En Birmanie, plus de vingt ans ont passé depuis les dernières élections le 27 mai 1990. La junte militaire au pouvoir avait alors refusé de reconnaître le résultat des élections, remportées haut la main par la ligue nationale pour la démocratie (NLD), parti formé deux ans plus tôt par l’opposante birmane Aung San Suu Kyi.
Le Peuple birman souffre de la position stratégique - entre la Chine et l’Inde, entre l’océan Indien, le détroit de Malacca et la mer de Chine - et de l’abondance des richesses naturelles de son pays : gaz, pétrole, bois rares, pierres précieuses… Ces richesses convoitées par des pays voisins peu scrupuleux (Chine, Thaïlande et Inde en premier lieu) et qui n’hésitent pas à faire affaire avec la junte ont contribué à limiter les effets des pressions internationales et ont permis aux militaires de se maintenir au pouvoir par la coercition et la répression jusqu’à aujourd’hui avec pour principal objectif leur enrichissement personnel.
C’est dans ce contexte que la junte militaire organisera le 7 novembre prochain de nouvelles élections législatives. Il s’agit pour le Conseil d’État pour la paix et le développement (SPDC- nom officiel de la junte) d’organiser la cinquième étape de la « feuille de route vers la démocratie » dont la septième et ultime étape est de « construire une nation moderne, développée et démocratique ».
Derrière ce discours de façade, les militaires cherchent à perpétuer leur pouvoir à travers des élections législatives et l’instauration d’un gouvernement civil. Il ne fait aucun doute que leur objectif n’est pas de rendre le pouvoir aux civils mais bien de troquer les habits verts kaki pour des habits civils. Lors d’un remaniement d’une ampleur sans précédent fin août la plupart des officiers supérieurs ont quitté l’armée afin de pouvoir se présenter aux élections législatives. Ils seront candidats aux côtés de 26 membres du gouvernement.
Ces élections se tiennent dans la foulée de deux crises politiques majeures et auxquelles le pouvoir des généraux birmans a su résister malgré les pressions et condamnations internationales : la « révolution de safran » conduite par des moines bouddhistes en septembre et octobre 2007 [1] et la tenue du référendum sur la nouvelle constitution alors même que le delta de l’Irrawaddy était ravagé par le cyclone Nargis en mai 2008 [2]. Plus que jamais, la junte semble contrôler le paysage politique birman.
Les élections du 7 novembre sont donc un évènement politique majeur. La majorité des électeurs a moins de 38 ans et n’a jamais participé à une élection (seulement trois en 50 ans). La question fait rage parmi les opposants et les militants en Birmanie et parmi les exilés de savoir dans quelle mesure elles pourraient apporter des opportunités de changement. Ces élections n’étant ni libres ni justes la question se pose de savoir s’il faut s’inscrire dans le cadre électoral proposé par la junte birmane ou le boycotter.
Sans chercher à trancher ce débat, l’article tente de donner un état des lieux avant le vote et de décrire les enjeux à l’œuvre.
Transfert de pouvoir ?
Commencée en 1993 et relancée en 2003, la « feuille de route vers la démocratie » a attisé les craintes dans les rangs des militaires que le pouvoir leur échappe durant ce processus de transfert à un gouvernement civil [3]. La junte a donc tout mis en œuvre pour conserver le pouvoir et en particulier il a fait adopter en mai 2008 un avant-projet d’une nouvelle constitution taillée sur mesure.
Parmi les éléments les plus marquants de la constitution qui devrait prendre effet après les élections, 25% des sièges des deux assemblées nationales (chambres haute et basse) seront pourvus par des militaires désignés par le commandant en chef des armées.
Les assemblées désigneront un Président qui doit « avoir une expérience militaire » et ne pas avoir d’enfants de nationalité étrangère (ce qui exclut la candidature éventuelle de Aung San Suu Kyi). Les ministres de la défense, de l’intérieur et des affaires étrangères seront désignés par le Président à partir d’une liste soumise par … le commandant en chef des armées.
La constitution ne prévoit aucun droit de regard sur les affaires militaires ni de contrôle de ses dépenses. La modification de la constitution nécessitera le vote de 75 % des parlementaires suivis d’un référendum validé par au moins 50 % des personnes en âge de voter.
