Tariq Ramadan, accusé de viol et d’agressions sexuelles par une militante féministe et laïque, portera plainte pour dénonciation calomnieuse « dès lundi » auprès du procureur de la République de Rouen, a annoncé samedi 21 octobre son avocat. L’islamologue et théologien suisse « oppose un démenti formel à ces allégations », écrit Me Yassine Bouzrou dans un communiqué.
Henda Ayari, ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque, a déposé vendredi une plainte contre l’islamologue auprès du parquet de Rouen, dont relève le domicile de la plaignante. La plainte porte sur « des faits criminels de viol, agressions sexuelles, violences volontaires, harcèlement, intimidation », selon le document consulté par l’AFP.
Henda Ayari, 40 ans, présidente de l’association Libératrices, a écrit vendredi sur sa page Facebook avoir été « victime de quelque chose de très grave il y a plusieurs années » mais n’avoir pas alors voulu révéler le nom de son agresseur en raison de « menaces de sa part ».
Libération de la parole
Dans son livre J’ai choisi d’être libre, paru en novembre 2016 chez Flammarion, elle décrit cet homme sous le nom de Zoubeyr, narrant un rendez-vous dans sa chambre d’hôtel à Paris, où l’intellectuel musulman venait de donner une conférence.
« Par pudeur, je ne donnerai pas ici de détails précis sur les actes qu’il m’a fait subir. Il suffit de savoir qu’il a très largement profité de ma faiblesse », écrit Henda Ayari, assurant que quand elle s’est « rebellée », qu’elle lui a « crié d’arrêter », il l’a « insultée », « giflée » et « violentée ». « Je le confirme aujourd’hui, le fameux Zoubeyr, c’est bien Tariq Ramadan », écrit Henda Ayari sur Facebook.
Selon Jonas Haddad, l’un de ses conseils, « avec la libération de la parole à laquelle on assiste depuis quelques jours, Henda Ayari a décidé de dire ce qu’elle a subi et d’en tirer les conséquences judiciaires ».
Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, âgé de 55 ans, est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford (Grande-Bretagne). Relativement populaire auprès d’une partie des fidèles musulmans, il est aussi très contesté, notamment dans les milieux laïques, qui voient en lui le tenant d’un islam politique.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 21.10.2017 à 18h35 • Mis à jour le 22.10.2017 à 13h56 :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/10/21/accuse-de-viol-par-la-militante-feministe-et-laique-tariq-ramadan-va-porter-plainte_5204269_3224.html
Tariq Ramadan accusé de viol par la militante Henda Ayari
La militante féministe et laïque a écrit sur sa page Facebook avoir été « victime de quelque chose de très grave il y a plusieurs années ».
Vendredi soir, Tariq Ramadan n’avait pas encore réagi aux accusations d’Henda Ayari.
L’islamologue et théologien suisse Tariq Ramadan est visé par une plainte « pour des faits criminels de viol, d’agressions sexuelles, de violences volontaires, de harcèlement et d’intimidation ». Cette plainte a été déposée auprès du parquet de Rouen par Henda Ayari, 40 ans, ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque, et qui est aujourd’hui présidente de l’association Libératrices.
Elle a déclaré vendredi 20 octobre sur sa page Facebook avoir été « victime de quelque chose de très grave il y a plusieurs années », mais n’avoir pas alors voulu révéler le nom de son agresseur en raison de « menaces de sa part ».
Dans son livre J’ai choisi d’être libre, paru en novembre 2016 chez Flammarion, elle décrit cet homme sous le nom de Zoubeyr, narrant un rendez-vous dans sa chambre d’hôtel à Paris, où cet intellectuel musulman venait de donner une conférence.
Libération de la parole
« Par pudeur, je ne donnerai pas ici de détails précis sur les actes qu’il m’a fait subir. Il suffit de savoir qu’il a très largement profité de ma faiblesse », écrit Henda Ayari, assurant que quand elle s’est « rebellée », qu’elle lui a « crié d’arrêter », il l’a « insultée », « giflée » et « violentée ». « Je le confirme aujourd’hui, le fameux Zoubeyr, c’est bien Tariq Ramadan » , écrit Henda Ayari sur Facebook.
