Vivian Silver a initié et travaillé sur plusieurs initiatives visant à rassembler israéliens juifs et palestiniens (réseaux sociaux)
Les hommages affluent après l’annonce de la mort de Vivian Silver, qui fait désormais officiellement partie des victimes de l’attaque menée par le Hamas le mois dernier contre des localités israéliennes proches de la bande de Gaza.
L’activiste pour la paix israélo-canadienne de 74 ans habitait Beeri, l’un des kibboutz attaqués par les combattants palestiniens le 7 octobre.
On pensait au départ qu’elle faisait partie des 240 otages emmenés à Gaza, mais les équipes médico-légales ont confirmé que ses restes avaient été découverts à Beeri, faisant d’elle l’une des quelque 1 200 Israéliens tués lors de l’attaque.
La septuagénaire était une activiste pour la paix connue et engagée : elle a travaillé avec les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie occupée, ainsi qu’avec les bédouins du Néguev en Israël.
Après la guerre israélienne contre Gaza en 2014, elle avait fondé Women Wage Peace, une organisation de femmes contre l’occupation. Elle avait en outre cofondé l’Arab-Jewish Center for Equality, Empowerment and Cooperation, dont l’acronyme AJEEC signifie « je viens vers toi » en arabe.
Elle fut également directrice générale du Negev Institute for Strategies of Peace and Development, qui encourage la coopération et les partenariats entre communautés juives et arabes, et avait fait partie du conseil d’administration de B’Tselem, la plus grande organisation israélienne de défense des droits de l’homme.
« Obtenir justice, en particulier pour les bédouins, était au cœur de sa mission. Dans nos discussions avec des juifs de gauche et sionistes, elle était une alliée indéfectible »
- Thabet Abu Ras, universitaire et activiste palestinien
Thabet Abu Ras, célèbre universitaire et activiste palestinien au sein des Abraham Initiatives, confie à Middle East Eye que Vivian Silver était une femme remarquable.
Ils s’étaient rencontrés après le début de la seconde Intifada en 2000, et avec Amal Elsana Alh’jooj, ils avaient fondé l’AJEEC.
« C’était un effort collectif, mais elle en était le moteur », estime Thabet Abu Ras.
« Dès le départ, elle s’est profondément impliquée dans les projets qui l’ont connectée à Gaza, où elle a noué de nombreuses amitiés durables. Son engagement pour la paix et les droits de l’homme était inébranlable. »
La famille de Thabet Abu Ras vient de Herdibia, un village palestinien au sud d’Ashkelon dont les habitants ont été chassés par les forces sionistes lors de la Nakba en 1948.
Il raconte que Vivian Silver était « parfaitement consciente » de la souffrance provoquée par l’occupation israélienne de la Cisjordanie et le siège imposé sur la bande de Gaza.
« Elle était activement engagée dans les luttes de la communauté bédouine du Néguev », précise-t-il, ajoutant qu’elle était particulièrement active depuis dix ans, depuis l’annonce du plan Prawer, projet de développement controversé qui menaçait de déplacer quelque 70 000 bédouins de leurs villages dans le désert.
« Obtenir justice, en particulier pour les bédouins, était au cœur de sa mission. Dans nos discussions avec des juifs de gauche et sionistes, elle était une alliée indéfectible, soutenant toujours notre cause », poursuit Thabet Abu Ras.
« Nous partagions souvent mutuellement nos événements sociaux, reflétant notre respect mutuel et notre collaboration. Son décès est une perte importante, en particulier dans le Néguev, où elle était un phare d’espoir pour les Arabes et les juifs. »
Abu Ras indique que les racines de sa famille à Gaza, où beaucoup ont été chassés en 1948, ont rendu l’absence de Vivian Silver « encore plus poignante ».
« Quand je me remémore l’expérience de la première Nakba de ma tante de 83 ans, son parcours de Herdibia à Jabaliya, et aujourd’hui sa vie à Khan Younès, je vois la tragédie de ma tante et je vois Viviane », témoigne-t-il.
« Je vois les tragédies des deux côtés, les souffrances inextinguibles des Palestiniens et la profonde perte marquée par le décès de Vivian », ajoute-t-il.
« Vivian était sensible aux luttes des deux côtés, israélien et palestinien, faisant écho à notre engagement partagé pour la paix, la justice, et la reconnaissance des bédouins et de leurs terres. Sa vision d’une même vie pour les juifs et les Arabes palestiniens reflétait mes propres convictions. Je ressens profondément sa perte. »
Le fils de Vivian Silver, Yonathan, avait déclaré à MEE le 9 octobre qu’il pensait qu’elle avait été emmenée à Gaza et qu’il avait eu pour la dernière fois de ses nouvelles le matin de l’attaque.
Plus d’une centaine de personnes ont été tuées à Beeri, l’un des plus grands kibboutz de la région.
Depuis l’attaque, Israël mène une opération terrestre et aérienne à Gaza qui a tué plus de 11 200 Palestiniens, dont plus de 4 600 enfants.
L’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem, qui déclarait en 2021 qu’Israël était un régime d’apartheid appliquant la suprématie juive entre la mer Méditerranée et le Jourdain, a fait partie des organisations qui ont rendu hommage à Vivian Silver en ligne mardi. Celle-ci avait passé plusieurs années au conseil d’administration de l’organisation.
« Personne n’a échappé à cette guerre »
David Zonsheine, membre du conseil d’administration de B’Tselem et ancien président de l’association, explique à MEE : « C’est une très mauvaise période pour moi. Mon oncle a été assassiné le matin du 7 octobre, ma cousine a été emmenée à Gaza, j’ai des amis à Gaza qui ont perdu leur famille et aujourd’hui, je dois affronter le décès de Vivian. »
Il connaissait Vivian Silver depuis une quinzaine d’années à travers leur travail pour les droits de l’homme.
« J’ai rencontré une femme très intelligente et sérieuse, très engagée. Elle connaissait l’ampleur de la lutte, non seulement en Cisjordanie ou à Gaza mais aussi au sein d’Israël. »
David Zonsheine qualifie Vivian Silver de positive et d’optimiste – « même si elle savait que le chemin était semé d’embûches ». Son implication auprès de B’Tselem a été « essentielle » pour faire du groupe l’organisation respectée pour les droits de l’homme qu’elle est aujourd’hui.
« Personne n’a échappé à cette guerre. Lorsqu’une population est attaquée, personne ne demande à la porte qui elle prend », commente-t-il.
« Elle me manque. Elle était un symbole. Beaucoup de gens la connaissaient et elle était impliquée dans diverses luttes », ajoute David Zonsheine.
« Elle s’est rendue dans beaucoup d’endroits et a essayé de rendre justice. Non seulement elle croyait en ces sujets, mais elle a fondé des organisations et elle a agi. »
Lubna Masarwa à JÉRUSALEM