Présentation : Quelle alternative ?
Nouvel extractivisme ou société de prendre soin des gens et de la terre-mère ?
Au début novembre aura lieu à Glasgow, en Écosse, la 26e rencontre de la « Conférence des parties » (COP) institutionnalisée par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992 à Rio. Le but de cette rencontre est de concrétiser l’Accord de Paris adopté lors de la COP 21 en 2015. Pour limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2°C, de préférence à 1.5, par rapport au niveau préindustriel, les États signataires doivent tous les cinq ans, donc pour la première fois à la COP-26 qui aurait dû se tenir en 2020 n’eut été de la pandémie, soumettre leurs plans d’action climatique appelés contributions nationales déterminées (NDC selon le sigle anglais) censés devenir de plus en plus ambitieux :
« Rappelons que les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estiment que si on veut limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius, ce qui est l’objectif de l’accord, il faudra une réduction des émissions mondiales de 45 % d’ici 2030. Or, une étude parue en mars dernier dans la revue Nature Climate Change, menée par l’équipe de la climatologue québécoise Corinne Le Quéré, de l’Université East Anglia au Royaume-Uni, montre qu’il y a très loin de la coupe aux lèvres : les efforts actuels des pays ne représentent qu’à peine 10% des réductions nécessaires pour atteindre la cible de l’accord. Les grands émetteurs de la planète doivent en faire dix fois plus. » (Étienne Leblanc, 40 leaders réunis par Joe Biden pour accélérer l’action sur le climat, Radio-Canada, 22/04/21 [1])
La conférence climatique du Jour de la terre de la présidence Biden devait préparer le terrain sur la base de son plan pour les infrastructures qui annonçait un très insuffisant 2 300 milliards $US sur huit ans et qui, afin de s’entendre avec les Républicains, pourrait être réduit de moitié avec une portion congrue pour la lutte climatique :
"Le plan de Biden met en vedette le bien-être des entreprises : des subventions et des incitations fiscales pour une énergie propre qui auront un effet incertain à un rythme tranquille pour ne pas perturber les marchés. Ce plan ne fait rien pour arrêter la fracturation pétrolière et gazière et les pipelines tout comme les centrales électriques au gaz, ou pour fermer les centrales électriques au charbon. [...] Outre le faible niveau d’investissement du plan de Biden, celui-ci s’appuie sur les oligarques milliardaires et leurs sociétés à but lucratif pour prendre la plupart des décisions sur où et quoi construire pour une économie à énergie propre. [...]
La vidéo préliminaire de Greta Thunberg face aux objectifs qui devaient être annoncés par Biden et les 40 autres dirigeants mondiaux lors de son Sommet sur le climat du Jour de la Terre a vu juste au sujet de cette mise en scène. « Nous pouvons continuer à tricher pour prétendre que ces objectifs correspondent à ce qui est nécessaire, mais si nous pouvons tromper les autres, et même nous-mêmes, nous ne pouvons pas tromper la nature et la physique… Dénonçons leurs conneries [bullshit]. »
Howie Hawkins [candidat du Green Party à la présidence des ÉU en 2020], Biden’s Climate Pledge Is a Promise He Cannot Keep, Solidarity, 4/05/21 [2].
Rappelons que la cible officiel de 45% du GIEC-ONU par rapport à 2005 est établie sur la base d’une moyenne mondiale des scénarios prévus qui ne tient pas compte de la responsabilité historique des anciens pays industrialisés, principe établi à Rio, ni non plus des points de bascule (fonte des glaciers, pergélisol, disparition des forêts tropicales…). Cette moyenne suppose une importante augmentation du nucléaire et le recours à des technologies d’apprentis-sorciers de captage-enfouissement des GES et de forestation gargantuesque aux dépens des peuples autochtones et des paysans (Patrick Bond complète la liste des insuffisances dans le texte ci-joint). On comprendra que la militance écologique ne s’enthousiasme guerre à propos de la COP-26 que ce soit la mouvance Action Climat agissant de l’intérieur de la COP pour tenter de l’influencer ou celle Justice Climat qui compte d’abord sur la mobilisation.
