Le Royaume-Uni est-il institutionnellement raciste ? Non, conclut un rapport rendu public le mercredi 31 mars. “Très attendu”, le document de 258 pages va même plus loin, relève The Times : le pays serait en réalité, dans de nombreux domaines, un exemple à suivre en matière de réduction des inégalités raciales pour les États “à la population majoritairement blanche”.
Sont cités, notamment, les bons résultats scolaires des élèves issus de l’immigration, ““meilleurs même dans huit matières du brevet des collèges que ceux des enfants blancs””, et un comblement des différences de salaires dans le monde professionnel. Le rapport, commandé par le gouvernement en juillet dernier dans le sillage des manifestations antiracistes Black Lives Matter, “ajoute qu’il existe une diversité grandissante dans les professions d’élite” britanniques.
Un modèle de cohésion
Ces conclusions, Rakib Ehsan les soutient entièrement dans les colonnes de The Spectator. “Aussi imparfait soit-il encore, le Royaume-Uni est devenu en Europe un modèle en matière de cohésion sociale et de justice économique, et en particulier entre les différentes communautés ethniques”, souligne le spécialiste de l’intégration des minorités au Royaume-Uni.
“L’égalité raciale est un sujet qui bénéficie dans notre pays d’intérêt et d’attention aussi bien de la part des décideurs politiques, des médias ou du milieu universitaire, ce qu’on voit rarement dans les pays prétendument progressistes du continent.”
Et de citer l’exemple de la France, où la collecte de statistiques ethniques est interdite et où “l’obsession pour le principe de la ‘République une et indivisible’ est telle que le monde politique répugne à aborder de front les questions de discrimination raciale”.
Un rapport “cynique”
D’autres, en revanche, déplorent le “cynisme” du rapport, rédigé par la Commission sur les inégalités raciales et ethniques sous la houlette de Munira Mirza, une influente conseillère de Boris Johnson. Celle-ci “est connue de longue date pour sa critique souvent cinglante des actions menées par les gouvernements précédents pour lutter contre les facteurs structurels à l’origine des inégalités raciales”, rappelle The Guardian.
“Certes, les Britanniques noirs et asiatiques sont confrontés à moins de préjugés que leurs parents et leurs grands-parents”, note Sunder Katwala, du think tank British Future, auprès du journal londonien. “Mais quand vous vivez en 2021, cela vous fait une belle jambe.”
“Quand un diplômé de Manchester avec un nom à consonance étrangère a moins de chances d’obtenir un entretien d’embauche que son camarade blanc au CV identique, en quoi devrait-il se réjouir d’être un peu mieux loti qu’il ne le serait à Milan ou à Marseille ?”
D’autres militants interrogés par le quotidien prennent pour preuve de l’existence d’un racisme institutionnel le fait ques les Britanniques noirs ont neuf fois plus de chances de se retrouver derrière les barreaux que leurs compatriotes blancs. L’Institute for race relations, un autre think tank, analyse :
“Ce rapport tombe à point nommé pour illustrer l’image qu’entend donner le gouvernement d’une nation britannique post-Brexit qui serait un phare de la bonne entente intercommunautaire et un modèle de diversité.”
Les discours racistes persistent
Paradoxalement, la commission elle-même juge que le Royaume-Uni n’est pas “un pays postracial”, précise The Times.
“Une profonde défiance persiste au sein de certaines communautés issues des minorités, qui restent hantées par un racisme historique, souligne le rapport, et les discours ouvertement racistes restent un grave problème, en particulier en ligne.”
Mais si de nombreuses inégalités persistent, à l’image du risque accru pour les minorités ethniques de mourir du Covid-19, “la commission conclut que les facteurs raciaux deviennent moins déterminants que d’autres, à commencer par la classe sociale ou la structure familiale”.
Courrier International
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