Tunis (Tunisie).– « Nous avons perdu en quelques jours avec le Covid-19 une lycéenne qui venait d’avoir son bac et qui a fait un arrêt cardiaque, et un jeune de 22 ans qui avait besoin de 15 litres d’oxygène, c’est une hécatombe. » Riadh Boukef est chef du service des urgences à l’hôpital Sahloul de Sousse, ville portuaire de l’Est tunisien. Lui qui avait pu ouvrir une unité Covid-19 dans le parking de l’hôpital grâce à des dons l’année dernière se retrouve aujourd’hui à placer des chaises et des lits même dans la salle d’attente, pour faire face à l’afflux de patients.
« Nous avons un gros problème au niveau des lits de réanimation, près d’un tiers de mes malades attendent de pouvoir aller en réa. Il faudrait aussi réquisitionner certains services de l’hôpital car nous sommes débordés, sans compter les cliniques privées qui devraient aider à l’effort, la situation est vraiment catastrophique. »
Sousse a été confinée dimanche 4 juillet pour une semaine, à l’instar d’autres régions comme Siliana, Beja, Jendouba ou encore Kairouan dans le centre du pays, qui vivent des situations similaires. Les confinements ciblés ont été décrétés en fonction du nombre de cas de contamination pour 100 000 habitants. Toutes les régions ayant entre 200 et plus de 400 cas doivent se reconfiner avec seulement l’ouverture des commerces essentiels.
Le pays vit depuis un mois une recrudescence de cas avec près d’une centaine de morts par jour et plus de 15 000 décès depuis le début de la pandémie. Le taux d’occupation des lits de réanimation est de 89 %, celui des lits à oxygène de 95 %, sans compter l’apparition de 44 cas du variant Delta et deux cas du variant nigérian.
Le pays manque aussi de concentrateurs d’oxygène malgré l’importation d’oxygène d’Algérie et de nombreux dons de la part de pays européens. En plus des 165 concentrateurs de 10 litres déjà donnés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les autorités en auraient besoin de 1 500 supplémentaires. « Le problème, c’est que nous n’avons pas eu de nouvelle vague, c’est la même vague depuis six mois qui ne se stabilise pas, avec des pics relativement élevés », explique Samir Abdelmoumen, chef du SAMU à Tunis.
Un laxisme dans le respect des gestes barrières explique en partie cette recrudescence. À Tunis, la municipalité de Mornaguia utilise les réseaux sociaux pour dissuader les habitants d’organiser mariages et fêtes cet été.
La vaccination patine
Sousse a interdit l’accès aux plages dimanche et renforcé les contrôles aux alentours. Dans d’autres régions, l’armée a été déployée. « Pendant cette semaine, on voyait encore des gens dans la rue, sans masque, ou des louages (transports collectifs) qui se déplacent d’une région à une autre », déplore un pneumologue de l’hôpital régional de Siliana, Zouhair Souissi.
Le manque de personnel paramédical et médical se fait aussi sentir, en raison du départ de nombreux médecins tunisiens à l’étranger ces dernières années du fait de la détérioration du système de santé du pays.
« Malheureusement, la campagne de sensibilisation n’a pas été vraiment à la hauteur même si nous avions les quantités suffisantes pour vacciner tous les plus de 60 ans »
Un expert santé sous couvert d’anonymat
Par ailleurs, la campagne de vaccination, qui a commencé à la mi-mars, peine à décoller, faute d’un approvisionnement rapide en vaccins des pays fournisseurs. Sur les 14 millions de doses commandées par la Tunisie, de différents vaccins, seulement plus de deux millions sont arrivées et 5 % de la population a reçu ses deux doses d’injection.
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« Il y a eu des retards avec des pays où nous avions déjà fait la commande et payé, il faut absolument que ce problème se résolve car la vaccination ne peut pas être juste pour les pays riches », argumente Samir Abdelmoumen. Dans certaines régions rurales comme les alentours de Kairouan ou de Kasserine, beaucoup de personnes âgées ne sont pas allées se faire vacciner, faute de transports publics et de connexion Internet. « Malheureusement, la campagne de sensibilisation n’a pas été vraiment à la hauteur même si nous avions les quantités suffisantes pour vacciner tous les plus de 60 ans », admet un expert santé sous couvert d’anonymat.
Pour lui, le gouvernement ne peut pas faire plus que les nouvelles restrictions. Un confinement général a été plusieurs fois prôné par le comité scientifique de lutte contre le coronavirus mais la situation économique et sociale du pays ne le permet pas, affirment les autorités.
Ces dernières, critiquées pour leur manque de réactivité, ont finalement réagi après la diffusion de photos de plages combles cette fin de semaine dans le Grand Tunis. Le gouverneur a décidé d’un confinement général dans la capitale chaque week-end pendant deux semaines à partir de samedi.
Lilia Blaise