L’année dernière, le Bangladesh a connu une crise politique importante. La situation du parti au pouvoir était très précaire. Les assauts de l’inflation monétaire et de l’inflation des prix ont rendu la vie de la population misérable. Le prix des produits de première nécessité a grimpé en flèche. Les gens ne pouvaient pas consommer la nourriture dont ils avaient besoin et qu’ils désiraient. Les pauvres, la classe moyenne inférieure et la classe moyenne ont dû réduire considérablement leurs dépenses familiales. Depuis le début du COVID 19 en 2020, les revenus des gens ordinaires ont baissé et c’est encore le cas aujourd’hui. Le nombre de pauvres a augmenté de manière alarmante. Cependant, le gouvernement affirme que le revenu moyen par an d’une personne est de 2800 dollars américains, ce qui n’est pas vrai. Il fait de la propagande sur ses projets de développement structurel, comme la construction de ponts, de métros, de voies rapides surélevées, mais il ne pense pas à la vie concrète des gens, à leurs souffrances, à leurs problèmes de vie et de mort.
L’année dernière, plusieurs mouvements se sont construits pour le contrôle des prix des produits de première nécessité, mais rien n’a changé. La principale opposition bourgeoise a tenté de renverser l’actuel gouvernement, mais elle a échoué. Les forces de gauche marxistes-léninistes [ce qui signifie au Bangladesh non maoïste] sont restées peu organisées. Elles se sont regroupées au sein de différentes plates-formes qui ont des stratégies différentes. Certains partis marxistes-léninistes-maoïstes font toujours partie de l’alliance du parti au pouvoir. Le parti trotskiste a organisé diverses actions dans la rue contre la corruption des bureaucrates et des chefs d’entreprise.
L’année dernière, la situation sociale n’était pas très bonne non plus. De nombreux cas de maltraitance d’enfants, de répression des femmes, de meurtres et de disparitions forcées ont eu lieu dans tout le pays.
De nombreux travailleurs émigrés sont rentrés au pays depuis les pays du Moyen-Orient et de nombreuses femmes émigrées sont revenues les poches vides, car elles n’ont pas pu tolérer les tortures sexuelles que leur infligeait les membres masculins de la famille. Les femmes y travaillent principalement comme employées de maison.
La Bangladesh Krishok Federation (BKF), en tant qu’organisation populaire, travaille depuis longtemps pour la paysannerie au Bangladesh. Bien qu’elle se concentre principalement sur les questions liées à la terre, elle donne aussi de l’importance à de nombreuses autres questions telles que l’environnement, l’écologie, l’agriculture/l’agroécologie, la souveraineté alimentaire, le changement climatique, la réforme agraire, les organismes génétiquement modifiés, les biens communs, la justice fiscale, l’eau, les plans d’eau et le genre, etc.
Lors de sa création en 1976, la Bangladesh Krishok Federation a commencé ses activités en soulevant uniquement une question très concrète, celle de la terre qui devrait être distribuée aux paysans sans terre et aux petits paysans qui subissaient dans notre société un mode de vie sous-humain. Dès le début, cette question a pris de l’ampleur, soutenue par des sections locales. Le BKF s’est alors concentré sur les terres qui sont principalement des Khaschar (petites îles sans propriétaires entourées par l’eau d’une rivière) et qui ne font l’objet d’aucun droit de propriété particulier. En principe, la terre appartient au gouvernement. Le BKF a mobilisé les sans-terre, les travailleur.euses agricoles et les paysan.nes pour qu’ils fassent entendre leur voix afin de faire valoir leur droit à la terre, attirant ainsi l’attention de toutes les autres organisations qui s’engageaient sur la même question, afin de renforcer le mouvement. Bien que ces Khaschars aient été laissés à l’abandon, sans être cultivées, ils ne sont pas restés sans surveillance. Les groupes d’influence locaux et les hommes de main voulaient conserver ces terres illégalement. C’est pourquoi il s’agissait de déloger ces derniers par le biais d’un mouvement, d’une mobilisation de masse. D’ailleurs, ce mouvement a connu un véritable succès au début de l’année 1992 grâce à une vaste occupation de terres par les sans-terre. Auparavant, en 1980, d’immenses terres avaient été occupées, mais il y a eu un revers. Les sans-terre n’ont pas pu conserver les terres, car le gouvernement de l’époque a déclaré l’occupation illégale. Les principaux dirigeants du BKF ont alors été arrêtés et emprisonnés. Par la suite, le BKF a procédé à une évaluation du recul du mouvement. Il en est ressorti deux problèmes 1. le manque de documents juridiques dans l’intérêt des sans-terre 2. la faible participation des femmes au mouvement.
