28 881 morts confirmés, la majorité dans le Sichuan
Le séisme en Chine a fait 28 881 morts confirmés dans toutes les régions touchées, a annoncé, samedi 17 mai, un porte-parole du gouvernement, Guo Weimin. Selon l’agence officielle Chine nouvelle, le bilan a dépassé les 28 300 morts confirmés dans la seule province du Sichuan.
Plus de 10 600 personnes restaient en outre encore sous les décombres samedi après-midi dans cette province, a précisé l’agence, citant des responsables locaux. A 14 heures locales (7 heures, heure de Paris), les autorités recensaient aussi 198 347 blessés sur l’ensemble du territoire, a indiqué M. Guo lors d’une conférence de presse à Pékin.
* AFP
En Chine, après le séisme, l’urgence est de combattre les épidémies
L’avion cargo envoyé par la France et chargé de 80 tonnes de matériels de première nécessité pour aider les victimes du séisme en Chine, s’est posé, dimanche 18 mai en début de matinée, à l’aéroport de Chengdu. Il apporte notamment des tentes, des duvets, des couvertures, des bâches, des kits de cuisine et des médicaments, a indiqué l’ambassadeur de France en Chine Hervé Ladsous, présent à l’arrivée.
Evoquant « une opération significative », avec une cargaison d’une valeur de 380 000 euros, l’ambassadeur a assuré qu’il n’y avait ni calcul ni arrière-pensée derrière l’aide française, après la période de crispation entre la Chine et la France qui s’était notamment traduite par des manifestations anti-françaises après le passage chaotique de la torche olympique à Paris. « Ce n’est pas la question. Ce sont des relations de profonde amitié et dans les moments difficiles les amis travaillent ensemble », a-t-il dit.
Le président chinois Hu Jintao a exprimé samedi soir sa gratitude envers les pays étrangers qui ont aidé la Chine. Au cours d’une réunion dans la province du Sichan, M. Hu a appelé à poursuivre les efforts pour« sauver des vies » : « les soldats, la police militaire, et le personnel de sécurité doivent rejoindre les villages et fouiller chaque immeuble effondré pour sauver des gens », a-t-il dit.
LES INTEMPÉRIES SUSCEPTIBLES « D’AGGRAVER LA CATASTROPHE »
Samedi, soit cinq jours après le séisme, au moins 63 survivants ont été sortis des décombres d’immeubles détruits, a annoncé dimanche matin l’agence Chine nouvelle. Mais les équipes de secours découvrent surtout chaque jour de nouvelles victimes et selon le gouvernement chinois le bilan, qui vient d’être réévalué à 32 477 morts, pourrait au final dépasser 50 000 morts.
Les dangers sont encore multiples. De nouvelles secousses ont encore été ressenties dimanche. La météo n’est pas clémente et les averses qui se sont abattues sur les régions sinistrées ont été à l’origine de la formation d’un torrent de boue. Les autorités rappellent que les intempéries sont susceptibles « d’aggraver la catastrophe ». Dans la région de Qingchuan, plus de 2 000 personnes ont été évacuées de crainte qu’un lac artificiel formé par des éboulis sur le cours d’une rivière ne déborde, provoquant une inondation sur 40 km de long.
Les inquiétudes semblent par contre s’apaiser - au moins officiellement - sur la situation des sites nucléaires situés dans la zone du séisme. Les installations « ont été confirmées comme sûres et contrôlables après un examen minutieux » , affirme l’agence Chine Nouvelle, citant des sources gouvernementales.
Les autorités se préoccupent d’avantage des risques d’épidémies. Le ministère de la santé a reconnu samedi qu’il ne pouvait pas exclure l’apparition d’épidémies de grande ampleur, tandis que le vice-ministre de l’agriculture, Wei Chao’an, déclarait que « combattre les épidémies est la tâche la plus urgente et la plus importante qui nous attend maintenant ». Selon le représentant de l’OMS en Chine, le Dr Hans Troedsson, Pékin semble avoir réagi de façon appropriée à l’immense défi sanitaire et logistique posé par le séisme. Le ministre de la construction, Jiang Weixin, a annoncé l’envoi de 48 purificateurs d’eau dans les zones les plus sinistrées, dont chacun peut traiter 30 à 50 tonnes d’eau par jour, pour 5 000 à 10 000 personnes, ainsi que l’acheminement de toilettes mobiles.
AFP et Reuters/Andy Wong, 18.05.08
* LEMONDE.FR avec | | 08h23 • Mis à jour le 18.05.08 | 11h12.
Pékin soigne sa communication après le séisme du Sichuan
Confrontée à l’une des plus dramatiques catastrophes naturelles de son histoire, la République populaire de Chine a choisi de gérer la crise de façon inédite. Les médias ont couvert l’événement comme jamais aucun appareil de propagande du régime ne l’avait fait auparavant. Les chaînes de télévision ont multiplié les directs, assurant une large couverture des zones sinistrées, alternant entretiens avec les survivants, débats avec des sismologues, reportages avec l’armée dans des zones reculées.
