Prochain congrès : proposer la construction d’un nouveau parti anticapitaliste
Pierre-François Grond
Topo du 23 juin réactualisé le 1 juillet pour tenir compte du vote de la DN.
Le prochain congrès ne peut pas être un congrès refermé sur nous-mêmes, classique, se fixant comme tâche principale de régler les comptes des désaccords autour de la candidature à la présidentielle.
L’enjeu principal est de discuter l’espace politique et les bases d’un nouveau parti dans une situation politique renouvelée et avec une LCR dotée par le score de la présidentielle d’une responsabilité réelle.
Cette proposition prend place dans une phase dominée par la victoire de Sarkozy qui représente une défaite politique pour le monde du travail. Il faut en comprendre les bases et les ressorts et, sans doute, également les limites :
– D’un point de vue capitaliste il existe un « retard » français d’adaptation à la mondialisation capitaliste, alimenté par une campagne idéologique sur le « déclin »
– Le sens profond du sarkozysme est de tenter de remodeler la société française en brisant ses résistances.
– C’est donc un programme de confrontation politique et sociale ce qui n’exclue pas des opérations d’anesthésie, d’ouverture, d’association des directions syndicales aux attaques.
– Le choix des deux premières cibles est symbolique et politique : les agents des transports publics, les étudiants ce qui correspond à cette volonté d’en découdre et d’effacer des défaites passées de la droite.
– L’absorption de l’électorat lepéniste est une donnée des importantes. Elle a permis de dégager une majorité claire, d’affaiblir le FN, de récupérer des électeurs et de lever une hypothèque qui a pesé lourdement sur la droite classique.
– En retour la droite UMP est redevable de l’apport de ces électeurs, ce qui se traduit politiquement (quotas d’expulsion, ministère de l’identité nationale...) mais également rend possible l’existence d’une base politique susceptible d’accepter des solutions autoritaires en cas de crise.
– Cette victoire est également celle du MEDEF dont les exigences se voient confortées. La confusion et le désarroi qui se sont exprimés dans cette campagne sont également le fruit des effets produits par les attaques et les restructurations capitalistes dans la conscience du monde du travail et de la population
Mais cette victoire ne saurait s’expliquer sans mettre en lumière l’incapacité du PS à répondre, à mobiliser, à s’opposer à une droite cohérente dans son projet. La droitisation du PS, sa mutation social-libérale, lui aliène les classes populaires sans produire d’effets suffisants dans les « classes moyennes supérieures » lui permettant d’emporter une élection centrale. Il est désormais à la recherche d’alliance avec le MoDem, tandis que ses anciens alliés gouvernementaux affaiblis (Verts et PC) dépendent plus que jamais de lui et sont déportés également vers la droite.
La victoire politique de Sarkozy est politique, électorale, elle traduit des éléments décisifs du rapport de force, mais ne résume pas l’ensemble de ceux-ci. Pour l’heure il n’y a pas de défaite sociale, les éléments de résistance n’ont pas été brisés et ne demandent qu’à s’exprimer. D’autant que l’arrogance de la droite et du patronat, l’incapacité qu’ils auront à répondre à la question décisive du pouvoir d’achat, sur laquelle ils ont battu le PS par défaut, peuvent nourrir des mobilisations importantes. Le second tour des législatives, on le sait, sonne comme un avertissement.
Dans cette situation, où se mêlent des éléments de dégradation mais aussi des potentiels de résistance, il s’agit pour nous d’examiner les possibilités de construction du nouveau parti anticapitaliste que nous appelons de nos voeux depuis des années : en s’appuyant sur la campagne Besancenot, le programme défendu, les meetings, l’impact dans l’opinion et le million cinq cent mille voix qui s’est porté sur notre candidature, phénomènes qui expriment un potentiel anticapitaliste et un élargissement de notre audience.
Un des éléments structurants de la situation est l’adaptation et la mutation du mouvement ouvrier à la donne capitaliste : une évolution constante vers la droite, phénomène mondial (le PT brésilien, et européen). L’évolution social-libérale des PS et du PS français libère des espaces. La crise du PCF également, de même que le positionnement de la plupart des directions syndicales. Deux lignes de force apparaissent : une gauche gestionnaire qui court vers le centre et se détache des classes populaires ; une gauche de rupture avec le système qui se cherche, qui s’exprime dans les mobilisations, mais qui n’a pour l’heure pas de traduction organisée. Ce qui ne revient pas à théoriser un désert politique entre le PS et les forces anticapitalistes (dont nous-mêmes), mais de constater deux lignes de force, deux cohérences. D’ailleurs, les courants se positionnant à gauche du PS se voient immédiatement poser le problème stratégique de leur rapport à celle-ci en terme d’alliance institutionnelle locale ou nationale. C’est ce qui vient de percuter Refondation communiste, intégrée au dispositif prodiste ; c’est la question qui se pose à Die Linke en Allemagne. C’est également la question qui a fait exploser le cadre politique du 29 mai en France.