Lors du mouvement de 1992, ces deux conditions ont été pleinement remplies. C’est pourquoi l’occupation a été maintenue. Rien ne pouvait déloger les paysan.nes sans terre de leur possession de la terre. Bien sûr, il y a eu des batailles entre les paysan.nes sans terre et d’influents groupes d’intérêts locaux. Il y a eu beaucoup de victimes et de faux procès contre les leaders des paysan.nes sans terre. Cependant, toutes les affaires ont été traitées de manière efficace par les tribunaux inférieurs et supérieurs. Sur la base de ce succès, d’autres occupations de terres ont eu lieu dans de nombreuses autres régions du pays. Jusqu’à présent, les 76600 acres de Khasland ont été distribués à plus de 100 000 personnes sans terre à travers le pays. Parmi eux, il y a 22 petites îles dans le sud du pays, 9 centres de culture de crevettes dans le sud-ouest et 12,5 kilomètres de terres abandonnées sur la voie ferrée construite par le régime britannique dans le nord du Bangladesh.
L’année dernière, en 2022, nous avons dû faire face à un défi de taille, à savoir l’occupation et la colonisation de nouvelles terres de Khasland. Une petite zone de Khasland proche d’une île occupée a été reprise par les sans-terre et la terre a été répartie entre 41 nouvelles familles sans terre. Ces familles sont devenues dignement propriétaires d’un lopin de terre qui leur garantit la souveraineté alimentaire. Elles ont pu construire leurs maisons, cultiver la terre et élever des vaches, des buffles et des volailles. Autour de la question de la terre et de la souveraineté alimentaire, nous avons mené 13 campagnes de mobilisation, de formation et de consultation nationale, etc. Grâce à ces programmes, nous avons sensibilisé les paysan.nes et les sans-terre aux aspects juridiques de l’action et au droit des paysans sans-terre au Khasland du gouvernement.
Nous avons lié la question de la souveraineté alimentaire à cette celle du mouvement pour la terre, parce qu’elles sont complémentaires. Aucune souveraineté alimentaire ne peut être garantie sans terre. Et le concept central de la souveraineté alimentaire [supérieur à celui de sécurité alimentaire] est en fait le droit des paysans à la terre. Nous sommes entrés en contact avec le concept de souveraineté alimentaire en 1996, lors du Sommet mondial de l’alimentation à Rome, en Italie. Depuis lors, nous avons développé cette idée du point de vue du Bangladesh. Nous sommes également les premiers à avoir promu et diffusé cette idée au Bangladesh. Nous avons également poussé à plusieurs reprises le gouvernement à incorporer la souveraineté alimentaire comme un principe dans la politique agricole nationale, bien qu’il ait opté pour le concept traditionnel de sécurité alimentaire.
Dans le cadre de cette campagne, nous nous sommes efforcés de convaincre les paysan.nes d’utiliser des semences locales sur leurs terres arables, de cultiver des aliments culturellement acceptés, des aliments destinés à la consommation humaine et de ne pas céder leurs terres aux accapareurs. Les paysan.nes ont pu comprendre l’importance de la souveraineté alimentaire. Les personnes qui ont rejoint le programme se sont également souvenues de la grande campagne des caravanes de 2011 et 2014, dont la souveraineté alimentaire était l’un des principaux thèmes. Ainsi, notre campagne soutenue sur la souveraineté alimentaire a au moins réussi à populariser la question. Les gens peuvent comprendre ce qu’est la souveraineté alimentaire. Auparavant, ils ne connaissaient que le concept de sécurité alimentaire, qui est un grand programme international. Dans le cadre de cette campagne, les communautés internationales n’ont pas été en mesure d’éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde, ce qui est l’objectif principal du concept de sécurité alimentaire. C’est plutôt la mise en œuvre de la souveraineté alimentaire qui pourrait éliminer la faim et la pauvreté dans les zones rurales de manière optimale.
