Olivier Besancenot veut créer un nouveau parti
Inconnu lorsqu’il fut propulsé candidat de la Ligue communiste révolutionnaire
lors de l’élection présidentielle de 2002, Olivier Besancenot a su imposer
son style et ses idées en cinq ans. Il incarne aujourd’hui la relève de l’extrême gauche
et espère fédérer au sein d’un nouveau parti tous ceux qui rêvent d’une alternative
« anticapitaliste ». Une ambition qui constituait le principal enjeu du 17e congrès
de la LCR, qui s’est tenu ce week-end, à La Plaine Saint-Denis.
On dit souvent de lui qu’il
n’a pas le physique de
l’emploi. Une remarque
qui a le don d’irriter
Olivier Besancenot. Il est
vrai que le « morphotype
» du militant révolutionnaire moyen
est une notion difficile à définir. Pourtant,
la question de l’apparence n’est pas sans
intérêt. Car la première victoire du plus
célèbre facteur de Neuilly-sur-Seine, c’est
d’avoir su renouveler l’image de la Ligue
communiste révolutionnaire, et, par ricochet,
de l’extrême gauche au sens
large. Quoi de mieux, en effet, pour casser
le cliché du « gaucho » entre deux
âges, cheveux longs et blancs, barbe
drue, écharpe rouge et pipe au bec, que
de désigner comme leader un jeune
homme de 28 ans, au visage poupon et
abonné à un style jean-baskets-blouson
sobre et actuel ?
CONVICTIONS
Mais pas question pour autant de réduire
celui que les encartés de la LCR
appellent « Olivier » à une simple opération
de marketing. Besancenot est loin
d’être la marionnette pilotée par les
vieux cadres du parti que certains de
ses détracteurs décrivent. Son ascension
dans l’opinion publique doit plus à
la force de ses convictions qu’à son
physique de jeune premier. Le portedrapeau
de la LCR entend « changer le
monde », en commençant par son pays,
qu’il souhaite réformer tant sur le plan
politique que social, « avant que son modèle
ne nous écrase ». Il souhaite proposer
un nouveau projet de société,
« construire autre chose que le capitalisme
», comme le préconisaient avant lui
ses références, à savoir « Louise Michel,
Che Guevara ou encore Malcolm X ».
Pour autant, ce révolté convaincu entend
défendre ses idées par la voie du
pacifisme. « Tous les révolutionnaires
n’ont pas pris les armes ! L’important,
c’est de militer pour que des mouvements
qu’on a pu connaître, comme
mai 1968, se reproduisent aujourd’hui »,
explique-t-il. Un désir de rébellion nourri
dès son plus jeune âge.
MILITANTISME PRÉCOCE
Né en 1974 d’un père professeur de collège
et d’une mère psychologue scolaire,
Olivier Besancenot
commence sa carrière
de militant alors qu’il est
encore sur les bancs de
l’école, dans les rangs de SOS Racisme,
à l’âge de 14 ans. « Je ne viens pas d’une
famille engagée, ma démarche est
venue des tripes et du cœur », affirmet-
il. En 1991, il intègre la LCR parce que
« c’étaient ceux qui voulaient le plus
bousculer les choses ».
Parallèlement à
son engagement politique, il exerce le
métier de facteur à Neuilly-sur-Seine,
fief de Nicolas Sarkozy, où il continue de
militer pour l’extrême gauche. Depuis
2001, il est l’un des trois porte-parole de
la LCR, au côté d’Alain Krivine, le leader
historique du parti. Orateur de talent,
il séduit en 2002 avec un slogan de
campagne qui fait mouche sur la scène
médiatique « Nos vies valent plus que
leurs profits », et décrochera alors son
premier succès électoral avec 4,25 %
des voix.
THÈMES DE CAMPAGNE
Infatigable pourfendeur de ce qu’il appelle
le « capitalisme moderne », Olivier
Besancenot estime que « les multinationales
ont trop d’argent et qu’elles
s’enrichissent sur le dos de la misère ».
Pour revenir à une société plus égalitaire,
il préconisait, lors de la dernière
campagne présidentielle,
de mettre en
place un certain nombre
de priorités. « Il y
a des mesures d’urgence à prendre,
comme augmenter les revenus de
300 euros net par mois, mettre le Smic
à 1 500 euros net, interdire les licenciements
pour les grosses entreprises bénéficiaires
ou encore
rétablir le monopole
public » s’enflammaitil.
Mais réformer le système
économique français
n’est pas le seul cheval
de bataille de cet idéaliste qui a
« des rêves plein la tête et la tête fixée
sur les épaules ». Il dénonce la professionnalisation
et le manque de renouvellement
de la classe politique française.
« Même si j’étais à l’Elysée
demain, je suis pour une réforme du
statut des élus. Pour moi, il faut interdire
le cumul des mandats et ne pas
en remplir plus de trois au cours de sa
vie », explique Olivier Besancenot.
