Dans un article récent [1], le marxiste anglais Alex Callinicos résumait ainsi la phase actuelle de la crise capitaliste : « De toute façon, les derniers mois, ont montré plus clairement quelle est la situation. C’est la crise de notre temps (…) Il n’y a pas de signe qu’elle aille vers sa fin et beaucoup d’indices qu’elle va s‘approfondir. De manière de plus en plus claire, le choix est entre combattre ou se soumettre. La survie d’une gauche qui puisse compter dépendra de la contribution qu’elle fera à ce combat ».
La crise économique renforce l’acuité de la lutte sociale et politique entre « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas » à qui les premiers veulent faire payer les conséquences d’une situation dont ils ne portent pas la responsabilité. L’ambition du NPA est d’être utile dans ce combat. Si près de 80 % des délégués à la conférence nationale (réunion des représentants des comités) ont rejeté la perspective d’une adhésion au Front de gauche, c’est fondamentalement parce qu’ils pensaient être plus utiles en construisant une organisation entièrement indépendante. Ce qui n’exclut pas, bien sur, la recherche de l’unité à tous les niveaux. Tandis que certains débats de fond seront à l’ordre du jour du prochain congrès.
Deux échéances essentielles vont marquer cette rentrée. Celle de l’adoption du traité budgétaire européen et celle des licenciements avec comme point central PSA-Aulnay.
Contre le traité de l’austérité
Pour ce qui est du traité européen, Hollande marche clairement sur les brisées de Jospin en 1997. Celui-ci avait proclamé, avant les législatives, son refus de souscrire au pacte de stabilité. Une fois devenu Premier ministre, quelques concessions cosmétiques lui ont fourni un prétexte pour s’assoir sur la promesse faite. De même, Hollande, après le sommet européen des 28 et 29 juin derniers, a déclaré avoir obtenu des mesures décisives en faveur de la croissance et donc être en situation de souscrire au pacte budgétaire qui va venir en discussion devant députés et sénateurs. Ce recul sur un des rares engagements der la campagne présidentiel, la vacuité des prétendues mesures nouvelles en faveur de la croissance, ont largement été dénoncés, non seulement par le NPA mais en particulier par Attac, la Fondation Copernic, le Front de gauche… Plus récemment, des élus socialistes, proches notamment de Benoît Hamon ont déclaré s’interroger sur leur vote. La députée du Doubs, Barbara Romagnan a ainsi déclaré à la mi-juillet : « On en discutera entre nous (…) en l’état actuel, voter ce traité nous empêcherait de mener la politique pour laquelle on a été élu ». Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice et figure traditionnelle de la gauche du PS a déjà annoncéqu’elle ne voterait pas le traité. Certes, les considérations tactiques préalables au congrès du PS peuvent expliquer en partie ces positions : les amis de Benoît Hamon semblent en voie de présenter une contribution séparée face à celle présentée en commun par Ayrault et Aubry. De même, parmi les élus Verts, on peut s’interroger sur une configuration bizarre où, début août, José Bové semble pencher vers l’acceptation du traité et Jean-Vincent Placé pour le refus.
Mais là n’est pas l’essentiel. Il serait positif qu’une part importante des élus PS et Verts refusent le bradage de Hollande. Pour les y pousser, le NPA s’inscrira dans les actions unitaires qui, localement ou nationalement, pourraient être menées pour dénoncer le traité budgétaire, amener le maximum d’élus de gauche à le refuser et, à défaut, exiger un référendum. Moins d’un mois après le sommet des 28 et 29 juin, l’impasse européenne demeure totale : « la Banque centrale européenne affame les peuples » a déclaré le 3 août le vice-président socialiste du Sénat, Didier Guillaume, En fait, ce qui affame les peuples, ce sont les politiques menées depuis le début de la crise : austérité pour les peuples, impunité pour les financiers. Ce rappel est indissociable de la campagne contre le traité que nous entendons mener.
Automobile : converger autour de PSA
La question des licenciements sera également essentielle en cette rentrée. La situation dans l’automobile est emblématique :
– Qui décide des choix d’investissement et des capacités de production dans la branche ?
– Qui décide de la localisation des usineset de la répartition de la production entre elles ?