Le bilan des victimes, qui dépassera sans doute les 50 000 morts, a été actualisé en permanence, une première dans un pays dont le régime cultive d’ordinaire avec obsession le culte du secret de l’information. Réalisant qu’à l’heure d’Internet et des téléphones mobiles il était désormais bien difficile de dissimuler de tels événements, le gouvernement a préféré jouer la carte de ce que l’on pourrait appeler, dans le contexte chinois, la transparence.
Un concept d’ouverture qu’il faut tout de même relativiser. Le responsable de la propagande, Li Changchun, membre du cénacle restreint du comité permanent du bureau politique du Parti communiste, a prévenu, cette semaine, les médias que leur couverture « doit garantir l’unité, encourager la stabilité et donner la priorité à une propagande positive »… Chez les intellectuels et les « décideurs » chinois, dont certains critiques du gouvernement, on se félicite de ce choix. Lors de la Conférence internationale des femmes, organisée à Shanghaï, de nombreux chefs d’entreprise ont ainsi loué la rapidité et l’efficacité de la gestion du désastre.
Yu Yu, PDG de dangdang.com, premier distributeur chinois de livres sur Internet, se souvient qu’« en février, pendant la vague de froid [dont les conséquences ont été très mal gérées par les autorités], les gens ont largement exprimé leurs frustrations et leur colère sur Internet. Trois mois après, confronté au séisme dans le Sichuan, le pouvoir réagit immédiatement, fournit régulièrement des bilans des victimes mis à jour, canton par canton, région par région… En près de cinquante ans de Chine populaire, on n’a jamais vu ça. Nous sommes tous stupéfaits par la rapidité et l’étendue de ce changement. »
Les intellectuels libéraux s’engouffrent également dans la brèche. Des réactions publiées dans le quotidien cantonais Nanfangdushibao, des sociologues, des philosophes, des professeurs tressent des couronnes au régime, ne serait-ce que pour mieux le pousser à continuer dans la direction de l’ouverture… Beaucoup font également le parallèle avec la gestion du tremblement de terre de Tangshan, en 1976, qui a fait officiellement 260000morts, mais dont le bilan fut annoncé trois ans plus tard. « Trente-deux ans [après ce séisme], nous voyons quelque chose de nouveau se passer en Chine : le public est désormais informé », remarque le sociologue Zheng Yefu. Le journaliste Qiu Liben prédit que si « la Chine embrasse la liberté de l’information, elle sera respectée par le reste du monde. » L’allusion à la réprobation internationale contre Pékin durant la crise tibétaine est claire. L’expert en économie Wu Xianghong en profite pour mettre en garde le régime : « Quand une société fait face à un désastre, tout le monde doit rester uni et ne pas critiquer le gouvernement. En revanche, en temps normal, le gouvernement doit garantir à ses citoyens la liberté d’expression, s’il veut mériter la confiance et le soutien de son peuple… »
« GRAND-PÈRE WEN EST LÀ »
Derrière leurs louanges à l’égard des autorités, on sent que ces intellectuels s’efforcent de faire valoir que la transparence encore relative devrait être le début de la disparition totale de l’opacité. A ce propos, une nouvelle réglementation donnant l’ordre aux autorités locales de publier toute information liée, notamment, aux catastrophes naturelles, avait été promulguée le 24 avril 2007. Elle est entrée, opportunément, en vigueur le 1er mai 2008 ! Politiquement, le pouvoir s’est attaché à donner un écho maximum aux efforts déployés par le gouvernement pour sauver les vies. Il s’est employé à dramatiser les images illustrant la compassion des dirigeants pour les victimes et les sinistrés. Peu après le séisme, le premier ministre Wen Jiabao est arrivé sur les lieux de la catastrophe. On a vu sur les écrans de télévision cet homme de 65 ans ne pas ménager sa peine, parcourant les villes détruites, tenant des bébés dans ses bras, consolant des enfants en leur disant de ne pas s’inquiéter car « grand-père Wen est là », disant adieu à des blessés emmenés par hélicoptère, main levée et mine tragique de circonstance. En fin de semaine, le président de la république Hu Jintao, certes dépourvu du charisme de son chef de gouvernement, est venu appuyer l’action de celui-ci en faisant un bref passage au Sichuan.
Médiatiquement, l’opération Wen Jiabao a été couronnée de succès. Les observateurs remarquent que le premier ministre est désormais la personnalité politique la plus populaire en Chine, figure compassionnelle illustrant la bienveillance du pouvoir pour son peuple. Sur l’équivalent chinois de « YouTube », « tudou.com », une vidéo intitulée « premier ministre Wen, vous avez ému la Chine et le monde » fait fureur. Sur le site de la télévision centrale, le forum « Wen, nous t’aimons » attire de nombreux internautes.
