Population : 59,52 millions
Nombre de syndiqués : 7 400 000
Taux de syndicalisation : 29 % des salariés
Les chiffres fournis par les syndicats indiquent un total de 7,8 millions de syndiqués au Royaume-Uni. Ceux provenant du ministère du commerce et de l’industrie (Labour Force Survey) font état de 7,4 millions de membres, soit 28,9 % du total des salariés.
Ce pourcentage recouvre d’importantes disparités entre le secteur public (59 %) et le secteur privé (18 %), et selon la taille de l’entreprise (15 % dans les entreprises de moins de 25 salariés ; 36 % dans celles de plus de 25 salariés).
Le taux de syndicalisation a beaucoup baissé dans les années 1980 et la première moitié des années 1990 : le nombre de syndiqués est passé de 13,2 millions en 1979 à 8,9 millions en 1989 et à 7,8 (ou 7,4) millions en 2003.
Ce recul s’explique fondamentalement par l’offensive anti-syndicale engagée par les gouvernements conservateurs au pouvoir de 1979 à 1997 :
– défaite des grèves des mineurs (1984-1985), des dockers, des imprimeurs, etc.
– modification de la législation concernant les syndicats (1984 et 1993) et le droit de grève,
– refus de certains employeurs de continuer à reconnaître les syndicats (derecognition).
Parallèlement, les syndicats ont eu du mal à s’adapter aux évolutions du tissu économique et à la structure du marché du travail.
En 1998, presque les deux-tiers des entreprises de plus de 25 salariés (mais seulement 3%des organismes publics) n’avaient pas d’implantation syndicale et seulement un quart d’entre elles disposaient d’une organisation syndicale reconnue (95 % dans le public).
Pour faire face à leur affaiblissement, les syndicats ont engagé une politique active de recrutement : entreprises sans présence syndicale, femmes, minorités ethniques, travailleurs à temps partiel...
Simultanément une série de fusions de syndicats sont organisées.
Sur la Figure 1 (http://orta.pagesperso-orange.fr/solidint/royaume-uni/syndicat.html), on peut voir, pour la période 1983-2001, que la hausse constante du % de salariés n’ayant jamais été syndiqués, la baisse régulière du % de syndiqués, et la stabilité relative du % d’anciens syndiqués. L’érosion syndicale est due à l’augmentation du nombre de personnes n’ayant jamais été syndiquées et non pas aux démissions.
(Source : http://www.psi.org.uk/docs/2005/bjir_345.pdf )
Il en résulte parfois des phénomènes de concurrence entre syndicats appartenant pourtant le plus souvent à la TUC, la seule confédération existante : les enseignants, par exemple, ont le choix entre cinq syndicats dont trois affiliés au TUC.
Aujourd’hui, le déclin de la syndicalisation a été stoppé, et depuis 2001 le taux de syndicalisation est resté stable aux environs de 29 % (Figure 2). http://orta.pagesperso-orange.fr/solidint/royaume-uni/syndicat.html
La courbe du haut concerne les hommes, celle du bas les femmes, et celle du centre l’ensemble.
(Source : http://www.statistics.gov.uk/CCI/nugget.asp?ID=4&Pos=1&ColRa nk=2&Rank=640)
Représentation du personnel
Il n’existe aucun mécanisme légal concernant la représentation du personnel sur le lieu de travail. Une étude réalisée en 1998 a révélé que seulement 10 % des lieux de travail sans organisation syndicale reconnue avaient des représentants du personnel.
Une autre étude publiée en 2002 indique que là où un syndicat est reconnu, on compte en moyenne un délégué pour 36 salariés. Lorsqu’elle existe, la représentation du personnel sur le lieu de travail est assurée par les « shop stewards » qui jouent à la fois le rôle de délégué du personnel et de délégué syndical. On les appelle aussi « local reps » ou « union reps ».
Des organes de consultation sont mis en place par un nombre croissant d’employeurs, mais leur rôle se limite en général à l’information et à la consultation. Les comités d’entreprise ne sont pas institutionnalisés.
Représentativité syndicale
Un élément clé de la représentativité est la reconnaissance du syndicat (union recognition) par l’employeur qui accepte de consulter le syndicat ou de négocier avec lui. Dans certains cas, cette reconnaissance peut se limiter à la défense de demandes individuelles (individual grievance) et d’affaires disciplinaires.
Même s’ils n’ont pas remis en cause l’essentiel de la législation anti-syndicale mise en place par Thatcher, les travaillistes ont néanmoins légèrement amélioré les règles de reconnaissance de la représentativité des organisations syndicales : une loi de 1999 oblige les employeurs à reconnaître la représentativité d’un syndicat pour une population donnée de salariés (bargaining unit), dès lors qu’il apporte la preuve que, sur ce périmètre, 50 % des salariés désirent être représentés par lui.