Ce n’est pas un hasard que les cibles officielles de l’Union européenne (55% par rapport à 1990 — 52% / 2005), du Royaume-Uni (68% / 1990 — 62% / 2005), des ÉU (43% / 1990 — 50% / 2005) tentent de sauver les apparences alors que le Canada, abonné au pétrole bitumineux et au gaz de schiste, se contente de maintenir la cible officielle du GIEC-ONU d’une baisse de 45% par rapport à 2005 (32% par rapport à 1990). Notons que « la nouvelle cible canadienne a été jugée insuffisante par différents groupes environnementaux, qui ont rappelé les conclusions d’un rapport publié mercredi affirmant que le Canada serait « capable » de réduire ses émissions de 60 % par rapport à leur niveau de 2005 d’ici 2030. ». (Jean-Thomas Léveillé, Ottawa et Washington augmentent leurs cibles de réduction, La Presse, 22/04/21 [3])
(On aurait cru que Québec solidaire ne serait pas prêté à ce petit jeu à la fois mesquin et macabre. Son projet de plateforme pour l’élection de 2022 s’en tient strictement à la cible du GIEC soit 45% par rapport à 2005 (ou par rapport à 1990 puisque par hasard les émanations de GES du Québec sont semblables pour les deux années). Rappelons aussi que le congrès Solidaire de 2016 avait fixé une cible de 67% que le Conseil national du printemps 2018 a réduit à 45% pour motif d’urgence par conformité au plan de réduction de GES imposé par en haut sans discussion à la base.)
L’auteur face aux multiples défaillances de l’Accord de Paris prend résolument partie pour la mouvance Justice climat dont un grand nombre de membres ont adopté l’Accord de Glasgow. Mais cet accord, selon lui, comporte ses propres et nombreuses insuffisances en particulier vis-à-vis la mobilisation de la jeunesse et celle du mouvement anti-extractiviste très présent dans les pays du Sud et depuis longtemps. Il relie fort à propos ce mouvement à la stratégie « blockadia » de Naomi Klein tout en soulignant qu’elle s’applique aussi au nouvel extractivisme du tout électrique des batteries et des énergies renouvelables. Il aurait été pertinent d’étendre la réflexion au volet « alternativa » de Klein afin d’explorer la véritable alternative écosocialiste-écoféministe de la société de prendre soin (care) des gens et de la terre-mère.
Marc Bonhomme, 23 juillet 2021
Extraits de l’article de Patrick Bond
L’Accord de Paris sur le climat et les conférences de suivi des Nations Unies n’ont pas pris au sérieux la crise écologique qui se déroule actuellement. Non seulement l’éminent scientifique James Hansen décrit ses mesures symboliques en termes cinglants (« bullshit »), mais ceux qui recherchent la justice climatique désespèrent depuis longtemps de l’élaboration de politiques climatiques multilatérales dominées par les négociateurs d’élite des économies impériales et sous-impériales à fort taux d’émission.
Les négociations de mi-2021 ont confirmé l’absence de progrès de l’ONU. Au lieu de cela, deux stratégies méritent d’être envisagées : la délégitimation des élites et le « blocage » des projets à haute teneur en carbone. Les deux vont de l’avant, mais les deux ont besoin de plus de clarté dans les approches stratégiques — comme dans « l’Accord de Glasgow » promu par les principaux groupes d’activistes de la société civile — ce qui s’applique au sommet sur le climat de 2021 et à de nombreuses autres luttes au-delà. […]
Les nombreuses insuffisances de l’Accord de Paris
Contre cette approche [de l’Accord de Paris], ai-je souligné [à la conférence Climate Justice Forum de juin 2019], des dilemmes étaient associés aux mécanismes de mise en œuvre impliqués à Paris, tels que l’échange de droits d’émission et les compensations pour maximiser l’efficacité des émissions du Nord (peu importe les bulles spéculatives faisant constamment perturber leur prix), ou la séquestration du CO2 par le biais de la « neutralité ». Ces stratégies qu’elle [Mary Robinson, l’ancienne présidente irlandaise et Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU] a soutenues dans le passé sous la rubrique de la justice climatique, même si le mouvement Justice climatique [JC] s’est universellement opposé aux marchés du carbone et aux soi-disant « fausses solutions ». Elle n’a pas reconnu que le simple fait de signer l’Accord de Paris sur le climat signifiait ne reconnaître aucun mécanisme de responsabilité ni aucune pénalité (telles que des « taxes d’ajustement aux frontières » contre les contrevenants climatiques), comme l’a montré Donald Trump en juin 2017 lorsqu’il a abandonné l’Accord de Paris.