Autant dire qu’avec 25% de militaires désignés dans les deux chambres, il sera impossible d’amender la constitution contre leur avis. Le commandant en chef des armées est habilité à décréter l’État d’urgence s’il perçoit une menace de « désintégration de la solidarité nationale ».
Quant à la junte militaire, l’article 445 garantie qu’aucune action en justice ne peut être prise contre les membres du SLORC (Comité d’État pour la restauration de la loi et de l’ordre) et du SPDC (Conseil d’État pour la paix et le développement), les deux dénominations successives de la junte depuis sa prise de pouvoir en 1988 [4].
Enfin, la sous section (a) de l’article 121 de la constitution stipule que les personnes emprisonnées ou ayant été condamnées ne sont pas habilitées à se présenter aux élections.
Cet article de la constitution écarte d’emblée plus de 2171 prisonniers politiques dont les principaux opposants et dirigeants ethniques (379 membres de la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD) dont Aung San Suu Kyi en résidence surveillée depuis 2003 ; 40 membres des Étudiants Génération 88 dont Min Ko Naing, Ko Ko Gyi et Nilar Thein ; 200 dirigeants et militants ethniques dont le porte parole Hkun Htun Oo et le secrétaire Sai Nyunt Lwin de la Ligue des nationalités Shan pour la démocratie emprisonnés depuis 2005 à respectivement 93 et 85 ans de prison) [5].
Les dispositions prises laissent peu de doute quant au rôle que prévoient de jouer les militaires dans le futur dispositif civil. Ces élections ne conduisent malheureusement pas la Birmanie sur le chemin de la démocratie.
Un processus sous contrôle
Le processus électoral est lui-même étroitement contrôlé par la junte qui ne veut pas d’un nouveau revers majeurs comme en 1990. Les enjeux sont importants : 1157 sièges sont à pourvoir dont 326 pour l’Assemblée du Peuple (chambre basse), 168 pour l’Assemblée Nationale (chambre haute) et 663 pour les représentants de 7 régions (Sagaing, Magwe, Mandalay, Pegu, Irrawaddy, Rangoon et Tenasserim) et 7 États (Kachin, Chin, Shan, Arakan, Karen, Karenni et Mon) répartis entre les Assemblées du Peuple et Nationale et les assemblées régionales ou des États respectifs. [6]
Sur 47 demandes, 37 partis ont obtenu l’autorisation de se présenter aux élections. Les partis existants, dont la NLD, qui n’ont pas fait de demande d’enregistrement ont été dissous par la commission électorale.
Dans les faits, seuls les deux partis proches du gouvernement, le Parti de l’Union pour le Développement et la Solidarité (USDP) dirigé par le Premier ministre Thein Sein et le Parti de l’Unité Nationale (NUP-anciennement Parti du Programme socialiste de Birmanie fondé par le dictateur Ne Win en 1974) seront en mesure de se présenter à l’échelle nationale. A eux deux ils présenteront trois fois plus de candidats que les 35 autres partis réunis. Dans de très nombreuses circonscriptions à majorité birmane, il ne devrait y avoir que les candidats de l’USDP et du NUP. Mais dans près de 20 circonscriptions, dont Rangoon, plusieurs candidats de l’opposition seront en concurrence [7]. Cela devraient assurer aux deux partis pro-gouvernementaux une large majorité dans les chambres hautes et basses ainsi que dans les parlements régionaux, les sept régions étant peuplées à majorité par des birmans. En effet, selon ce système électoral à un tour déjà en place en 1990, le vainqueur est le candidat qui obtient le plus de suffrages indépendamment du taux de participation. Enfin, dans les circonscriptions où il n’y a qu’un candidat, celui-ci est déclaré élu sans que des élections soient tenues.
Parmi les partis d’opposition, seuls trois auront les moyens de se présenter dans un nombre significatif de circonscriptions : le Parti Démocratique des Nationalités Shan (SNDP-157 candidats), le Parti Démocratique dirigé par l’opposant Thu Wai (DP-49 candidats) et la Force Démocratique Nationale (NDF-163 candidats) conduite par des dirigeants de l’ex-NLD. Les barrages sont financiers et organisationnels. Dans ce pays où un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et où un fonctionnaire gagne 50 dollars par mois, chaque candidat doit s’acquitter pour pouvoir se présenter aux élections de la somme de 500 000 kyats soit l’équivalent d’environ 500 dollars non recouvrables. Aucun parti d’opposition n’a les 580 000 dollars nécessaires au financement des candidats au niveau national sans compter les frais de campagne.