Ces positions ont permis au benjamin
des candidats de finir en bonne position
dans le dernier scrutin présidentiel, en
se classant 5e lors du premier tour.
Certes, il n’a totalisé que 4,08 % des
suffrages exprimés, soit un peu moins
qu’en 2002. Mais l’abstention était particulièrement
faible, et le candidat de la
LCR a, en fait, recueilli plus de voix que
lors de la précédente consultation. Mais
surtout, il a réalisé le meilleur score des
partis situés à la gauche du PS, atteignant
le double de celui de Marie-
George Buffet pour les communistes.
Une performance dans un scrutin où
tous les analystes prévoyaient que le
vote utile torpillerait les
petits partis.
VERS UN NOUVEAU PARTI
Maintenant que sa légitimité est
assise, Olivier Besancenot entend pérenniser
son entreprise de modernisation
de la gauche « anticapitaliste ». Celleci
passe, pour lui, par la mise en place
d’une nouvelle formation politique, qui
se voudrait force de proposition d’une
véritable alternative au social-libéralisme.
L’ambition des partisans de ce projet
au sein de la LCR serait de s’appuyer
sur un réservoir supposé de « dizaines
de milliers de militantes et de militants »,
en ratissant large parmi les déçus du
socialisme et/ou du communisme,
membres du réseau syndical, associatif
ou altermondialiste, ou encore sympathisants
de la cause révolutionnaire.
Mais cette envie de refondation se
heurte à un problème de taille : comment
s’appuyer sur la popularité
d’Olivier Besancenot sans tomber dans
le travers de la personnalisation ? En
clair, Besancenot, devenu l’une des
figures d’opposition à Nicolas Sarkozy,
peut-il éviter de reproduire le système
qu’il dénonce chez son adversaire ?
C’est peut-être la rançon du succès.
« CE NE SERA PAS LE PARTI D’OLIVIER ! »
Sans surprise, c’est la plate-forme A qui
l’a emporté. Celle du courant majoritaire,
mené par le jeune et charismatique postier.
Avec 83 % des votes, la résolution
défendue par Olivier Besancenot a été
approuvée par les délégués, samedi, à
l’issue du 17e congrès de la Ligue communiste
révolutionnaire. Une décision
qui sonne le glas de la LCR, dont les
jours sont désormais comptés. Le parti,
apparu il y a quarante ans, dans l’effervescence
de mai 1968, est appelé à se
dissoudre dans une nouvelle formation
qui pourrait voir le jour avant la fin de
l’année. Sous la bannière « anticapitaliste
», Olivier Besancenot espère rassembler
« d’abord ceux qui ne sont dans
aucune organisation ». C’est-à-dire, potentiellement,
le plus large réservoir de
voix de l’électorat français, diront certains.
Plus prosaïquement, l’ambition est
d’attirer le million et demi d’électeurs qui
l’avaient choisi au premier tour de la présidentielle.
Avec la création de ce parti,
l’homme fort de l’extrême gauche entend
initier une nouvelle dynamique et
mobiliser ceux qui, comme lui, partagent
la conviction que « l’économie de marché
n’est pas l’avenir de l’humanité ».
Il faudra un nouvel élan pour faire de la
future entité autre chose qu’un clone
« new-look » de son prédécesseur. Car
sur le fond, les changements annoncés
paraissent vagues. Olivier Besancenot
promet « un parti qui ne sera pas élitiste
et avant-gardiste », ainsi qu’une plus
grande souplesse dans son fonctionnement.
Mais pas de révolution à attendre
du côté de la ligne politique. La LCR sera
le principal artisan de la « refondation programmatique
». Pas question, par exemple,
de remettre en cause l’indépendance
vis-à-vis de la gauche parlementaire.
Pourtant, sur certains points, on sent
s’éroder l’emprise du dogme révolutionnaire.
Fort de sa popularité dans les sondages,
Olivier Besancenot envisage à
demi-mot l’éventualité d’intégrer un jour
un gouvernement (à l’instar de l’une de
ses icônes, Che Guevara), déclarant que
« le pouvoir n’est pas une malédiction ».
C’est là l’une des principales forces du
jeune leader politique. Il impose un style
moderne et plus pragmatique. Soucieux
d’être entendu de la nouvelle génération,
il préfère parler taxation des flux financiers
et interdiction de licencier pour les
entreprises réalisant des bénéfices, plutôt
que citer les théoriciens de la pensée
communiste. Son projet reste encore flou
et utopique. En cherchant à capitaliser
son excellent score lors du dernier scrutin
présidentiel, sa démarche n’est pas
sans rappeler celle de François Bayrou.
L’exemple du MoDem, dont la réussite
semble jusqu’alors mitigée, sera à méditer.
Olivier Besancenot a peut-être d’ores
et déjà identifié l’un de ses travers : celui
d’être un parti incarné par un seul
homme. « Je ne serai pas le seul leader »,
a-t-il martelé tout le week-end pour désamorcer
le débat.