Selon Jonas Haddad, l’un de ses conseils, « Henda Ayari n’avait pas envie de communiquer sur ce sujet, par peur. Avec la libération de la parole à laquelle on assiste depuis quelques jours, elle a décidé de dire ce qu’elle a subi et d’en tirer les conséquences judiciaires ».
Tariq Ramadan n’a pas réagi. Petit-fils du fondateur de la confrérie islamiste égyptienne des Frères musulmans, âgé de 55 ans, Tariq Ramadan est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford (Grande-Bretagne). Relativement populaire auprès d’une partie des fidèles musulmans, il est aussi très contesté, notamment dans les milieux laïques, qui voient en lui le tenant d’un islam politique.
Le Monde.fr avec AFP
* Le Monde.fr | 20.10.2017 à 18h56 • Mis à jour le 20.10.2017 à 22h09 :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/10/20/tariq-ramadan-accuse-de-viol-par-henda-ayari_5203987_3224.html
Le trouble du monde associatif et religieux musulman face à l’affaire Tariq Ramadan
Après les deux plaintes pour viol déposées contre l’islamologue, les institutions, les associations et les personnalités de la communauté restent silencieuses.
Les institutions, associations et acteurs musulmans ont été remarquablement discrets depuis l’annonce du dépôt de la première plainte pour viol et agression sexuelle contre l’islamologue Tariq Ramadan, le 20 octobre. « Il y a eu une stupeur, une sidération » après les plaintes déposées par deux femmes et les récits qu’elles ont livrés de leur agression, résume Saïd Branine, directeur d’Oumma, le seul site musulman d’information à en avoir rendu compte, dès le 20 octobre. « Si les faits sont avérés, cela va être un tremblement de terre », observe le sociologue et intellectuel musulman Omero Marongiu-Perria.
L’embarras est flagrant du côté des dirigeants de l’ex-Union des organisations islamiques de France, aujourd’hui nommée Musulmans de France. Depuis des années – à l’exception de 2017 –, le prédicateur était l’un des orateurs vedettes du Salon annuel organisé au Bourget (Seine-Saint-Denis) par cette fédération dans la mouvance des Frères musulmans, remplissant immanquablement le chapiteau qui lui était dévolu. Son président, Amar Lasfar, n’a pas réagi.
« Pas d’intérêt aujourd’hui à en parler »
Contacté samedi 28 octobre, Ahmet Ogras, le président du Conseil français du culte musulman, l’organisme chargé de représenter le culte musulman auprès des pouvoirs publics, a estimé pour sa part que cette affaire « n’est pas une priorité des musulmans de France ni des Français » et qu’« il n’y a pas d’intérêt aujourd’hui à en parler ». « S’il y a quelque chose de plus sérieux au plan juridique, on verra », a-t-il ajouté.
Ce malaise, souligne Saïd Branine, tient d’abord au fait que beaucoup de ces acteurs, qu’ils soient associatifs ou religieux, « connaissent personnellement ou ont été en relation avec Tariq Ramadan » à un moment donné de leur parcours, notamment parce qu’ils ont eu recours à lui comme conférencier. Il tient aussi au discours même de Tariq Ramadan, « qui renvoie à la pudeur, à l’éthique islamique », complète le journaliste.
« Les leaders religieux musulmans bâtissent toute une partie de leur discours sur la notion de pureté, confirme Omero Marongiu-Perria. Si ces accusations étaient avérées, elles briseraient la façon dont des musulmans se structurent dans leur rapport à la religion. On comprend que cela déstabilise et que certains cherchent un exutoire dans la calomnie et la thèse du complot. »
Cette thèse, Tariq Ramadan l’a lui-même nourrie en écrivant samedi, sur sa page Facebook : « Je suis depuis plusieurs jours la cible d’une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement mes ennemis de toujours. » Il a annoncé le dépôt dans les prochains jours d’une nouvelle plainte « puisque [s]es adversaires ont enclenché la machine à mensonges ».