Derrière les questions de relation au PS sont posées des questions fondamentales : le rapport aux institutions et aux élus, les alliances parlementaires et gouvernementales. Ainsi est apparu clairement dans la dernière année le caractère à la fois institutionnel et manipulateur de la direction du PCF. Institutionnel : un parti qui ne voit son avenir que dans le maintien de ses positions gestionnaires. Manipulateur : instrumentaliser le 29 mai afin d’asseoir l’hégémonie du PCF sur la gauche du PS. A vouloir tout tenter, l’échec est au rendez-vous et ouvre une nouvelle phase de la crise du PCF.
Dès lors deux attitudes sont possibles :
– Maintenir une ligne de recomposition, de réorganisation du mouvement ouvrier tel qu’il est. Ce qui revient à réduire le rôle de la LCR à un simple catalyseur des recompositions, spécialiste des appels en tout genre, aux regroupements de forces et d’individus qui, par ailleurs, viennent de montrer toutes leurs limites.
– Ou se situer dans la perspective de reconstruction d’une gauche anticapitaliste, globale, sociale et politique, ce qui implique en ce qui nous concerne des initiatives en termes de nouveau parti.
Dans le cadre d’une situation inédite : existent l’espace, les expériences, les équipes militantes, susceptibles de construire un nouveau parti anticapitaliste. En même temps, il s’agit de constater l’absence de partenaires nationaux susceptibles de construire avec nous une nouvelle représentation politique. Dès lors, deux dangers peuvent nous guetter :
– L’immobilisme : sans partenaire, pas de parti...
– Ou l’auto-affirmation et le déguisement de la LCR en nouveau parti.
La seule garantie que nous pouvons donner est de montrer que nous sommes prêts à un véritable processus constituant, qui met toutes les questions sur la table et dont l’objectif est l’appropriation par plusieurs milliers de militants du programme, de la stratégie, du fonctionnement démocratique, de l’orientation et de l’intervention du nouveau parti. C’est la condition de la réussite.
Nous voulons construire un parti lutte de classe qui considère les luttes, les grèves, les mobilisations sociales et politiques comme l’arme décisive du rapport de force et de la transformation sociale.
. Un parti ancré dans le monde du travail, dans les quartiers populaires, disposant d’un ancrage social et multiculturel supérieur à l’actuelle LCR.
. Un parti qui prône la transformation révolutionnaire de la société, qui ne se bat pour la rupture avec le capitalisme, qui ne considère pas son combat politique comme l’addition progressive de conquêtes de positions institutionnelles.
. Un parti anticapitaliste, qui laisse ouvertes les différentes interprétations de la rupture et de la révolution, qui lie le combat émancipateur du monde du travail aux luttes contre toutes les formes de domination et d’aliénation. Un parti féministe, écologique, internationaliste.
. Un parti dont la jeunesse, scolarisée ou les couches les plus jeunes du prolétariat, est une des priorités ce qui implique d’associer dès le départ les JCR au processus.
. Un parti qui s’appuie sur le capital de la Quatrième Internationale pour travailler au regroupement international des forces anticapitalistes tout en redéfinissant ses rapports à elle.
. Un parti plus large, associant différents niveaux d’engagement, moins élitiste dans son fonctionnement et ses exigences militantes que les groupes d’extrême gauche, mais qui doit rester fondamentalement une force militante.
. Un parti qui proposera les bases stratégiques et programmatiques à la discussion à partir de ses positions les plus actualisées : plan d’urgence, manifeste.
Cela implique un large rassemblement de la LCR, un accord profond dans l’organisation et donc une discussion approfondie. Il ne s’agit ni d’un coup, ni d’un « relooking », mais d’un engagement qui doit, s’il est confirmé par l’organisation, déboucher sur la construction de l’outil politique dont nous avons besoin dans cette nouvelle période.
La DN, par le texte (PF1, 2, 4 et 5) qu’elle vient d’adopter, enclenche positivement le processus et met en difficulté une plate forme 3, en mal d’une alliance avec le PCF impossible à tenir, et du coup, dans une position conservatrice.
A nous, au plan local et dans la discussion, de débloquer cette situation, de convaincre et d’entraîner le maximum de camarades dans ce projet.
La motion sur la construction d’un nouveau parti anticapitaliste adoptée par une large majorité de la DN de la LCR
Afin de lancer le débat sur la perspective d’un nouveau parti anticapitaliste, d’abord parmi les militantes et les militants de la LCR, puis parmi tous ceux et toutes celles qui pourraient être intéressé(e)s par ce projet, la Direction nationale a adopté la motion suivante. Elle ne préjuge évidemment pas des suites d’une discussion qui ne fait que commencer et qui va maintenant se poursuivre dans les mois qui viennent...
