Turquie et des pays d’Afrique, dont Vladimir Poutine devra affronter les dirigeants lors du sommet Russie-Afrique prévu les 27 et 28 juillet prochains à Saint-Pétersbourg.
Philippe Mischkowsky
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