Deux méthodes peuvent être utilisées :
– démontrer que plus de la moitié des salariés concernés sont adhérents,
– obtenir la majorité des voix dans le cadre d’un vote (parfois 40 % peut suffire).
Financement des syndicats et crédits d’heures
Compte tenu du nombre d’adhérents, les cotisations continuent de représenter des sommes considérables : de l’ordre d’un milliard d’euros pour l’ensemble des syndicats. Les cotisations représentent de loin la première ressource des syndicats. Elles permettent de financer l’essentiel de l’activité syndicale.
Les entreprises sont légalement tenues d’accorder des crédits d’heures « raisonnables » aux représentants syndicaux, mais leur volume, défini au niveau de chaque entreprise, est faible.
Les financements publics sont également modestes, même s’ils se sont fortement développés ces dernières années comme en témoigne la création en 1998 d’un fonds de formation (union learning fund) doté de 21 millions d’euros par an, et le projet d’un fonds d’aide à la modernisation des syndicats.
Négociation collective
La rémunération et les droits de la plupart des salariés du Royaume-Uni ne font pas l’objet de négociations : en 2003, seulement 36 % des salariés étaient concernés par des négociations collectives (collective bargaining).
Quand des négociations ont lieu, elle se passent le plus souvent au niveau de l’entreprise, voire de l’établissement. Il existe encore quelques négociations de branche pour une partie du textile ou de l’industrie du mobilier, mais pendant les années 1980, un grand nombre de branches patronales se sont clairement retirées de toute négociation au niveau local et un grand nombre de fédérations patronales ont refusé ou cessé de s’impliquer dans les négociations collectives. Dans la plupart des cas, les entreprises déterminent donc unilatéralement les droits des salariés, soit pour toute la compagnie, soit pour un établissement donné.
Des accords de branche sont plus fréquents dans le secteur public bien que les fonctionnaires, par exemple, soient payés à des taux différents suivant les ministères. Néanmoins, là où des accords de branche existent, ils ne sont pas considérés comme légalement contraignants pour ceux qui les signent : un employeur n’est pas tenu de respecter un accord signé par la fédération patronale, même s’il en est membre !
La loi de 1999 a bien mis en place un dispositif contraignant les employeurs à reconnaître les syndicats et négocier avec eux dès qu’un certain nombre de conditions sont remplies. Mais en pratique, c’est en fait le rapport de forces sur le lieu de travail qui détermine si une négociation a lieu ou pas.
Au niveau national, il n’y a pas eu de négociation sur les salaires avec le TUC depuis la fin de la politique des revenus dans les années 1970. Depuis le retour des travaillistes au pouvoir en 1997, des discussions ont eu lieu avec le CBI, la principale confédération patronale, ce qui a débouché sur un accord pour mettre en place la Directive européenne sur l’information et la consultation des salariés.
Structuration des syndicats
Les syndicats sont organisés de façons très diverses. Certains concernent des métiers particuliers comme les enseignants ou les radiologues, d’autres une ou plusieurs branches d’industrie, quelques-uns telle ou telle société. Certains syndicats s’adressent à toutes les professions (general unions). Sur un grand nombre de lieux de travail de taille importante, on peut trouver plusieurs syndicats, chacun représentant une population définie de salariés (bargaining unit).
Les syndicats du Royaume-Uni sont de taille très inégale : sur 197 syndicats reconnus en 2003, seulement 16 comptent plus de 100 000 adhérents et regroupent 83 % du total des syndiqués du pays.
Il existe une seule confédération syndicale, le Trade Union Congress (TUC) : 96 % des syndiqués (6,7 millions) appartiennent à des syndicats qui y sont affiliés. Les syndicats qui composent le TUC jouissent d’une très grande autonomie, la confédération a surtout le rôle d’un forum de discussion et d’interlocuteur unique face au gouvernement.
Les syndicats implantés en Irlande du Nord sont fréquemment affiliés à la fois à l’Irish Trade Union Confederation (ICTU) et au TUC, mais c’est le Comité de l’ICTU pour l’Irlande du Nord qui coordonne sur place les syndicats.
Environ 145 syndicats ne sont pas membres de la confédération TUC. La plupart d’entre eux sont très petits avec moins de 1 000 adhérents. Deux seulement en ont plus de 100 000 : RCN (344 000) implanté chez les infirmières, et BMA (113 000) qui syndique les médecins.
