“Le Conseil national des Igbos (INC) donne un ultimatum de vingt et un jours aux almajirai pour évacuer le sud du Nigeria”, rapporte Vanguard. Le site d’information nigérian paraphrase les propos du président de l’INC, Chilos Godsent, qui veut “éviter que les militants djihadistes n’atteignent leur objectif d’éliminer nos citoyens”. Depuis l’émergence de la pandémie de Covid-19, les enfants almajirai font les frais des nouvelles politiques sanitaires dans les États du Nord.
À l’image des enfants talibés du Sénégal, l’almajiranci est un système séculaire d’enseignement du Coran qui consiste à inculquer les connaissances islamiques dès le plus jeune âge. Se comptant par millions, les almajirai, généralement des garçons, sont issus de familles pauvres du Nigeria et des pays voisins. Ces enfants sont hébergés par des maîtres coraniques..
Souvent livrés à eux-mêmes, ils sont forcés de faire la manche pour se nourrir. Cette mendicité est censée leur apprendre l’humilité et permet également aux croyants de pratiquer l’aumône, l’un des cinq piliers de l’islam. Une pratique qui divise le pays depuis de nombreuses années, les élèves faisant l’objet d’abus et d’exploitation.
Expulsions massives
Depuis que des cas positifs au coronavirus ont été décelés au sein de la jeune communauté, les gouverneurs du Nord procèdent à une expulsion massive de ces enfants des rues vers les États nigérians voisins, suscitant leur colère. “Au fil des ans, les gouvernements successifs n’ont pas réussi à démontrer la volonté politique de sauver les almajirai de la décadence sociale, analyse le site du quotidien nigérian The Nation. Les élèves n’ont pas reçu la protection socio-économique qu’ils méritaient. […] Il est regrettable que les gouverneurs aient choisi de saisir l’occasion de la crise du Covid-19. Expulser les almajirai d’un État à un autre comme des produits de base ne peut qu’aliéner davantage ces malheureux citoyens.”
Au-delà des risques, avérés ou non, de propagation de la pandémie, les États du sud du Nigeria craignent que certains des almajirai qui débarquent sur leur territoire aient été recrutés par la secte djihadiste Boko Haram. Une angoisse partagée par une partie de la population, explique le portail national d’actualités Punch :
“Les insurgés de Boko Haram attirent ces garçons dans leur giron et ces derniers n’ont rien à perdre puisque la promesse d’un paradis glorieux est trop belle pour résister après avoir traversé l’école des coups durs pendant leur séjour terrestre.”
Si certains gouverneurs acceptent d’accueillir les jeunes garçons afin de les réinsérer socialement, d’autres menacent de sanctions les parents qui persistent à envoyer leurs enfants dans ce système d’enseignement. En 2012, l’ancien président Goodluck Jonathan le définissait comme dangereux pour le développement national, insistant sur la nécessité d’insérer les élèves dans le système scolaire étatique. Le gouvernement fédéral a fait construire dans le Nord des écoles coraniques publiques afin de tenter de maîtriser le phénomène, mais beaucoup sont aujourd’hui délabrées.
Sidy Yansané
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