En 2022, dans son rapport annuel, le centre LGBTQIA+ Nash svit [Notre monde) indiquait que 16 cas de violations des droits de membres de la communauté LGBTQIA+ par des militaires des Forces armées ainsi que par des formations paramilitaires, ont été documentés. Dans 15 de ces cas, il s’agissait de violations commises par des militaires et, dans un cas, les agresseurs étaient des représentants de la garde municipale. D’autres agressions ont été probablement commises mais n’ont pas été recensées notamment en raison du silence que se sont imposé les victimes. On estime que 10% des adultes LGBTQIA+ ont été enrôlés ou se sont portés volontaires dans l’armée après le début de l’invasion à grande échelle de la Russie.
L’association des militaires et vétérans LGBTQIA+ a été fondée en 2018 par Viktor Pylypenko, un vétéran ouvertement gay qui a combattu dans les rangs du Bataillon Donbass. Il a fait son coming out pendant l’exposition d’Anton Shebetko « Nous étions ici ». Actuellement, Військові ЛГБТ compterait plus de 300 soldats membres ouvertement LGBTQIA+. Son objectif est d’obtenir l’égalité des droits avec les autres citoyen·nes ukrainien·nes. En 2018, elle a défilé à la Marche des Fiertés, organisée par Kyiv Pride [1].
Dans sa déclaration de fondation, Військові ЛГБТ s’est fixé les objectifs suivants :
Notre association défend les valeurs proclamées par lа Révolution de la Dignité (EuroMaïdan). Notre objectif est de faire en sorte que la communauté LGBTQIA+ ait les mêmes droits que tout·e citoyen·e ukrainien·ne, entre autres le droit au mariage, le droit à fonder une famille et le droit à la non-discrimination. En plus de faire respecter nos droits, nous exigeons l’édification d’une société inclusive et égalitaire, incluant les minorités et les groupes de citoyen·nes respectueux·euses des lois de l’Ukraine. C’est grâce à la lutte pour l’égalité que notre société deviendra plus humaine, inclusive, surmontera les préjugés et se rapprochera des idéaux d’une Ukraine européenne libre. Nous avons participé à la révolution sur le Maïdan et nous combattons l’occupant russe et ses partisans depuis le début des troubles dans le Donbass en 2014, comme beaucoup d’autres citoyen·es ukrainien·nes. Dès lors, pourquoi devrions-nous demeurer des citoyen·es de seconde zone ?
Une exposition à Kyiv
En novembre 2022 s’est tenue à Kyiv l’exposition de photos « LGBTQIA+ pour la défense de l’Ukraine ». Pour Olena Globa, organisatrice de l’exposition, de tels événements devraient avoir lieu afin d’augmenter la visibilité des militaires appartenant à la communauté, ainsi que pour lutter contre les stéréotypes : « En général, l’idée de photographier nos guerrier·es LGBTIQ+ est venue à mon fils. Lui-même est gay, vit en Amérique, mais était à une époque un militant LGBTQIA+ bien connu en Ukraine. Il a dû partir parce qu’il est ouvertement gay. Il a prononcé un discours même à la Verkhovna Rada [parlement]. De ce fait, il a reçu de nombreuses menaces, il a même été attaqué dans la rue par de « courageux » combattants qui défendaient les valeurs dites traditionnelles. ». « Nos enfants LGBTQIA+ se battent maintenant. Leur orientation sexuelle ne les empêche pas de défendre leur patrie sur un pied d’égalité avec leurs compatriotes hétérosexuels. Et pourquoi, partageant tous les fardeaux pour leur patrie, ne peuvent-ils partager des droits égaux ? Pourquoi débattons-nous encore de voter ou non pour le mariage homosexuels ? Ces gens risquent maintenant leur vie et ils croient en Ukraine. Nous, les parents, qui sommes pour la plupart hétérosexuels, avons tous des droits, mais pas nos enfants. C’est très triste » ajoute Olena.
Patrick Le Tréhondat
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