Nous avons également mis en place différents programmes d’agitation sur l’agroécologie, l’environnement, l’écologie et le changement climatique. Il existe un ministère de l’environnement, des forêts et du changement climatique dans notre pays. L’État se préoccupe donc du climat, de l’environnement et des forêts. Il ne se préoccupe pas de l’agroécologie et de l’écologie. L’agroécologie est un concept très récent qui est promu par la FAO et l’ONU. L’agroécologie permet à la population d’obtenir des aliments sains, nutritifs et exempts de toxicité. Il s’agit d’une méthode agricole simple et scientifique. Il ne s’agit pas d’une approche à sens unique, mais plutôt d’une approche diversifiée. Il existe de nombreuses pratiques agro-écologiques dans différentes parties du monde. Il s’agit de pratiques respectueuses de l’environnement et de l’écologie qui contribuent à la lutte contre le changement climatique.
Le Bangladesh est un pays agricole. Son agriculture a commencé à se convertir à l’agriculture chimique depuis le milieu des années soixante sous le nom de « révolution verte ». Cette méthode a initialement permis d’augmenter considérablement la production, mais nous avons progressivement perdu la fertilité de nos sols, nos plantations, notre verdure, nos poissons, notre santé, notre environnement, notre écologie et les micro-organismes présents dans le sol. Pour sauver l’ensemble de l’agriculture, qui est notre culture et notre héritage, il est nécessaire d’adopter l’agroécologie.
Le Bangladesh est une victime de première ligne du changement climatique mondial. Par conséquent, les pays riches industrialisés du Nord qui émettent du carbone depuis 250 ans, depuis la révolution industrielle, ont une dette écologique et historique envers des pays comme le Bangladesh, qui sont vulnérables au changement climatique. Nous avons réorienté l’axe de notre campagne permanent sur le changement climatique l’an dernier, en nous concentrant sur ce sujet. La question de l’écologie et de l’environnement y a été associée. Cette campagne a été menée dans 13 districts sur les 64 que compte le pays. Au cours de notre campagne, nous avons demandé réparation aux pays responsables du changement climatique résultant de l’émission de gaz à effet de serre. Nous avons également demandé des compensations pour les pertes et les dommages subis par les pays victimes. Nous avons demandé une protection juridique dans le cadre des Nations unies pour la protection des migrant.es frocé.es d’émigrer par la crise climatique.
Le Bangladesh est un pays où la terre disponible est petite relativement à sa population. La population actuelle est de 170 millions d’habitants. Pour nourrir cette population nombreuse, il est nécessaire d’avoir une gestion des terres bien organisée. Il faudrait donc une réforme foncière et agraire complète et authentique qui donnerait aux petit.es paysan.nes sans terre le droit de cultiver les champs de leur choix. Il s’agirait d’une réforme distributive et redistributive par nature. L’initiative de l’État sera indispensable à cette fin. Nous faisons campagne depuis longtemps pour une véritable réforme. L’idée d’une réforme agraire n’est pas nouvelle. Elle est apparue officiellement après l’indépendance de l’Inde et du Pakistan avec la fin de la domination britannique en 1947, mais elle n’a pas été concrétisée. Elle est toujours restée sur le papier. Même à l’époque de la création du Bangladesh [qui était auparavant le Pakistan oriental], après la guerre d’indépendance de 1971, il n’y a pas eu de progrès sur les questions de réforme, bien qu’elles aient été discutées à plusieurs reprises. Il existe un système de propriété foncière qui est également controversé. L’année dernière, nous avons donné la priorité à cette question dans le cadre de notre mouvement et de notre campagne.
Comme la terre, l’eau et les plans d’eau sont notre source de subsistance. Malheureusement, l’eau et les plans d’eau sont accaparés par les sociétés transnationales nationales et internationales. Cela se produit au nom de l’achat, du logement, de l’urbanisation, des zones franches industrielles, de l’industrialisation, des éco-parcs, etc. La plupart du temps, cela se passe dans les zones peuplées majoritairement de populations indigènes [Adivasi], qui sont expulsées de leurs habitations. Notre organisation associée, la Bangladesh Adivasi Samity, reste très active contre l’empiètement illégal sur la propriété foncière coutumière des indigènes. Elle lutte également contre l’exploitation illicite des forêts par le département des forêts. Ensemble, nous luttons contre les accapareurs de terres, d’eau et de plan d’eau. En 2022, nous avons mis en place un programme à ce sujet afin de protéger nos droits de propriété communs. La politique de privatisation du gouvernement, prescrite par la Banque mondiale et le FMI, est à l’origine de ce phénomène.
