BLANQUEFORT : Les Ford restent mobilisés
Les élections professionnelles ont eu lieu cette année dans un contexte particulier. Les salariés de Ford sont en lutte pour la défense de leurs emplois depuis un an (menace de fermeture de l’usine d’ici deux ans), et ils sortent d’un mouvement de grève et de blocage qui a duré dix jours, le mois dernier. Les élections professionnelles, très attendues, ont révélé un progrès de la CGT, qui est apparu comme le syndicat le plus combatif, et une baisse considérable de Force ouvrière, qui avait lâché le mouvement en cours de route. La liste CFTC progresse aussi grâce à la popularité du secrétaire du comité d’entreprise, lui aussi très combatif.
Le progrès de la CGT est important. Il montre que la mobilisation est loin d’être terminée et il constitue même, pour la plupart, un encouragement à la lutte. Le blocage avait été arrêté à la suite d’une décision de justice condamnant les salariés à des amendes trop lourdes s’il se prolongeait. Il n’y a pas de sentiment de défaite. Au contraire, l’ambiance est toujours à la bagarre. En attendant, les actions à l’extérieur de l’usine (distributions de tracts, opérations « escargot », interventions dans les meetings électoraux…) continuent les samedis. Une nouvelle action de débrayage, au moment de la première réunion de négociation, qui devrait avoir lieu bientôt (salaires, avenir de l’usine), est en préparation. Il faut marquer le coup, pour bien faire comprendre à la direction que l’avenir ne se discutera pas seulement autour d’une table, mais bien avec l’intervention des salariés.
Correspondant
MONTBÉLIARD : Répression antisyndicale à Peugeot
A Peugeot motocycles (PMTC), à Beaulieu-Mandeure, dans la banlieue de Montbéliard (Doubs), la direction a pris une mesure expéditive pour se débarrasser d’un militant syndical combatif. Vendredi 7 mars, Emmanuel Guillier a été convoqué pour un entretien préalable à un éventuel licenciement et, le même jour, un comité extraordinaire devait statuer sur son sort. La direction ne respecte pas la réglementation, qui exige un laps de temps entre ces deux procédures.
On lui reproche un « comportement inadmissible », qui se résume au refus de serrer la main à huit salariés briseurs de grève, lors d’un conflit récent. En fait, il s’agit d’éliminer un responsable syndical qui a manifesté une opposition irréductible à la délocalisation de 80 % de la production des cycles en Chine et au projet de remise en cause des 35 heures. Ces attaques avaient entraîné un formidable mouvement de grève, les 20 et 21 février, 80 % du personnel débrayant deux jours de suite. Au comité d’entreprise, la CGT et la CFDT se sont opposées au licenciement et FO, qui n’a pas d’élu, a manifesté son opposition. La CGC s’est abstenue.
Notre camarade a été mis à pied de façon conservatoire, avec suspension de son contrat de travail et de sa rémunération. Mais la résistance s’organise et une pétition est massivement signée au sein des ateliers. Il y a eu, le vendredi 7 mars, devant l’usine, un premier rassemblement de 150 militants syndicaux.
Correspondant
SNECMA : Hargne patronale
Après trois semaines de conflit pour 150 euros pour tous (lire « Rouge » n° 2241 et 2242), la direction de la Snecma espère maîtriser la situation. La grève, sous forme de 24 heures reconductibles, est quasiment terminée à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et les débrayages quotidiens marquent nettement le pas à Corbeil (Essonne).
La direction de la Snecma, qui se veut exemplaire pour le « dialogue social », a utilisé les bonnes vieilles méthodes patronales, à savoir la tactique du pourrissement et la répression. À la fin de la deuxième semaine de grève, elle provoquait ouvertement en annonçant une prime de 15 euros, en suspendant les négociations tant que les syndicats n’abandonneraient pas la revendication de 150 euros et enfin, en entamant des procédures de licenciement contre quatre salariés, dont un élu CGT. Ces provocations ont, dans un premier temps, relancé la lutte, par la remise en grève de secteurs qui avaient arrêté à Gennevilliers et l’organisation de manifestations communes aux différentes usines en lutte.
Mardi 4 mars, une manifestation regroupait, à Gennevilliers, environ 1200 travailleurs dont ceux de Corbeil, Villaroche et Saint-Quentin. Le jeudi, 600 salariés manifestaient de nouveau au siège social de Courcouronnes (Essonne) pour exiger la réouverture des négociations. La direction avait préparé un comité d’accueil d’une cinquantaine de vigiles et de nombreux policiers, complété par des cadres préposés au mouchardage. Les manifestants ont néanmoins montré leur détermination, dans le calme et la bonne humeur, par un grand feu de palettes qui a éclairé les pontes enfermés au siège sur l’ambiance qui règne dans les ateliers. La direction a d’ailleurs fini par recevoir une délégation et annoncer qu’elle reprendrait les discussions le mardi 11 mars.