« La logique qui prévaut est celle de l’omerta »
Omero Marongiu-Perria ajoute que le discours proprement religieux qui s’esquisse autour de cette affaire « ne facilite pas la prise de parole des femmes ». Vendredi 27 octobre, par exemple, un imam de Roubaix, Abdelmonaim Boussenna, tout en jugeant « inacceptable » d’insulter les femmes qui ont porté plainte contre Tariq Ramadan, a rapproché ces plaintes aux calomnies faites sur le compte d’Aïcha, l’une des épouses du Prophète de l’islam, comme le montre une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
« Cette rhétorique s’inscrit sur fond de menace eschatologique, de menace d’excommunication du groupe, estime Omero Marrongiu-Perria. La logique qui prévaut est celle de l’omerta. »
Le second témoignage évoqué par Le Monde et Le Parisien samedi a cependant ébranlé ce mur de silence. « On sent un début de frémissement, note Saïd Branine. Le silence n’est pas tenable. Mais c’est encore très difficile. »
Des groupes féministes pourraient ouvrir une brèche. L’association Lallab annonce un texte pour cette semaine. « Les derniers jours ont été particulièrement difficiles car beaucoup d’entre nous sont ou ont été touchées par des agressions sexistes, explique sa fondatrice, Sarah Zouak. Nous avons reçu énormément de témoignages. La première chose à laquelle nous pensons, ce sont les victimes. Nous savons à quel point c’est dur pour elles de parler, surtout contre quelqu’un de connu. Mais nous voulons aussi rappeler que le patriarcat n’a ni religion ni classe sociale, et que l’on ne doit pas instrumentaliser des affaires de ce type. »
Cécile Chambraud
* LE MONDE | 30.10.2017 à 06h42 • Mis à jour le 30.10.2017 à 11h59 :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/10/30/le-trouble-du-monde-associatif-et-religieux-musulman-face-a-l-affaire-tariq-ramadan_5207684_3224.html
Une deuxième plainte pour viol déposée contre Tariq Ramadan
Selon des informations du « Monde », une femme de 45 ans a déposé plainte, jeudi, contre l’islamologue suisse, dénonçant des faits commis en 2009.
Après celle d’Henda Ayari, le 20 octobre, contre l’islamologue suisse, la nouvelle plainte a été reçue vendredi 27 octobre au parquet. Elle est accompagnée d’un témoignage circonstancié et accablant, dont Le Monde a pris connaissance, ainsi que Le Parisien, et concerne des faits qui auraient eu lieu en 2009 et ne sont donc pas prescrits.
« Tariq Ramadan m’a donné rendez-vous au bar de l’hôtel Hilton de Lyon, où il était descendu pour une conférence, en octobre 2009 », raconte la nouvelle plaignante, une femme de 45 ans qui souhaite conserver son anonymat dans les médias mais dont nous avons pu vérifier l’identité. A l’époque, cette Française convertie à l’islam entretient alors, depuis le 31 décembre 2008, une correspondance avec M. Ramadan auprès duquel elle cherche conseil, comme nombre de musulmans qui se déplacent pour l’écouter.
Violence inouïe
Ce jour-là, cependant, c’est la première fois qu’elle le rencontre. « Au bout de dix minutes, il m’a dit : “Nous ne pouvons pas rester là, tout le monde nous regarde. Je suis une personne connue et le Maghrébin à l’accueil m’a reconnu et n’arrête pas de nous regarder”. » M. Ramadan lui propose donc, assure-t-elle, de rejoindre sa chambre où ils pourront poursuivre leur conversation autour d’un thé.
C’est là qu’au bout de quelques minutes aurait eu lieu l’agression. Portant une attelle à la jambe droite, la jeune femme marche alors avec des béquilles. « Il a donné un coup de pied dans mes béquilles et s’est jeté sur moi en disant : “Toi, tu m’as fait attendre, tu vas prendre cher !” » Suivent alors, selon ses déclarations, des gifles au visage, aux bras, aux seins et des coups de poing dans le ventre. Fellation et sodomie imposées de force, nouveaux coups, nouveau viol, ce que rapporte cette femme est d’une violence inouïe.