Au plan organisationnel, l’opposition birmane est faible et divisée. Le conseil national de la NLD, principale force d’opposition, réuni le 29 mars dernier a décidé unanimement de boycotter les élections. Mais dans la pratique, une partie de ses dirigeants a constitué un nouveau parti, la NDF (Force Démocratique Nationale). Pour eux, l’absence de candidatures de la NLD ne laisserait aucun choix anti gouvernemental évident aux électeurs. De nombreux partis ont été constitués pour l’occasion, leur base électorale est faible, voire pas constituée. Le SPDC a recherché la multiplicité des partis politiques afin de diminuer les votes pour les partis d’opposition. Il est possible que pour des raisons tactiques ou par faiblesse politique nombre de ces petits partis ne se démarquent pas de la junte militaire. A l’approche des élections celle-ci semble être à la manœuvre : le financement de la NDF par un proche de la junte a déstabilisé l’alliance de 6 partis d’opposition [8] formée au mois d’octobre pour s’opposer aux candidats pro-gouvernementaux et travailler ensemble au sein du futur parlement. Ces manœuvres contribuent à jeter le doute sur l’indépendance des différents candidats et partis politiques et le risque est grand d’augmenter l’abstention ou de diviser les votes entre plusieurs partis politiques d’opposition.
Des élections ni justes ni équitables
Dire que ces élections ne sont ni justes ni équitables n’est pas paroles en l’air. Les règles édictées par la commission électorale restreignent drastiquement la liberté d’expression, d’assemblée et d’organisation des partis politiques. Les publications des partis sont visées par la censure et le matériel électoral ne doit s’opposer ni au régime en place ni à l’armée. L’organisation de réunions publiques n’est pas plus libre. Une demande doit être déposée une semaine à l’avance précisant le nombre de participants attendus. Enfin dans ce pays où la presse indépendante n’existe pas, les partis d’opposition partent avec un handicap sérieux.
Les mesures restrictives ne s’appliquent pas de la même manière à tous les partis. L’USDP n’est autre que la transformation en parti politique de la puissante USDA (Association de l’Union pour le Développement et la Solidarité), une association de masse formée en 1993 un an après l’investiture du général Than Shwe à la tête de l’État. L’USDA a depuis lors rempli des fonctions de contrôle de la société et de répression des mobilisations sociales. Ce sont des membres de l’USDA qui ont attaqué le convoi de Aung San Suu Kyi en 2003 près de Depayin avec l’objectif de l’assassiner, ce sont eux qui ont attaqué les moines birmans lors des manifestations de l’automne 2007. L’USDP bénéficie donc des appuis politiques de l’USDA et de ses ressources financières abondantes. Elle bénéficie aussi de l’appui du gouvernement et de l’armée dont la plupart des membres haut placés sont candidats de l’USDP. Sa transformation en parti politique n’a pas changé ses méthodes. Des comptes rendus font état d’intimidations de la part de membres de l’USDP à l’égard de candidats adverses ou d’électeurs [9].
Le NUP représente quant à lui la vieille garde liée au dictateur Ne Win à la tête de l’État jusqu’en 1988. Le parti dispose aussi d’appuis influents et de ressources financières.
La question ethnique, une question centrale
Aucun État birman démocratique ne verra le jour sans que soient prises en comptes les demandes des minorités ethniques qui représentent environs un tiers de la population [10]. Dès avant l’indépendance en 1948, les accords de Panglong (12 février 1947) dessinaient les contours des droits des minorités ethniques. Les garanties accordées ne furent jamais vraiment respectées et peu après l’indépendance les premiers conflits armés avec le gouvernement éclatèrent dont certains perdurent aujourd’hui. En 1989, un an après sa prise de pouvoir, la junte entama des négociations avec les groupes ethniques en guerre en vue d’accords de cessez le feu. La plupart des groupes signèrent et la junte mena une guerre sans merci contre les autres groupes.