La « transparence » à la chinoise vis-à-vis des médias étrangers reste, quant à elle, plus contrastée. Si la plupart des journalistes accrédités à Pékin ont pu travailler cette semaine dans des conditions satisfaisantes, les vieux réflexes de méfiance à l’égard de la presse étrangère n’ont pas disparu. Après les premiers jours d’ouverture, les correspondants de presse sont désormais régulièrement bloqués par la police et empêchés de se rendre sur les principaux lieux du séisme, signe, peut-être, d’une reprise en main.
Bruno Philip (avec Sylie Kaufmann, à Shanghaï)
Une réplique, des glissements de terrain et des risques d’inondation menacent les sinistrés du Sichuan
Les autorités chinoises ont commencé à évacuer plus de 2 000 personnes menacées par une inondation à la suite du séisme qui a frappé le sud-ouest de la Chine, a annoncé l’agence officielle Chine nouvelle samedi 17 mai. De nombreux glissements de terrains provoqués par le tremblement de terre et par les répliques ont bloqué le cours de la rivière Qingzhu, dans la ville de Qingchuan de la province du Sichuan. Un lac artificiel de plus de 10 millions de mètres cubes s’est formé, qui menace désormais de déborder sur 40 kilomètres, a poursuivi l’agence, qui cite des experts et soldats dans la zone.
« Si le niveau de l’eau augmente encore de deux ou trois mètres, plus de 2 000 personnes qui ont été relogées dans des abris après le séisme vont être inondées ou menacées », a indiqué l’un des experts à Chine nouvelle. Les autorités envisagent aussi de provoquer une explosion pour détourner l’eau du lac, a poursuivi l’agence.
Une forte réplique, d’une magnitude de 5,9 sur l’échelle de Richter, a eu lieu vendredi dans le district de Lixian, situé à moins de 50 kilomètres du lieu de l’épicentre du séisme de lundi, qui avait une magnitude de 7,9. Par ailleurs, des cris de plus en plus faibles s’élevaient, vendredi, des bâtiments et des écoles en ruines dans le Sichuan. Le bilan de cette catastrophe devrait, selon les autorités, dépasser 50 000 morts. Alors que les chances de survie s’amenuisent pour les milliers de victimes encore disparues, les soldats et les volontaires civils, aidés par les premiers spécialistes étrangers, tout juste admis à apporter leur aide, fouillent encore les décombres. Vendredi, trente-trois survivants ont été extraits des gravats dans le seul district de Beichuan.
* AFP et Reuters, 17.05.08
Les enfants ensevelis des écoles du Sichuan
Hanwang (Sichuan), envoyé spécial
Devant l’école de briques vertes en partie écroulée, une femme courbée sur le cadavre de son enfant gémit des phrases inaudibles en embrassant la paire de baskets du mort. A côté d’elle, une autre hurle en agitant les bras. Ailleurs encore, une femme pleure bruyamment dans les bras d’un monsieur muet, immobile et protégé de la bruine sous un parapluie mauve. Deux hommes soutiennent une vieille dame en larmes qui ne tient plus sur ses jambes. Une puissante odeur de mort vient, par bouffées, empuantir l’atmosphère.
Plus d’un millier d’écoliers étaient inscrits dans cette école secondaire de Hanwang, une ville de 53 000 habitants située à une cinquantaine de kilomètres de l’épicentre du séisme.
Selon des sources médicales, le bilan très provisoire fait état d’une centaine de morts et d’un chiffre équivalent de disparus. Une vingtaine de survivants ont été extirpés des décombres depuis les premières secousses qui ont ébranlé l’établissement, lundi à 14h30. Plusieurs centaines d’écoliers seraient néanmoins parvenus à quitter cet établissement qui appartient à l’imposante usine de turbine voisine.
Au cœur de Hanwang, l’une des villes les plus meurtries par le séisme, la destruction de l’école secondaire incarne à l’extrême la nature de cette tragédie, qui n’a pas épargné les enfants et suscite déjà l’amertume, voire la colère chez les survivants. Dans une rue où les brancardiers ne cessent d’aligner des corps empoussiérés dans un camion, un petit homme en costume noir constate doucement : « Ma fille est là-dessous, sous les décombres ; elle est en classe de première. J’attends… »
A ses côtés, l’un de ses amis, dont le fils avait auparavant étudié ici, maugrée contre les autorités : « Le gouvernement local est fautif. Cela fait longtemps que l’on aurait dû déménager l’école de ces bâtiments construits dans les années 1960 et qui ne pouvaient pas résister à un tel choc. Les secours ont tardé et c’est aussi bien la faute des autorités locales que du gouvernement central. »
« DES CORPS DE PROFESSEURS ENTOURANT DE LEUR BRAS LES ÉLÈVES »
Le père de la disparue opine, en serrant nerveusement une bouteille d’eau dans ses mains : « Le déménagement était prévu pour le 1er septembre. » A gauche de l’école, derrière les pelleteuses qui s’activent sur les débris, des sauveteurs de l’Armée populaire de libération en tenue orange dégagent avec précaution l’espace d’un escalier écroulé. De nombreux corps empilés y ont été retrouvés. Les étudiants se sont précipités dans la panique à l’extérieur du bâtiment quand celui-ci s’est affaissé.
