Sean Liang, Cici Zhang et Mia Fan ont un point en commun : ils “sont discriminés à cause de leur âge sur un marché du travail hostile où l’ombre du chômage plane et les difficultés financières grandissent”.
“La pandémie de Covid-19 a rendu la recherche d’emploi encore plus laborieuse pour les travailleurs chinois d’âge moyen. Les taux de chômage ont beau être bas pour les 25-59 ans, nombre d’entre eux rencontrent des difficultés”, explique le quotidien hongkongais South China Morning Post (SCMP).
De février à septembre 2020, le nombre de demandeurs d’emploi âgés de 35 ans et plus ayant déposé un CV sur la plateforme de recrutement Zhaopin a augmenté de 14,9 % par rapport à la même période de l’année précédente, soit plus du double que la tranche des moins de 35 ans.
“Moins performants”
Lorsque Sean Liang a eu 30 ans, il a commencé à s’inquiéter de la “malédiction des 35 ans”, une croyance très répandue en Chine selon laquelle ce cap marque nécessairement pour les cols blancs l’entrée dans une période de précarité professionnelle, raconte le journal américain The New York Times.
Désormais âgé de 38 ans, cet assistant technique s’est reconverti en coach personnel. Il a passé la majeure partie de ces trois dernières années au chômage, en partie à cause de la pandémie et de la stagnation de l’économie chinoise. Mais il estime que la raison principale est son âge. “Comme je suis sportif, je fais plus jeune que mon âge, confie-t-il au New York Times. Mais aux yeux de la société, les gens comme moi sont moins performants.”
Mais pour Mia Fan, les choses ont été plus compliquées. En mai, elle a été licenciée de son poste de gestionnaire dans le secteur financier à Hangzhou, dans l’est de la Chine, raconte le SCMP. Depuis ce jour-là, elle fait semblant d’aller au travail tous les matins pour que ses beaux-parents ne s’aperçoivent pas qu’elle est au chômage. Une fois sortie de la maison, elle se rend à Starbucks pour se poser et envoyer des CV.
“Je ne veux pas les inquiéter. Et puis, j’ai peur de laisser une mauvaise impression à ma fille si je reste à la maison toute la journée à ne rien faire”, ajoute Mia Fan, qui reconnaît qu’elle a un peu honte d’avoir perdu son travail, la plupart de ses proches ayant une bonne situation financière.
Mia Fan a postulé à plus de 70 postes sur différents sites d’annonces d’emploi, mais n’a reçu que des offres d’entreprises qui ne répondaient pas tout à fait à ses exigences. Certaines l’ont même recalée en raison de son âge, affirmant qu’elles ne recherchaient que des personnes de moins de 35 ans, précise le journal hongkongais.
“Tout ce que je veux, c’est survivre”
Même constat du côté de Cici Zhang, qui, en tant que femme, s’est davantage heurtée aux discriminations. Depuis ses 25 ans, elle est interrogée par ses employeurs sur son projet d’avoir des enfants, rapporte le New York Times. Lorsqu’elle a répondu que son mari et elle ne prévoyaient pas d’en avoir, on lui a demandé ce que leurs parents pensaient de cette décision.
Au mois de mai, la trentenaire a finalement reçu une offre d’emploi dans une petite entreprise. Mais elle l’a acceptée sans excitation ni joie. “Avant, j’avais de l’ambition : je voulais des promotions, des augmentations de salaire et j’aspirais à une vie meilleure, regrette-t-elle. Maintenant c’est fini. Tout ce que je veux, c’est survivre.”
Repérée par le quotidien américain, une publication est devenue virale sur les réseaux chinois. Sur cette dernière, on peut lire : “À 35 ans, on est trop vieux pour travailler. À 60 ans, on est trop jeune pour partir à la retraite.” Ce qui signifie, selon le New York Times, que “les personnes qui ont l’âge de travailler manquent de perspectives et ceux en fin de carrière devront sans doute continuer à travailler plus longtemps puisque le gouvernement envisage de repousser l’âge de la retraite”.
Dans les colonnes du SCMP, Wang Chenxu, un chasseur de têtes, donne les raisons de cette “malédiction” : “À moins que les demandeurs d’emploi d’âge moyen aient un CV exceptionnel, les entreprises leur préféreront toujours des employés plus jeunes, plus faciles à former et à faire progresser rapidement.”
Et de souligner : “Les plus de 35 ans obtiennent souvent des postes par recommandation ou grâce à des chasseurs de têtes plutôt qu’en passant par les voies de recrutement classiques.”
Leslie Souvanlasy
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.