« J’ai hurlé de douleur en criant stop ! », dit-elle. Puis, selon son témoignage, M. Ramadan la viole à nouveau, avec un objet cette fois. « Plus je hurlais et plus il tapait », raconte-t-elle. « Il m’a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m’amener dans la baignoire de la salle de bain pour m’uriner dessus », rapporte-t-elle, expliquant qu’elle n’a réussi à s’enfuir qu’au petit matin. La plaignante fournit par ailleurs, à l’appui de son témoignage, des certificats médicaux établis à l’époque des faits.
« Des mois de harcèlement et de menaces »
Par la suite, assure-t-elle encore, M. Ramadan lui aurait envoyé plusieurs SMS afin de la revoir « comme si nous avions passé une super nuit d’amour romantique et tendre ». Elle refuse. « J’ai subi ensuite des mois de harcèlement et de menaces et des hommes me suivaient dans la rue ; un m’a même menacée de mort. J’ai dû rester chez une amie pendant presqu’un mois à partir du 18 novembre 2009. » Son avocat, Eric Morain, essaie désormais de convaincre cinq autres femmes de témoigner, voire de déposer plainte à leur tour pour des faits de viols ou d’agression sexuelle.
Le 24 octobre, M. Ramadan avait déposé une plainte en dénonciation calomnieuse auprès du parquet de Paris après que Henda Ayari l’eut accusé de viol. Interrogé par Le Monde, samedi, sur cette nouvelle accusation, son avocat, Yassine Bouzrou, « ne souhaite pas faire de commentaire ». M. Ramadan n’a pas répondu à nos sollicitations.
Le témoignage d’Henda Ayari présente quelques similitudes. Entendue par la police judiciaire de Rouen, l’écrivaine a raconté son rendez-vous avec l’islamologue suisse dans un hôtel parisien, au printemps 2012, au moment du congrès de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) où il avait prévu d’intervenir. Elle avait auparavant pris contact avec M. Ramadan sur Facebook, afin de lui demander des conseils d’ordre religieux. Ce jour-là, elle le retrouve donc à l’hôtel. Sous prétexte que le hall est bondé et bruyant, il lui propose de monter dans sa suite. Une fois dans la chambre, il aurait « sauté » sur elle, l’aurait giflée et violée, avant de lui proposer de l’argent pour prendre un taxi.
Henda Ayari avait déjà raconté cette scène en novembre 2016 dans J’ai choisi d’être libre (Flammarion), un ouvrage où elle expliquait notamment son embrigadement puis sa rupture avec le salafisme. Elle consacrait aussi plusieurs pages aux agissements de son agresseur présumé, mais sans donner son vrai nom ; dans le livre, le violeur s’appelait « Zoubeyr ».
Des disciples en nombre
La récente affaire Harvey Weinstein aux Etats-Unis – le producteur hollywoodien est confronté à une cascade d’accusations de harcèlement et de viol – a convaincu celle qui est aussi présidente de l’association Libératrices de dénoncer M. Ramadan sur son compte personnel Twitter et sur sa page Facebook avant que son avocat, Me Jonas Haddad, ne dépose sa plainte pour viol. Henda Ayari, qui affirme avoir été menacée ensuite par M. Ramadan, a fourni aux enquêteurs plusieurs écrits de ce dernier.
Comment cette figure centrale de l’islam, comment cet homme qui mettait en garde les musulmans contre les rapports sexuels hors mariage en leur rappelant que c’est « devant Dieu, qu’il nous est donné la possibilité de vivre une relation avec une femme », a-t-il pu dissimuler à ses fidèles proches ou moins proches un tel comportement ?
Avec son éloquence impeccable, son CV à rallonge et son charisme, M. Ramadan sillonne depuis vingt-cinq ans la France, la Belgique, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, drainant à sa suite des disciples qu’il impressionne tel un gourou. Deux millions d’abonnés sur Facebook, plus de 632 000 sur Twitter. A chaque conférence, l’homme dédicace des dizaines d’ouvrages. Jeunes, vieux, femmes voilées ou non, son public est hétéroclite – et pour certains fans, il lui arrive de glisser son numéro de téléphone juste au-dessous de sa signature.