– Qui décide des formes d’emploi avec un nombre record d’intérimaires sur des postes permanents de production en contournant le droit du travail ?
– Qui décide des conditions de travail qui font qu’un ouvrier en production est souvent « cassé » bien avant l’âge de la retraite ?
– Qui pompe en dividendes une bonne partie des profits ?
– Qui a usé de son pouvoir de pression pour faire payer aux contribuables aides à la localisation des usines, chômage partiel et primes à la casse ?
– Qui a promu un modèle du tout-automobile individuelle au détriment des transports en commun ?
Les actionnaires et les dirigeants d’entreprise, bien sûr. A tous ces choix, les salariés n’ont eu aucune part.
Et maintenant, ce sont eux exclusivement qui devraient payer ? Cela reflète bien ce qu’est ce système économique.
Comme le titrait le quotidien Libération le 25 juillet dernier : « PSA-Montebourg, beaucoup de cris pour rien ». La famille Peugeot et Philippe Varin n’ont rien cédé. Le plan Montebourg centré sur le développement des voitures « propres » répond à côté de la question essentielle et donc entérine la fermeture d’Aulnay. Quant au ministre du travail Michel Sapin, il déclare : « Ce n’est pas au gouvernement de faire bouger les choses, c’est au dialogue social ». On ne saurait mieux dire qu’il n’y a rien à attendre des ministres et du Président en l’état actuel des choses et que tout dépendra de la mobilisation.
Juste avant la période des vacances, les syndicats d’Aulnay ont organisé un rassemblement de plus d’un millier de salariés devant le Comité central d’entreprise. Outre les représentants d’Aulnay, se sont exprimés ceux des autres usines du groupe, de Renault, de Sanofi, d’Air France… En obtenant la nomination d’un expert et donc un délai pour la mise en œuvre du PSE, les salariés de Peugeot ont jeté quelques grains de sable et gagné un peu de temps. Il s’agit de mettre à profit ce délai pour organiser et construire une mobilisation déterminée et de longue haleine, à Peugeot et autour de Peugeot. Et aussi avec les salariés de toutes les entreprises et services publics en butte aux licenciements et suppressions de postes.
Dans la mesure de ses forces, le NPA sera partie prenante de cette bataille décisive pour l’emploi [2]. Il soutiendra les mots d’ordre mis en avant par les travailleurs de la branche auto et des autres entreprises et avancera sa propre perspective : celle de la remise en cause du pouvoir patronal sur les emplois et les salaires, c’est-à-dire les conditions d’existence de leurs salariés. Pour cela, il faut le partage du travail entre les salariés dans les entreprises qui se disent en difficulté (avec ajustement du temps de travail sans aucune perte de salaire) et l’interdiction des licenciements : aux entreprises, individuellement ou collectivement, d’assurer la continuité du contrat de travail et du salaire.
Faire peur aux dirigeants
Dans la préface d’un ouvrage consacré aux travailleurs de Peugeot [3], les sociologues Stéphane Beaud et Michel Pialoux ont cru pouvoir poser le diagnostic suivant : « Les ouvriers, qui avaient pour eux la force du nombre, ont peu à peu cessé d’être craints et ne font plus peur aux dirigeants. Il s’agit là d’une rupture importante dans l’histoire des rapports de classe. » On peut discuter cette affirmation : les succès de certaines luttes locales montrent que la capacité à faire peur n’a pas totalement disparu. Mais globalement, le constat est exact : pour qu’ils reculent dans la bataille contre les licenciements et l’austérité, il faudra que les dirigeants des entreprises et ceux du gouvernement commencent à avoir plus peur des travailleurs, hommes et femmes, que des pressions des marchés financiers. Et cette peur viendra de l’action directe des intéressés, pas de discours et d’amendements parlementaires, même s’ils peuvent avoir leur utilité (s’ils sont conçus comme étant au service des luttes et non se substituant à elles).
C’est dans ces batailles concrètes (ainsi que dans celle à mener contre l’enracinement du Front national) que la NPA fera ses preuves. Et démontrera qu’il est, par l’action de ses militants, un instrument, certes imparfait, mais utile.
Henri Wilno