Les armées Wa et Kokang, qui servaient jusqu’en 1987 le Parti communiste birman, furent parmi les premiers signataires. En échange du cessez le feu, elles obtinrent la possibilité de cultiver l’opium et d’en faire le commerce « sans interférence ». Des zones frontalières [11] entières furent ainsi laissées sous contrôle de milices ethniques armées. La junte exploita les divisions que cela entraîna entre les différents groupes ethniques, certaines organisations comme l’Union Nationale Karen et l’Organisation Kachin pour l’Indépendance s’opposant fermement à la culture et au commerce de la drogue.
En avril 2009, la junte décida de récupérer les territoires aux mains des groupes ethniques armés. Elle ordonna aux groupes ayant signé des accords de cessez le feu de se transformer en une nouvelle Force de Gardes Frontaliers sous l’autorité du gouvernement. La plupart des petits groupes armés cédèrent mais les plus importants parmi lesquels l’Armée Unie de l’État Wa (UWSA), le Nouveau parti pour un État Mon (NMSP) et l’Organisation Kachin pour l’Indépendance (KIO) refusèrent. En août 2009, la situation se détériora lorsque la Tatmadaw (armée régulière birmane) lança une attaque contre l’Armée de l’Alliance Nationale Démocratique du Myanmar en territoire Kokang. Plus de 30000 personnes se réfugièrent en Chine. Un sérieux sujet de mécontentement pour Pékin dont l’objectif principal est le maintien de la stabilité le long des 2192 kilomètres de frontières communes. Lors de son voyage en Birmanie en juin dernier, le Premier ministre Chinois Wen Jiabao fit savoir qu’il souhaitait une large participation des groupes ethniques au processus électoral afin d’augmenter sa crédibilité et de diminuer les risques de tensions aux frontières.
La participation des groupes ethniques aux élections n’était cependant pas acquise. Participer aux élections pourrait signifier que les groupes ethniques reconnaissent la validité de la constitution de 2008 qui les prive du droit d’autodétermination et rend illégal les milices armées. La participation signifierait aussi reconnaître la future organisation du pays sous le contrôle d’un exécutif centralisé contre leur demande d’une Union ou d’un État fédéral [12]
Dès août, l’UWSA fit savoir qu’elle rejetait les élections et qu’elle ne permettrait pas leur tenue dans les territoires qu’elle contrôle. Au mois de septembre, en représailles au refus d’intégrer Force de Gardes Frontaliers, la commission électorale refusa d’enregistrer trois partis kachin ainsi que toutes les candidatures indépendantes de membres de ces organisations privant les Kachin de représentation politique indépendante. Le 16 septembre, la commission annonçait que les élections ne seraient pas tenues dans 3401 villages dans les États Karen, Kachin, Karenni, Mon et Shan parce qu’il ne lui était pas possible « d’assurer des élections justes et libres » (sic !). Cette décision prive environ 1,5 millions d’électeurs dans les régions à majorité non birmane [13] « Une confession à demi-mot de l’échec du régime à imposer ses candidats et ses élections dans les régions où vivent les minorités ethniques » [14]. L’une des premières conséquences des élections législatives pourraient bien être le retour de la guerre avec les différents groupes ethniques [15].
Participer ou non aux élections ?
Il fait peu de doute que les conditions dans lesquelles vont se dérouler les élections le 7 novembre laissent peu de place à une (heureuse) surprise comme ce fut le cas en 1990. Le gouvernement a tout mis en œuvre pour que les partis pro-gouvernementaux, et en premier lieu l’USDP, remportent les élections, y compris dans les zones ethniques contrôlées par les groupes armés. Le parlement devrait être composé majoritairement de membres pro-gouvernementaux et de militaires appointés. La part des élus progressistes et des représentants indépendants des groupes ethniques devrait en comparaison être relativement très faible. Une inconnue est celle du rapport de force entre les élus USDP et ceux appartenant au NUP. Ce parti est composé de membres restés fidèles au dictateur Ne Win, déposé en 1988 et remplacé par la junte au pouvoir actuelle. Certains veulent croire que ses membres sont relativement indépendants du gouvernement et pourraient dans le cadre d’un processus parlementaire gagner en autonomie. Cela reste à voir dans la mesure où ce parti est soutenu par les militaires.
Il n’en demeure pas moins que ces élections représentent un évènement politique majeur pour toute une génération de Birmans. Tout militant impliqué dans la vie politique birmane, dans le pays ou à l’extérieur a du se prononcer sur la question ultime de participer ou non aux élections.