La procédure de licenciement pour « dégradations » engagée à l’encontre des quatre camarades est une accusation sans preuves pour servir cyniquement de monnaie d’échange à la direction dans ses prochaines manœuvres. Une mobilisation de défense impressionnante s’est organisée. À Gennevilliers, des salariés, qui n’avaient pas pris part à la grève, ont bougé : ne pas prendre part à la lutte pour les salaires est une chose, mais laisser tomber des copains menacés de licenciement en est une autre.
La direction reste prudente, la tendance est à la reprise mais il n’y a pas d’abattement, plutôt de la colère. À Gennevilliers, la production reste faible et les chefs font preuve de prudence pour organiser la reprise. En ce moment, nous ne pouvons savoir si la direction se contentera d’essayer de monnayer l’abandon d’une part des revendications contre l’abandon des poursuites, ou si elle ira jusqu’au bout dans sa folie répressive pour faire un exemple face à ce réveil de la combativité ouvrière.
Les assemblées quotidiennes se poursuivent à Corbeil et Gennevilliers, et une manifestation de tous les centres du groupe Safran, holding qui a fusionné Sagem et Snecma pour organiser la privatisation de cette dernière, se prépare activement pour le 13 mars.
Correspondant
ARDENNES : En lutte contre un voyou de l’UIMM
L’entreprise Lenoir-et-Mernier, à Bogny-sur-Meuse (Ardennes), qui fabrique des boulons pour l’industrie, a été placée en liquidation judiciaire. Cette décision entraîne la suppression de 133 emplois.
Lenoir-et-Mernier n’était pas menacée de perte de marché ni de délocalisation. L’entreprise a pourtant été mise, en mai 2007, sous administration judiciaire suite aux pratiques douteuses de son patron. Depuis, il n’y a eu qu’un seul candidat à la reprise de l’entreprise et celui-ci, faute de soutien financier, s’est retiré. Les salariés ont alors décidé le blocage des quatre sites de production afin de « protéger l’outil de travail et négocier avec d’éventuels repreneurs ». Les salariés ont également déposé plainte pour « abus de biens sociaux, détournements d’actifs, présentation de faux bilans, vols et banqueroute ».
Après trois semaines de conflit, la mobilisation ne faiblit pas, les salariés sont déterminés pour que soit reconnu et indemnisé le préjudice moral causé par la gestion crapuleuse de leur ex-patron. Une ténacité renforcée par le sentiment d’abandon des pouvoirs politiques.
Le patronat ardennais refuse de se prononcer contre les pratiques douteuses d’un des siens et il récuse le principe d’une indemnisation aux victimes d’un patron véreux.
La situation est grave, les salariés, condamnés au chômage, n’attendront pas éternellement et les esprits s’échauffent. Ils demandent à l’Union des industries et métiers de la métallurgie (IUMM) 50 000 euros d’indemnités par salarié et sont scandalisés en comparant leur situation à celle de Gautier-Sauvagnac, qui a reçu 1,5 million d’euros alors qu’il est mis en examen pour recel et abus de confiance. Les salariés de l’usine de Thomé-Génot, toute proche, s’étaient battus, il y a un an et demi, avec les mêmes demandes de réparation (lire Rouge n° 2182).
Les salariés ont organisé de nombreuses actions : barrages filtrants, blocages de trains en gare de Charleville-Mézières, rassemblements, etc. La seule réponse de la préfecture a été les grenades lacrymogènes des CRS.
Face à l’inertie des pouvoirs publics, qui n’ont toujours pas nommé de médiateur comme le demandent les salariés, et à l’absence d’initiative de solidarité des unions départementales, les salariés ont décidé d’appeler eux-mêmes à une manifestation de soutien le mercredi 5 mars.
La LCR des Ardennes, en contact avec les délégués syndicaux, a proposé la venue et le soutien, ce jour-là, d’Olivier Besancenot. Plus de 600 manifestants étaient présents à Bogny-sur-Meuse, avec quelques personnalités locales, le maire et les responsables syndicaux départementaux de Solidaires, de la CFDT, de la CGT, de FO et de la FSU.
Olivier Besancenot est intervenu pour apporter notre soutien aux travailleurs en lutte et promettre de relayer leur lutte au niveau médiatique, si on lui en donnait la possibilité. Il a aussi insisté sur la nécessité de coordonner les luttes au niveau national, dans l’unité la plus large.
Jean-Michel Fournaise
VALEO : Blocage pour les salaires
L’usine d’équipements automobile Valeo de Mondeville, qui emploie 760 salariés dans la banlieue est de Caen (Calvados), est bloquée depuis le vendredi 7 mars, par une grève pour des augmentations de salaire. Antonia est déléguée CGT.