Il est vrai que, depuis 2014, certains témoignages, postés, jusqu’ici, sur des forums de discussion, faisaient état d’une forme d’emprise exercée sur certaines femmes, d’une violence psychologique parfois et, quoi qu’il en soit, de relations féminines en complète contradiction avec un discours religieux bien plus rigoriste.
Mais pas l’ombre toutefois d’une preuve solide. En 2007, le journaliste Ian Hamel, résidant en Suisse, avait rédigé une biographie de l’islamologue, La Vérité sur Tariq Ramadan (éditions Favre). Sans pouvoir aborder le sujet.
Une dépendance « toxique »
C’est bien plus tard que Ian Hamel sera contacté par Magda Bernoussi, une jeune Franco-Marocaine traumatisée par son aventure avec le petit-fils de Hassan El-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Un ouvrage commun est même prévu. Mais aucun éditeur ne veut d’un livre qui s’annonce comme un règlement de comptes. Surtout, la législation française en matière d’atteinte à la vie privée est la plus sévère d’Europe.
« Un Tartuffe qui ne prie même pas ! », dénonce alors la jeune femme, dans une vidéo, expliquant comment M. Ramadan assurait aux femmes qu’il était divorcé, proposait de « les guider vers la lumière », avant de les maintenir dans une relation de dépendance « toxique ».
Chaque fois que des femmes ont évoqué des faits plus graves, cependant, elles ont toujours renoncé à témoigner à visage découvert et plus encore à porter plainte. « C’est déjà un combat intérieur de surmonter sa peur, sa honte, sa souffrance pour se décider à parler face à tout agresseur sexuel, explique Henda Ayari. Mais c’est d’autant plus difficile lorsque ce dernier est doté d’une aura religieuse comme l’est Tariq Ramadan, qui est adulé, voire idolâtré, par de nombreux fidèles. »
Même Caroline Fourest, auteure de Frère Tariq (Grasset, 2004), une biographie fouillée et sans concession du théologien, n’est pas parvenue à les convaincre de témoigner. Le Monde, il y a un an, s’est heurté à la même difficulté.
« Double vie »
« Vous avez une conception très moraliste de la sexualité et je suppose que vous vous l’appliquez à vous-même », avait osé lancer, toutefois, Caroline Fourest, lors du débat qui l’avait opposée à M. Ramadan, le 16 novembre 2009 sur le plateau de « Ce soir (ou jamais !) », l’émission de Frédéric Taddeï, sur France 3.
Ce soir-là, elle avait appris que deux des femmes lui ayant raconté, sous couvert d’anonymat, avoir été abusées par l’islamologue s’étaient fait inviter dans le public. « A la fin du débat, elles sont venues vers moi pour me saluer. Devant lui », assure l’essayiste. C’était il y a huit ans. « Quand je vois ce que j’ai pris pour avoir démontré, avec mille précautions, son double discours, je mesure quelle est la difficulté à témoigner de sa double vie », remarque encore Caroline Fourest.
Parmi les proches et les supporteurs du théologien, il semble cependant que plusieurs personnes étaient informées de ces agissements. Il y a quelques années, Hani Ramadan a ainsi été averti du comportement de son frère : « Vous devez faire attention à ne pas le laisser seul avec des sœurs. » Hani Ramadan n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.
L’affaire Ramadan paraît aujourd’hui avoir pétrifié les leaders de la communauté musulmane. Seul un site, Oumma.com, a relayé l’affaire. « Tariq Ramadan est une personnalité importante. Il aurait été inconcevable que nous n’en parlions pas. C’est la justice qui tranchera », assure Said Branine, son rédacteur en chef. En off, les langues se délient. Des mots reviennent : « Embarras », « stupéfaction », et moins rarement, désormais, « complot ».
Raphaëlle Bacqué et Besma Lahouri
* LE MONDE | 27.10.2017 à 21h24 • Mis à jour le 28.10.2017 à 12h19 :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/10/27/une-deuxieme-plainte-pour-viol-deposee-contre-tariq-ramadan_5207056_3224.html