Le désarroi guette les parents du Sichuan dont les enfants ont péri dans des écoles mal construites, souvent les seuls bâtiments à s’être totalement effondrés dans les bourgades touchées par le séisme du 12 mai : les résultats des enquêtes, sans cesse repoussés, les pressions croissantes des autorités locales et les admonestations à « prendre en compte le contexte plus général des Jeux olympiques » n’incitent pas à l’optimisme là où les exigences de justice, assez largement relayées dans la presse chinoise dans les premières semaines qui ont suivi le désastre, avaient un temps laissé croire à une quête beaucoup plus approfondie des responsabilités.
« On nous a dit cette fois qu’il y aurait des réponses mi-juillet. Mais on n’en sait rien », nous explique au téléphone Mme Chen, de Wufu, près de Mianzhu, où les parents endeuillés s’étaient réunis plein d’espoir le 20 juin, date butoir initialement proposée, selon eux, par les autorités. La colère avait grondé, des parents avaient alors accusé le gouvernement de temporiser. Ils continuent aujourd’hui de se réunir régulièrement, évoquent la possibilité de faire une action en justice mais disposent en réalité de très peu de recours.
Le cas de l’école de Wufu, tout comme celui de deux autres écoles à Juyuan et à Dujiangyan, devenus bien trop emblématiques d’erreurs humaines et non plus de catastrophe naturelle, sont désormais étiquetés comme « sensibles » : plus rien ne circule dans la presse chinoise, ou même Internet, à leur sujet - ni par conséquent sur les quelque 60 écoles qui, d’après nos calculs, ont subi ce type d’écroulement caractérisé de leurs structures.
Les autorités, qui ont certes accordé aux familles des compensations d’un montant provisoire (l’équivalent de 2 000 euros par enfant disparu à Wufu), tirent tout le profit possible de la rétention d’informations qui entoure le dossier des écoles écroulées. A Dujiangyan, selon des témoignages rapportés par Radio Free Asia, des parents ont été brutalisés par les policiers le 21 juin. Plusieurs ont été détenus. Dans ces trois lieux, la presse étrangère rencontre des difficultés à faire son travail.
« 1 000 BOMBES ATOMIQUES »
Plus grave, le ton de la presse officielle du Sichuan montre qu’une contre-offensive est désormais à l’œuvre en matière de propagande : le 25 juin, le quotidien Tianfu, qui appartient au très officiel groupe du Quotidien du Sichuan, rendait compte d’une conférence organisée la veille par l’Académie des sciences sociales de Chengdu sur les « relations entre le séisme et la sécurité des bâtiments ». Des experts en vue se prononcent sur la difficulté de déterminer des vices de construction à partir de débris et l’impossibilité de désigner des responsables. Seule l’intensité du tremblement de terre, « comparable à 1 000 bombes atomiques », est mise en avant car elle invalide les normes de sécurité prévues pour la construction des bâtiments.
Sous le titre « Les officiels s’en lavent les mains », le South China Morning Post, de Hongkong, rapporte que des citations choisies préparées par le département des relations publiques du Sichuan semblent avoir été distribuées aux journaux, avec pour « message » que le gouvernement éviterait de poursuivre quiconque dans l’affaire des écoles écroulées.