Robinson ne craignait pas que lorsque les pays ont signé l’Accord de Paris, cela signifie qu’ils ont légalement pardonné à l’Occident et aux BRICS [Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud] ce qui est leur « dette climatique » historique (c’est-à-dire des réparations écologiques aux victimes des « pertes et dommages » corrélés). Elle ne s’est pas attaquée aux trois secteurs manquants commodément exclus de l’Accord de Paris sur le climat : l’armée, le transport maritime et le transport aérien. L’échec de Paris à inclure une transition juste pour les travailleurs et travailleuses des secteurs à forte intensité de carbone afin de trouver un emploi alternatif dans une économie plus verte n’est pas non plus digne de mention. Paris n’a pas non plus mentionné le besoin urgent de forcer les entreprises de combustibles fossiles à accepter qu’il y ait une vaste quantité de « carbone non consommable » dans leurs portefeuilles, qui dans un monde sain serait ajusté radicalement à la baisse dans les comptes de valorisation (en tant qu’« actifs échoués » — stranded assets).
Les pressions de désinvestissement qui s’intensifiaient dans la société civile — retirer les fonds des entreprises et des financiers qui refusent ces mécanismes logiques d’autocorrection capitaliste — n’ont pas été prises en compte, et les négociateurs de Paris n’ont pas tenu dûment compte des militants et militantes, en particulier ceux et celles de la base, autochtones, luttant contre l’extractivisme et surtout la jeunesse. […] Mais il y avait un solide bloc d’universitaires qui étaient satisfaits de la sagesse dominante, que l’Accord de Paris sur le climat est essentiellement solide, et si les cibles sont augmentées par les révisions quinquennales des contributions déterminées au niveau national, l’objectif central de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de maintenir des températures inférieures à une augmentation de 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels au cours de ce siècle, est réalisable. […] Tout le monde ne voit pas le cadrage de cette façon. […] Et si la présomption selon laquelle la politique climatique mondiale fait beaucoup plus de mal que de bien est correcte, Greta Thunberg a mis le doigt sur le problème en 2020 : « nous sommes toujours dans un état de déni complet, alors que nous perdons notre temps, créant de nouvelles failles avec des mots vides et de la comptabilité créative ». Comme elle a accusé les Nations Unies en 2019, « Nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c’est d’argent et de contes de fées sur une croissance économique éternelle. Comment osez-vous. » […]
Le cas de l’Accord de Glasgow
Le but de l’Accord de Glasgow est de reprendre l’initiative aux gouvernements et aux institutions internationales et de créer un outil alternatif d’action et de collaboration pour le mouvement pour la justice climatique… Le cadre institutionnel utilisé par les gouvernements, les organisations internationales et l’ensemble du système économique pour faire face à la crise climatique ne parvient pas à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 ou 2°C d’ici 2100. Depuis son apparition, les pays développés et les entreprises polluantes comme l’industrie des combustibles fossiles ont orchestré l’échec répété de ce cadre institutionnel.
Le mouvement pour la justice climatique (JC) est généralement l’alternative à « l’action pour le climat » du type de celle promue par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Trois des déclarations d’activistes les plus célèbres sur la JC proviennent des réunions du Groupe de Durban pour la justice climatique (organisée en Afrique du Sud) en 2004, de la COP de Bali (Indonésie) en 2007 et du sommet alternatif sur le climat de Cochabamba (Bolivie) en 2010. Elles étaient ambitieuses. La déclaration de Cochabamba, par exemple, a formulé des demandes concrètes de réparations, d’objectifs de réduction des émissions et de mécanismes institutionnels tels que les tribunaux écocides, l’amplification du pouvoir des peuples autochtones et les droits formels de la Terre Mère. […]
Cependant, peu importe les plaintes du mouvement JC selon lesquelles la CCNUCC ne devrait plus être au centre des initiatives d’organisation mondiale, ce fut le principal terrain de lutte de la COP de Bali en 2007 jusqu’à au moins la COP de Varsovie en 2013. Puis en septembre 2014, une marche de 400 000 personnes militantes à New York a coïncidé avec la réunion des chefs d’État de l’Assemblée générale des Nations Unies. [Depuis lors…] septembre 2019 est devenu le mois le plus actif de l’action climatique mondiale à ce jour grâce à la campagne de Fridays4Future. Contrairement à d’autres actions locales de JC qui n’ont pas réussi à générer une coordination à l’échelle mondiale, les jeunes ont été catalysés avec succès par le sit-in hebdomadaire de Greta Thunberg devant le parlement suédois à partir de la mi-2018.