Un médecin accoudé à une ambulance, qui venait de courir avec une bouteille d’eau vers l’école, revient en annonçant : « Il y a trois personnes derrière l’escalier, vivantes. Elles communiquent. Je viens de leur apporter de quoi se rafraîchir. Mais c’est très compliqué de les sortir de là. »
Une infirmière raconte que ce matin, une jeune fille a été tirée vivante des décombres : « Sa jambe était coincée sous une poutre, dit-elle ; il a fallu l’amputer. » Une femme garde les yeux vissés sur l’espace obstrué de l’escalier : « Mon fils est dans le bâtiment. Il est mort, sans doute. Je le sais. Je veux juste le revoir une dernière fois. » Elle ne pleure pas, ne dit rien d’autre, à part son nom et celui de son fils, qu’elle calligraphie soigneusement : elle s’appelle Fu Yinglong, son fils Gou Mingshu. Il était en seconde.
L’infirmière remarque : « Cela fait trois jours qu’ils sont enterrés là-dessous. On ne peut généralement pas résister plus longtemps. A moins de garder son calme, de dormir le plus possible, d’économiser au maximum son énergie. »
Un jeune soldat, rencontré plus loin dans les rues dévastées en train de fumer une cigarette, rapporte que « l’on a retrouvé des corps de professeurs entourant de leur bras les élèves, comme s’ils avaient voulu les protéger jusqu’à la mort… »
Le gymnase de l’école, un bâtiment moderne en acier qui a résisté au choc, a été transformé en chapelle ardente. Sur le terrain de sport, les sauveteurs alignent des cadavres, tous recouverts de bâches en plastique jaune. Des familles se pressent sur les corps de leurs proches, les habillent, les lavent. Des photographes de la police les identifient. Autour, les immeubles de la ville encore debout sont lézardés.
Il règne ici un lourd silence, troublé par le bruit du vent qui fait grincer des portes laissées ouvertes, le fracas des pelleteuses et les sirènes des ambulances. Les bâtiments ont été évacués. Plus loin, au cœur de la ville, une autre tragédie se noue. Le toit de l’usine de turbines à vapeur, fierté de ce chef-lieu de canton, a cédé, enterrant des centaines d’ouvriers sous les gravats. Le bilan est invérifiable. On craint le pire.
La télévision chinoise a annoncé, jeudi, que le bilan devrait « dépasser les 50 000 morts ». Le président Hu Jintao, arrivé vendredi au Sichuan, a prévenu que les opérations de secours avaient atteint « une phase cruciale ».
La veille, Pékin avait fini par accepter, avec retard, l’arrivée sur les lieux du désastre de sauveteurs étrangers. Des experts sud-coréens ont atterri à Chengdu, capitale du Sichuan. Des spécialistes des catastrophes venus de Russie, du Japon et de Singapour sont attendus.
Les médias chinois, pour leur part, mettaient l’accent sur les fissures apparues sur des barrages construits dans les zones situées vers l’épicentre du séisme. Les autorités évoquaient, jeudi, des plans d’évacuation de la population…
Bruno Philip
Enquête sur les défauts de construction des écoles du Sichuan
Le gouvernement chinois a ordonné, vendredi 16 mai, l’ouverture d’une enquête sur les raisons pour lesquelles de nombreux établissements scolaires ont été détruits dans le séisme qui a frappé, lundi, la province du Sichuan, dans le sud-ouest du pays. « S’il s’avère qu’il y a eu des problèmes liés à la construction des bâtiments scolaires, nous traiterons les responsables sans aucune tolérance », a indiqué un responsable du ministère de l’éducation, Han Jin.
Les critiques émanant des parents sur les constructions scolaires se multiplient alors que les chances de retrouver les disparus, enfants et enseignants, s’amenuisent. Lorsque le séisme a frappé le Sichuan, les classes étaient bondées. Neuf cents enfants ont été ensevelis dans une école à Juyuan, un millier à Mianyang, 200 à Hanwang et d’autres dans un collège à Beichuan.
Selon des estimations publiées par l’agence Chine Nouvelle, 6 898 bâtiments scolaires ont été détruits, sur les 216 000 édifices rasés dans la province.
* AFP 16.05.08