Le nouveau mouvement : le compte à rebours est lancé
En plus de la résolution
défendue par Olivier Besancenot,
les délégués ont également
adopté (à 81,7%) un appel fixant
le calendrier et le mode
de constitution du nouveau parti.
La première étape sera la mise
en place de « comités d’initiatives »
issus de la Ligue communiste
révolutionnaire, auxquels
viendraient s’agréger
de nouveaux venus. Elle doit
intervenir rapidement, dans les
semaines à venir. Une « réunion
de coordination », destinée
à recenser les différentes
pistes proposées par les comités
d’initiatives, est ensuite
prévue en avril. Puis, en juin,
une « Assemblée générale »
constituante doit être organisée.
Elle aura pour mission de mettre
en place un « comité de pilotage »,
chargé d’avancer vers
l’élaboration du programme et des
statuts de la future formation,
d’en déterminer le nom et de
préparer le congrès de fondation.
L’objectif étant que ce nouveau
mouvement anticapitaliste voie le
jour d’ici à la fin de l’année 2008,
ou, au plus tard, avant
le printemps 2009.
Trois RÉACTIONS
ALAIN KRIVINE
Le fondateur de la Ligue
communiste révolutionnaire s’est réjoui
du vote des délégués. Il montre, selon
lui, « que les militants ont compris
l’importance de l’enjeu ». Evoquant
« une des décisions les plus
importantes » de l’histoire du courant,
il y a vu une marque d’ouverture : « A la
différence des sectes, le parti, pour
nous, est un outil qu’on adapte au but. »
CHRISTIAN PICQUET
Chef de file du courant minoritaire,
sa résolution, qui plaidait pour un parti
large, construit avec d’autres
composantes de la gauche (PC,
aile gauche du PS), n’a recueilli que
14% des voix. Il a dénoncé « l’illusion »
selon laquelle « l’écho d’Olivier
se transformera mécaniquement en
une nouvelle construction politique ».
LES VERTS
Réunis à Paris pour leur « Parlement »,
les membres du parti écologiste ont été
les premiers à commenter la décision de
créer un nouveau parti d’extrême gauche.
La secrétaire nationale, Cécile Duflot
(photo), tout en se montrant « ouverte au
dialogue », a pris ses distances avec la
LCR : « Ce parti se drape dans une espèce
de virginité de non-participation qui
stérilise une partie du débat politique. »
“Ma démarche vient
des tripes et du cœur”
"Je ne me bats pas
pour être dans les sondages. Ce qui m’intéresse, c’est que nos propositions soient populaires"
Interview accordé à Directmatin, publiée ce matin.
OLIVIER BESANCENOT
EST NÉ LE 18 AVRIL 1974
À LEVALLOIS-PERRET.
Il intègre les Jeunesses communistes révolutionnaires à 14 ans avant d’adhérer à la LCR en 1991. Il devient l’un des porte-parole en 2002, année de sa première campagne présidentielle.
« Je m’adresse aussi aux militants du Parti socialiste »
OLIVIER BESANCENOT (LCR)
* Interview paru dans Directmatin plus n° 200 du lundi 28 janvier 2008.
Le 17e congrès de la LCR, qui s’est tenu ce
week-end, vient de décider de créer un nouveau
parti « anticapitaliste ». Jouissant d’une cote de
popularité confortable, son porte-parole, Olivier
Besancenot, revient sur les mutations en cours.
Quelles sont les prochaines étapes ?
On va créer des comités de bases pour discuter
du programme et du nom de ce nouveau parti.
En juin, une assemblée générale doit se tenir.
Mais jusqu’à l’avènement de ce parti, il faudra
compter avec la LCR, qui sera présente, pour les
municipales, dans 36 villes de plus de
100000habitants (sur 37) et dans 209 autres
réparties sur 74départements.
Un récent sondage vient de désigner
Ségolène Royal comme la plus crédible pour
s’opposer à Nicolas Sarkozy. Qu’auriez-vous
envie de lui dire ?
D’abord, ce ne sont pas aux leaders que je
m’adresse mais aux militants, aux anonymes.
Cela implique aussi les militants du Parti socialiste
et d’autres partis. Mais, plus que de leaders
populaires, la gauche a besoin d’une orientation
politique radicale. Je ne suis pas là pour
« déglinguer » Ségolène Royal. Néanmoins, j’ai des
désaccords de fond avec les propositions du PS
mais je ne suis pas en guerre contre lui. En
revanche, je suis en résistance totale contre le
gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Que vous inspire cette popularité, qui vous
place au 4e rang des personnalités les plus
crédibles pour s’opposer à Nicolas Sarkozy ?
Pour moi, ce sondage, ce n’est pas l’événement
de la semaine ; ce serait plutôt la Société Générale.
Je ne me bats pas pour être dans les sondages.
Ce qui m’intéresse, c’est que nos propositions
soient populaires. Je suis très enthousiaste au vu
des résultats du congrès. Maintenant, il me reste
juste à convaincre l’ensemble du pays…