Pour la fondation d’un nouveau parti anticapitaliste
1/ L’injustice n’a pas régressé dans le monde. Bien au contraire, elle continue à frapper des milliards d’être humains. Cette injustice multiforme est l’inévitable conséquence d’un système d’organisation de la société, le capitalisme, dont le moteur demeure la recherche de la satisfaction de la soif de pouvoir et de profits d’une toute petite minorité. Ici, les profits exorbitants du CAC 40, les parachutes dorés, les salaires faramineux des dirigeants s’accompagnent d’un accroissement des inégalités, souvent de la détresse. C’est la course folle au profit, accentuée encore par les politiques libérales qui dominent la globalisation capitaliste, qui génère la misère, le mal logement, la précarité et creuse les inégalités sociales, qui détruit les services publics et les protections sociales, qui provoque des guerres et le pillage du tiers-monde, qui met en danger toute l’humanité par un gestion catastrophique des ressources et de l’énergie. La logique de la concurrence de tous contre tous, de la privatisation du monde, et celle des solidarités, du partage des richesses, de la démocratie la plus large sont inconciliables. Pour en finir avec la dictature des actionnaires, de la propriété privée capitaliste, il faudra des mobilisations puissantes, généralisées, des grèves, des manifestations, des occupations. L’avenir de la société est entre les mains des classes exploitées, des salariés qui produisent toutes les richesses.
2/ Au nom de la rupture, la politique de Nicolas Sarkozy, s’inscrit en réalité dans la continuité et l’approfondissement des politiques capitalistes, libérales et antisociales. Le gouvernement Sarkozy - Fillon est au service des plus riches et des gros actionnaires. Cette droite-là, c’est aussi un programme profondément dangereux pour les libertés publiques, le droit d’expression, les droits des immigrés, les droits des femmes, les jeunes victimes des discriminations. Il faut mettre en échec Sarkozy et le MEDEF par la mise en place de larges fronts unitaires.
3/ Nous ne pouvons pas compter sur le PS pour conduire une opposition digne de ce nom. Converti au libéralisme, miné par les ambitions, de plus en plus obnubilé par l’alliance avec les centristes, le PS ne peut pas conduire un changement de politique qui permette concrètement d’améliorer le sort de millions de personnes. Il a abdiqué de toute velléité de contestation de l’ordre établi pour se plier à la logique de la mondialisation financière et impérialiste. Quant à la direction du parti communiste, elle n’offre aucune perspective indépendante du PS et s’enferme dans sa propre crise. Toute alliance institutionnelle avec le PS est vaine, source de nouvelles désillusions. Il faut rompre avec les politiques menées par tous les gouvernements successifs. Une page est tournée. Celles et ceux qui entendent lutter sans concession contre la politique de ce gouvernement, instrument du MEDEF, celles et ceux qui veulent défendre un programme d’urgence anticapitaliste à l’image de celui qu’a porté Olivier Besancenot à la Présidentielle ont besoin d’un nouveau parti qui défende les intérêts des travailleurs et des travailleuses, de tous les opprimé-e-s, de tous les exploité-e-s. C’est pourquoi nous proposons que se rassemblent tous les anticapitalistes dans un nouveau parti, implanté dans la jeunesse, les entreprises, les services publics, les quartiers populaires pour construire les mobilisations d’aujourd’hui qui, pour nous, doivent préparer un changement radical, révolutionnaire, de la société. Nous ne partons pas de rien. D’imposantes luttes ont eu lieu ces dernières années et on sent la résistance, rejointe par une nouvelle génération, s’organiser face aux attaques du nouveau pouvoir.
4/ Concrètement, nous souhaitons un débat commun avec toutes celles et tous ceux, individus, équipes militantes, courants politiques :
– qui veulent défendre un programme anticapitaliste dans les luttes et aux élections ;
– qui se situent dans la plus stricte indépendance avec le PS et refusent de cogérer les institutions avec celui-ci, voulant centrer leur activité sur la lutte des classes, la mobilisation sociale et politique ;
– qui veulent se regrouper dans un cadre politique organisé, militant, national et démocratique, un parti tissant des liens internationaux avec les forces qui défendent une telle perspective.
5/ Dans un premier temps, nous proposons que s’organise dès la rentrée de septembre, des réunions dans le plus grand nombre de villes, de quartiers, d’entreprises, de facs et de lycées possible. Il s’agira de débattre à la fois des formes et des moyens de la riposte indispensable aux mesures prises par le gouvernement, du programme et du fonctionnement démocratique du parti que nous voulons créer, de la présentation, dans un maximum de villes pour les prochaines échéances municipales, de listes anticapitalistes totalement indépendantes du PS et de ses alliés. La constitution de ces listes participera de la démarche pour le nouveau parti. Dans le cadre du congrès national, qui est d’ores et déjà lancé, nous ferons un bilan d’étape du processus et ferons de nouvelles propositions pour aller plus loin et rendre possible la convergence de toutes et de tous dans un nouveau parti. Ensuite, nous envisageons la tenue d’assises départementales vers un congrès national de fondation de ce nouveau parti anticapitaliste, féministe, écologiste, internationaliste, et socialiste. Résister, se mobiliser et s’organiser, agir, débattre et décider, c’est ce que nous proposons de faire ensemble, à égalité.