À la fin de 2020, alors que la Covid-19 continuait de perturber le potentiel d’un activisme climatique à grande échelle, coordonné et de plus en plus radical, un « Accord de Glasgow » a été proposé par des forces de premier plan en particulier au sein du mouvement JC d’Europe du Sud. Il s’est propagé à l’échelle internationale avec la participation et la signature de 170 mouvements environnementaux principalement locaux à travers le monde. Plusieurs traits de l’Accord permettent de définir ce que l’on peut considérer — à la suite du sociologue français André Gorz (1967) — les terrains distincts des réformes « réformistes » et « non réformistes ».
Lacunes de l’Accord de Glasgow
L’Accord est une contribution profonde et éloquente à la politique climatique mondiale, une contribution qui pourrait rapprocher plusieurs tendances progressistes et radicales jusqu’aux écosocialistes. Cependant, malgré l’accent mis sur le maintien sous terre des combustibles fossiles — absolument essentiel en première priorité — à l’instar de l’Accord de Paris sur le climat, certains domaines critiques (par exemple, la réduction des émissions émanant des transports militaires, aériens et maritimes) sont laissés de côté. Quatre points centraux sont vitaux pour les futurs rédacteurs : l’équilibre des forces représenté par le retour de Washington à la tête de la COP ; l’équité intergénérationnelle ; la tactique ; et la nécessité de s’aligner sur les mouvements anti-extractivistes en pleine croissance. En abordant ces quatre dernières lacunes, une préoccupation plus large surgit, associée à un avertissement du groupe militant éco-féministe Accion Ecologica de Quito, en Équateur. Sa fondatrice a exprimé sa frustration face à la priorité accordée par l’Accord à un « inventaire des émissions » qui détourne l’attention des causes capitalistes profondes de la crise climatique.
Premièrement, l’Accord pourrait mieux alerter les lecteurs sur l’équilibre actuel des forces — et sur la manière de modifier cet éventail de pouvoirs. Après tout, il y a un nouveau facteur dangereux qui est devenu apparent en janvier 2021 : le retour des entreprises néolibérales américaines à la CCNUCC, dirigée par Joe Biden et son envoyé pour le climat John Kerry (ancien secrétaire d’État en 2015 à Paris). L’un des résultats du passage du négationnisme climatique de Trump à ce nouveau régime est l’accent renouvelé sur les stratégies de marché et le gadget comptable « net zéro ». […]
Deuxièmement, l’Accord ne traite pas des droits des générations futures, malgré la rage croissante des jeunes. Il s’agit d’un nouveau facteur absolument essentiel dans la politique climatique, il représente donc un écart surprenant compte tenu du potentiel de Fridays4Future et de la clarté avec laquelle Thunberg et ses alliés continuent d’exprimer des critiques exceptionnellement dures. L’approche réussie de Thunberg, basée sur le fait de dire la vérité au pouvoir lors d’événements élitistes qui lui ont valu une publicité sans précédent pour la cause climatique, s’est jusqu’à présent concentrée sur la délégitimation de l’establishment corporatif et multilatéral. Pour l’illustrer, lorsqu’à la mi-2021, Kerry a été cité en faveur de mythiques stratégies technologiques – « Les scientifiques, non pas n’importe qui en politique, mais des scientifiques, me disent que 50 pour cent des réductions que nous devons faire proviendront de la technologie qui nous ne l’avons pas encore fait » – elle a tweeté, « Excellente nouvelle ! J’ai parlé à Harry Potter et il m’a dit qu’il ferait équipe avec Gandalf, Sherlock Holmes & The Avengers et qu’il commencerait tout de suite ! » La colère et le sentiment d’urgence que peuvent générer la militance en pointe de la jeunesse ont stupéfait le monde depuis le début de ses sit-in à Stockholm à la mi-2018. Personne ne peut douter à quel point nous avons désespérément besoin d’un renouveau post-Covid de cet esprit, en particulier compte tenu des divisions internes au sein du mouvement étasunien Sunrise d’une part, mais d’autre part, d’un réseau croissant de jeunes du Sud mondial se préparant à prendre un plus grand leadership vis-à-vis les actions internationales unifiées une fois qu’auront reculé les menaces de la Covid -19.