Bien que le processus électoral ne soit pas démocratique, un nombre non négligeable de partis a décidé de participer aux élections. La décision de boycotter les élections par la NLD et plusieurs partis ethniques a été très controversée. Le boycott des élections pourrait discréditer les élections s’il s’accompagnait d’une participation très faible. Dans ce cas, la communauté internationale serait bien obligée de dénoncer la mascarade. Mais l’expérience du référendum de 2008 prouve que la junte est tout à fait en mesure de truquer les résultats. Les détracteurs pensent que ne pas participer aux élections renforcera automatiquement le nombre d’élus pro-gouvernementaux vu le système électoral en place. Dans cette perspective, pour nombre de partis, ces élections représentent « la seule option valable ». Y participer ne signifie pas les accepter mais considérer qu’elles sont inévitables. Les groupes et associations militant en Birmanie font aussi valoir qu’il est dangereux de se reposer sur la communauté internationale dont les divisions ces 20 dernières années n’ont permis d’imposer aucun changement au régime en place.
Nombres de groupes qui appartiennent à la société civile birmane, pensent que « les élections représentent la première opportunité en 20 ans d’être en mesure de mobiliser les communautés sur la question de leurs droits démocratiques ». C’est une « chance de développer la conscience politique du peuple, en particulier des jeunes qui n’ont pas eu l’opportunité de voter précédemment » [16] . Ils veulent croire que les élections vont apporter un peu de démocratie et de liberté dans le pays. La constitution d’un parlement pourrait offrir la possibilité à l’opposition de s’y exprimer. Sachant que les élections sont législatives et ne vont pas amener de changement de régime dans l’immédiat, leur objectif affirmé est de faire un travail de mobilisation à la base qui pourrait amener à de nouvelles élections d’ici 2015.
Cette position est aussi défendue par des « think tank » et de grandes organisations non gouvernementales internationales qui voient la possibilité d’une transformation politique majeure avec l’émergence de nouveaux partis politiques et de nouveaux dirigeants [17]. L’un des arguments avancé par ces groupes est « l’absence de résultats apportés par les sanctions » [18]. Plutôt que de poursuivre dans cette voie, ils proposent de réintégrer la Birmanie au sein de la communauté internationale, ce que le processus électoral pourrait permettre, s’il n’est pas décrié par la communauté internationale.
En guise de conclusion provisoire
Personne ne pense sérieusement que les élections vont apporter des changements significatifs dans les mois à venir. La junte militaire va continuer à faire tourner l’économie à son propre profit et au détriment de la population birmane dans son ensemble même après la mise en place d’un gouvernement « civil ».
On ne voit pas trop ce qui pourrait l’en empêcher. En Birmanie même, elle ne se sent pas menacée par une opposition faible et divisée. Au niveau international, les sanctions économiques prises par les États-Unis et l’Europe ont fait long feu, en particulier parce que des États comme la France et l’Allemagne se sont opposés à des sanctions touchant les secteurs stratégiques qui rapportent de l’argent à la junte et l’aide à se maintenir au pouvoir parce que ces sanctions menacent leur propres intérêts en Birmanie [19]. Les appels à la libération immédiate d’Aung San Suu Kyi et des autres prisonniers politiques ne masquent pas le cynisme et l’absence de volonté politique des États occidentaux et asiatiques à combattre la junte militaire.
Les généraux birmans n’ont pas besoin d’organiser des élections justes et démocratiques alors que des organisations internationales et des États sont prêts à se contenter d’une parodie d’élections démocratiques. Certains États voudraient faire croire (ou aimeraient croire) que soutenir le processus électoral revient à soutenir des changements progressifs vers la démocratie. En fait, ils verraient d’un bon œil la fin des sanctions et la possibilité d’investir dans le pays. Ne lit-on pas de plus en plus d’articles expliquant que le chemin de la démocratie en Birmanie passe par celui du développement (et donc des investissements).
La dernière victime en date est le mouvement pro-démocratie birman profondément divisé par la question difficile de savoir s’il faut boycotter ou participer à des élections alors qu’il ne fait aucun doute que le grand vainqueur sera une fois de plus la junte au pouvoir.