L’année dernière, nous nous sommes beaucoup concentrés sur la question de la justice fiscale. Nous avons bien soulevé cette question au niveau national et international. Fondamentalement, nous avons un système fiscal très régressif dont notre population souffre beaucoup. La TVA universelle (taxe sur la valeur ajoutée) frappe davantage les pauvres. Il s’agit d’un impôt indirect imposé à la population. En outre, il existe un système d’imposition des revenus et des entreprises qui est également inéquitable. Les grandes entreprises bénéficient d’exemptions fiscales, de réductions d’impôts, etc. Elles se soustraient également à l’impôt et envoient l’argent dans d’autres pays par l’intermédiaire de paradis fiscaux. Elles détournent également de l’argent par le biais de surfacturations et de sous-facturations. En outre, certains super-riches ont fait passer clandestinement des milliards de BDT [la monnaie nationale] du Bangladesh vers différents pays afin d’y installer leur famille. Le gouvernement devrait ramener cet argent au pays et l’utiliser pour la cause des pauvres. Afin de rationaliser le système fiscal, l’administration doit proposer un système d’imposition progressif. C’est pourquoi, l’année dernière, nous avons beaucoup travaillé sur la justice fiscale. Nous avons organisé des chaînes humaines, des rassemblements, des manifestations avec des drapeaux, des festons, des bannières, des pancartes, etc. au niveau national.
La Bangladesh Krishok Federation compte 1,2 million de membres dans tout le pays, dont 30 % de femmes. Nous essayons d’augmenter ce nombre jusqu’à 50 %. La question des LGBTQI est très sensible dans notre pays, qui est avant tout musulman. Nous organisons des séminaires/ateliers sur cette question, mais nous ne cherchons pas à les identifier, car cela n’est pas accepté par la société [et pourrait les mettre en danger]. Cependant, les transgenres sont automatiquement exposés et ils sont les plus pauvres des pauvres dans la société. Ils peuvent adhérer ouvertement à notre organisation. Notre principal enjeu en matière de genre est d’établir les droits des femmes dans la société. Nous avons une longue histoire de mouvement des femmes au Bangladesh, basée sur les 14 points de revendications soulevés par notre organisation sœur appelée Bangladesh Kishani Sabha, qui est une organisation composée à 100 % de femmes paysannes. En outre, notre organisation est exclusivement engagée dans le mouvement d’occupation des terres pour établir le droit des femmes à la terre. La question du genre a été expliquée et mise en avant dans la campagne menée en 2022.
En 2022, nous avons réalisé de nombreuses actions humanitaires. Il y a eu des morts et des blessés graves dans une île occupée par notre organisation. La dirigeante paysanne Bakul Begum a été tuée et sa sœur Mukul Begum est toujours en vie, mais gravement blessée. Elle a dû rester à l’hôpital pendant plus de trois mois. Ne pouvant se déplacer, elle a dû bénéficier d’un soutien médical considérable. Des plaintes ont été déposées au commissariat de police. Ces affaires sont toujours en cours.
Des représentants de la société civile lors de la conférence de presse de protestation contre l’assassinat de Bakul Begum le 6 décembre 2022
Bakul Begum
Une autre dirigeante a dû subir une opération du cerveau. Elle a également bénéficié d’un soutien partiel. Un patient souffrant d’une grave maladie rénale et dont le rein a été transplanté a également été soutenu à plusieurs reprises par notre organisation en tant que membre senior.
En 2022, nous avons apporté une aide humanitaire aux personnes touchées par la catastrophe climatique et nous avons également aidé les personnes touchées par le cyclone Corona à se rétablir.
En outre, nous avons organisé de nombreux programmes réguliers, tels que différentes célébrations de journées nationales et internationales.
Toutes les activités mentionnées ci-dessus ont été principalement financées par ESSF. Une partie du montant a été autofinancée.
Nous sommes très reconnaissants à ESSF, aux donatrices et donateurs, de nous avoir soutenus pendant cette période cruciale. Nous espérons qu’il en sera de même à l’avenir, avec encore plus de sympathie pour les personnes défavorisées du Bangladesh qui luttent pour leur vie, leurs moyens de subsistance, leur existence et la transformation sociale en vue d’une vie meilleure.
[1]
Président de la Bangladesh Krishok Federation (BKF)
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