BERLIN CORRESPONDANCE
Aujourd’hui repaire de jeunes gens aisés, Prenzlauer Berg est devenu un bastion des Verts. Dans ce quartier de l’est de Berlin où alternent boutiques à la mode, squares proprets et façades rénovées, le parti est arrivé loin en tête aux élections européennes du 7 juin : il a frôlé les 30 % des voix et, dans une douzaine de bureaux de vote, dépassé les 50 %. « En votant Vert, on vote pour un mode de vie, mais aussi pour un projet d’avenir innovant », explique l’un de ses habitants, Rainer Meinhart.
Cet ingénieur d’une cinquantaine d’années a longtemps donné sa préférence aux sociaux-démocrates (SPD). Mais il s’est lassé des errances idéologiques et des divisions de ce parti, partenaire au gouvernement des unions chrétiennes CDU-CSU d’Angela Merkel. « Dans cette crise, ce sont aussi les Verts qui proposent les meilleures solutions », affirme-t-il : mieux vaut « créer des emplois durables en investissant dans le secteur de l’environnement » plutôt que de sauver des entreprises défaillantes avec l’argent du contribuable, comme l’a préconisé le SPD.
« DANS L’AIR DU TEMPS »
De retour, les Verts ? Aux européennes, le parti a légèrement amélioré sa prestation de 2004 avec 12,1 % des voix - son meilleur résultat historique - et retrouvé sa place de troisième force politique du pays. Captant un électorat urbain de la classe moyenne aisée, il a même dépassé le SPD dans de nombreuses grandes villes telles Berlin, Cologne, Francfort ou Bonn.
Forts de leur image « pro-européenne », les écologistes tirent généralement bien leur épingle du jeu lors de ces élections marquées par un fort taux d’abstention. Difficile, alors, de prédire si le score obtenu est transposable aux législatives du 27 septembre. Mais les derniers sondages recoupent assez fidèlement ce résultat : le parti y est crédité de 12 % à 13 % d’intentions de vote au niveau fédéral. « Le »green New Deal« qui est au cœur de notre programme est dans l’air du temps, affirme Christine Scheel, vice-présidente du groupe parlementaire vert. De plus en plus de gens reconnaissent la nécessité d’intégrer pleinement l’écologie à toute politique économique. »
Sans crier victoire, les « Grünen » poussent un soupir de soulagement. En pleine traversée du désert, la formation écologiste voudrait bien retrouver son influence d’antan. Relégué dans l’opposition après la défaite de la coalition rouge-verte en 2005, le parti est aujourd’hui le plus petit groupe parlementaire au Bundestag, derrière les libéraux (FDP) et la gauche radicale Die Linke. Il ne participe plus qu’à un seul gouvernement régional, avec la CDU, dans la ville-Etat de Hambourg.
Depuis la retraite de Joschka Fischer, emblématique ministre des affaires étrangères de l’ère Schröder, les Verts ont peiné à faire entendre leur voix. La nomination à l’automne 2008 du sympathique Cem Özdemir, un Turc d’origine, à la tête du parti, leur a redonné quelques couleurs. Mais « c’est surtout la faiblesse des sociaux-démocrates qui leur profite. Les Verts récupèrent les voix des électeurs de la gauche libérale, déçus et désorientés par le SPD », analyse le politologue Nils Diederich. « Cette clientèle les inscrit au centre, même s’ils adoptent un discours plutôt à gauche sur les questions sociales », ajoute l’expert.
Cette place pivot sur l’échiquier politique convient fort bien à l’ancien parti contestataire. « Nous ne sommes ni de gauche ni de droite, nous sommes Verts, résume, ravi, l’eurodéputé Michael Cramer. Ce qui nous intéresse, c’est de pouvoir faire pression de tous les côtés et sur tous les courants pour imposer nos idées. »
Reste la question des alliances à l’issue des législatives. En théorie, les écologistes se disent toujours plus favorables à une coalition avec le SPD. Mais leur allié traditionnel, bien mal-en-point, ne leur offre quasiment aucune chance de retourner au pouvoir. Au fil des débats, le scénario d’un rapprochement avec les conservateurs commence à faire son chemin. « On ne peut pas nier que le gouvernement CDU-Verts fonctionne bien à Hambourg », reconnaît Christine Scheel.
Pour autant, la prudence reste de mise. « Il ne faut pas donner l’impression que nous sommes le parti de n’importe qui », a recommandé Cem Özdemir. Les Grünen redoutent de faire fuir leur électorat le plus à gauche en affichant des options de coalition trop iconoclastes. Les différences entre chrétiens-démocrates et Verts se sont un peu estompées depuis qu’Angela Merkel tente de faire de la CDU un grand parti du centre. Mais les deux formations restent en opposition radicale sur plusieurs dossiers clés, comme le nucléaire ou la sécurité.