Nous présentons ci-dessous les quatre syndicats les plus importants regroupent plus de 58 % des salariés affiliés au TUC.
– UNISON est le plus grand des syndicats avec 1 289 000 membres. Il est issu de la fusion en 1993 de trois syndicats de services publics. UNISON est principalement présent dans le secteur de la santé et des collectivités locales. Suite aux privatisations, un certain nombre de ses adhérents appartient maintenant au secteur privé.
– AMICUS est le deuxième syndicat. Il résulte de fusions successives et notamment en avril 2001 de celle du syndicat d’employés MSF (Manufacturing, Science, Finance) et du syndicat de la métallurgie AEEU (Amalgamated Engineering and Electrical Union). AEEU était lui même le résultat de la fusion en 1992 de AEU (métallurgie) et EEPTU (électricité).
Amicus est le plus grand syndicat du secteur privé, en particulier dans l’industrie. Il a des adhérents dans presque tous les secteurs de l’économie depuis les usines de moteurs jusqu’aux services de santé. Il compte 1 061 000 membres, mais ce nombre pourrait atteindre 1,4 million si d’autres fusions envisagées aboutissent.
– T&G (ou TGWU, Transport and General Workers Union), a été pendant longtemps le plus grand syndicat du Royaume-Uni. Il arrive maintenant en troisième place avec 835 000 membres. T&G est l’héritier direct de la grève des dockers de 1899 (grève victorieuse des dockers de Londres pour un salaire minimum. Elle reçut un soutien financier international des syndicats de dockers, en particulier australiens). TGWU est principalement présent dans le secteur des transports. On y trouve toutes les catégories de métiers (general union), principalement parmi les travailleurs manuels.
– GMB (General, Municipal and Boilemakers’ Union) compte 703 000 membres. Héritier des grèves des gaziers de 1889-1890, il résulte dans sa forme actuelle de plusieurs fusions. Il est présent dans de nombreux secteurs d’activité, ce qui explique qu’il soit souvent en concurrence avec d’autres syndicats du TUC.
Les syndicats venant ensuite du point de vue de la taille sont considérablement plus petits et davantage liés à des branches d’activités spécifiques :
– USDAW (Union of Shop, Ditributive and Allied Workers) compte 321 000 membres surtout chez les salariés du commerce, PCS (Public and Commercial Services) a 278 000 adhérents dont beaucoup de fonctionnaires. Il est issu de plusieurs fusions successives,
– CWU (Communication Workers’ Union) compte 260 000 membres dans les activités postales et les télécommunications,
– NUT (National Union of Teachers) compte 230 000 adhérents,
– NASUWT (National Association of Schoolmasters union of Women Teachers) a 212 000 membres.
Parmi les syndicats de plus petite taille mais jouant un rôle politique important on trouve notamment :
– RMT (Rail-Maritime-Transport) qui est notamment le principal syndicat de cheminots, et compte plus de 70 000 adhérents,
– FBU (Fire Brigade Union), qui syndique les pompiers, a 52 000 membres.
– Ajoutons qu’en juin 2006, un nouveau syndicat de 110 000 membres devrait voir le jour sous le nom d’UCU (University and College Union), suite à la fusion de Natfhe (enseignement supérieur) et AUT (professeurs d’université). La fusion a été votée par 97% des membres de Natfhe, et presque 80% des membres de l’AUT.
Relations avec les partis politiques
Il ne peut exister qu’une seule organisation syndicale pour une population donnée de salariés. En conséquence, les militants appartenant à différents partis ou sensibilités politiques coexistent nécessairement dans les mêmes syndicats.
Les liens entre les syndicats et le Parti travailliste (Labour Party) sont traditionnellement très étroits : ce sont en effet les syndicats qui ont créé le parti en 1900.
La majorité des syndicats sont actuellement affiliés au Parti Travailliste (Labour Party), même si la Confédération TUC en tant que telle ne l’est pas.
Ces liens historiques tendent aujourd’hui à se relâcher. Le financement syndical ne représentait plus que 30 % de l’ensemble des ressources du parti en 1998, contre 90 % en 1988.
Simultanément, les syndicats affiliés au Labour ne bloquent plus depuis 1989 leurs mandats sur une seule position (block vote).
Les positions défendues par Tony Blair accentuent le phénomène.
– D’un côté, une minorité significative de militants estiment ne plus avoir grand chose de commun avec un parti reprenant à son compte l’essentiel de la politique néo-libérale de Margaret Thatcher (cf. l’article d’Alex Gordon, www.inprecor.org n°491, avril 2004).
– De l’autre, le « New Labour » de Tony Blair veut s’émanciper de toute influence des syndicats.