• Qu’est-ce qui a déclenché le mouvement ?
Antonia – Les propositions de la direction, dans le cadre des négociations salariales annuelles obligatoires pour 2008, sont insuffisantes. Il faudrait 100 à 150 euros minimum pour les salariés. La direction parle en pourcentage et ne propose que 2,5% d’augmentation. De plus, il ne s’agit pas d’augmentation individuelle garantie pour tous, mais d’augmentation de l’enveloppe globale. Elle intègre les 0,4% de l’augmentation individuelle prévue pour 2008. Pour chacun, il ne reste que 1,5% en janvier et 0,6% en juillet, soit 2,1% pour l’année, ce qui est complètement dérisoire par rapport à notre perte du pouvoir d’achat, surtout avec des salaires qui n’atteignent même pas, en production, 1 300 euros par mois.
• La direction refuse d’écouter les revendications ?
Antonia – Oui. L’usine a été bloquée, le vendredi 7 mars, dès 6 h 30, pour la quatrième réunion de négociation de la politique salariale. À 9 h 20, la direction est arrivée, le directeur du site et le DRH ont annoncé qu’ils refusaient de discuter tant que le barrage n’était pas levé. Ils n’ont pas tourné autour du pot longtemps : à 10 heures, le DRH de l’établissement venait avec un huissier pour faire constater le blocage et relever des noms !
• Vous continuez le mouvement et l’usine reste bloquée…
Antonia – On ne lâchera pas. Nous attendons que la direction accepte la négociation, c’est à eux de venir nous trouver.
• Qu’en est-il des autres établissements Valeo ?
Antonia – Nous avons des informations en provenance de plusieurs établissements. Dans cinq ou six d’entre eux1, il y a aussi des mouvements. Plus des mouvements de grève que des blocages. Il y a un établissement qui était prêt à signer la politique salariale, syndicats CGT comme CFDT. Mais, au vu des événements à Mondeville, comme la direction d’ici bloque la discussion, ils ont décidé d’attendre que Mondeville soit débloqué pour, peut-être, signer leur politique salariale à eux.
Propos recueillis par nos correspondants
Notes
1. Une grève pour des augmentations de salaires a démarré, le mercredi 5 mars, à Valeo Vision, près d’Angers, une usine de projecteurs automobiles qui emploie 1100 salariés.
PRODIREST : Dix jours de grève
Impossible de tenir avec des salaires de 1 000 à 1 200 euros par mois. Depuis octobre, la colère grondait à Prodirest (groupe Transgourmet), une entreprise de commandes et de livraisons de produits alimentaires pour restaurants de collectivités, située à Lens (Pas-de-Calais). La grève y a éclaté quand les salariés ont appris que Transgourmet prévoyait de fermer son site pour le déménager à Arques (près de Saint-Omer), à une centaine de kilomètres de Lens. Cela signifie, en effet, le licenciement de ceux, nombreux, qui ne pourront pas faire le trajet quotidien.
Ils étaient quatorze en grève – sur les 29 de l’équipe de production
du site de Lens – pour réclamer 250 euros d’augmentation de salaire et 1 500 euros par année d’ancienneté dans le cadre de la procédure de licenciement qui s’annonce. Les salariés du site de Cambrai ont fait grève aussi. Ces grèves ont été encouragées par celle des salariés du site de Wissous (Essonne), qui ont gagné sur les augmentations de salaires.
La direction n’a pas cédé, répétant que la société ne fait pas de profits, alors qu’en 2006, le groupe Transgourmet a réalisé, avec ses filiales Aldis et Prodirest, un chiffre d’affaire de 1,1 milliard d’euros. Elle a refusé toute discussion et fait pression sur les grévistes en dévoilant publiquement l’endettement de certains et en menaçant l’un d’entre eux, actuellement en arrêt pour accident du travail.
Après dix jours de grève, les salariés de Prodirest ont repris le travail. La pression du manque à gagner à la fin du mois l’a emporté.
Il n’empêche, ils font partie de tous ces salariés qui, aujourd’hui, optent pour la lutte et réclament leur dû. Dans leur tract ils s’adressaient ainsi aux autres salariés de la zone industrielle : « Nous avons des problèmes communs, venez en discuter. Et, pourquoi pas, rejoignez-nous. Ensemble nous serons plus forts. » Oui, pour augmenter notre pouvoir d’achat, la seule mesure, c’est une augmentation de salaires de 300 euros net tout de suite, et c’est tous ensemble, dans la rue, que nous l’obtiendrons. La grève de Prodirest est un signe annonciateur d’une colère plus générale qui gronde !
Correspondant