Troisièmement, en ce qui concerne la tactique, le cadre de l’Accord est insatisfaisant et étroit. Les auteurs ne reconnaissent pas que, malheureusement, il existe un style de longue date de désobéissance civile symbolique liée au climat : des arrestations prénégociées et préétablies qui améliorent principalement la publicité. Une telle désobéissance civile prévisible et non perturbatrice caractérise les principaux courants au sein de la politique des mouvements d’action climatique et également entretiennent certaines tensions au sein de ceux de la justice climatique. Elle doit être repensée car l’approche est si facilement assimilée, avec les platitudes qui l’accompagnent, par ceux qui détiennent le pouvoir. […] …l’Accord n’a pas le courage d’aborder ouvertement une approche différente, plus militante : bloquer et même saboter l’extraction, le transport, le raffinage, la combustion et le financement des combustibles fossiles et autres sources d’émissions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit pas d’un activisme très inhabituel contre les sociétés de combustibles fossiles, car dans les pays du Sud, une telle désobéissance incivile a été lancée contre l’extraction de pétrole au début des années 1990 par le Mouvement de Ken Saro-Wiwa pour l’émancipation du peuple Ogoni dans le delta du Niger (avant son exécution en 1995). La désobéissance civile perturbatrice est de plus en plus pratiquée par de nombreux autres mouvements, par exemple XR dans d’innombrables sites de pouvoir d’entreprise, la Standing Rock Sioux Tribe contre le Dakota Access Pipeline, ou Ende Galaende dans les champs houillers allemands. Pour Naomi Klein (2014), cet esprit mérite le terme de « blockadia », et l’Environmental Justice Atlas documente des centaines de cas de ce type. […] Les protestations lors du contre-sommet de Durban [et les suivants, NDLR] étaient impuissantes en partie parce que les distinctions entre les « secoueurs d’arbres » [tree-shakers] dans l’Espace du Peuple et les manifestations sirupeuses [jam-makers] à l’intérieur du centre des congrès de Durban, n’ont jamais été clairement établies par le réseau C17, qui recherchait l’unité plutôt que la clarté.
Quatrièmement, il y a un défi profond d’Accion Ecologica, dont la lettre de démission d’avril 2021 d’Ivonne Yanez avertit qu’en manquant de clarté sur l’idéologie plus large, l’Accord risque « d’entrer en collision avec les mouvements anti-extractivistes dans le monde ». […] Les contradictions spécifiques concernent la manière dont l’« exploitation minière minimalement nécessaire » pourrait être définie et si certains des ingrédients nécessaires à une économie décarbonée — le lithium pour les batteries, le dioxyde de titane pour la peinture réfléchissante, le palladium et le rhodium pour les piles à hydrogène dites vertes et d’autres minéraux de terres rares — eux-mêmes sont contestés dans des sites comme les Andes et lors de plusieurs conflits anti-miniers en Afrique du Sud [tout comme un projet de mine de graphite au nord-est de Montréal par une alliance autochtone-écologiste, NDLR]. Pour Yanez, « demander aux mouvements sociaux anti-extractivistes – principalement au Sud – de ‘faire des inventaires des émissions’ revient à nous demander de faire des inventaires des futures formes de dépossession et d’exploitation. » […]
Dans cet esprit, j’ai l’impression que les principes de l’Accord de Glasgow sont très attrayants. Pourtant, il y a un flou en matière d’analyse, de stratégies, de tactiques et d’alliances, à commencer par la question très évidente de savoir si la COP26 et les futurs événements de la CCNUCC seront des lieux de clarté — ou plutôt de confusion — sur la légitimation ou la délégitimation. Ce choix difficile est partagé par pratiquement tous les mouvements climatiques que j’ai vu œuvrer vers une certaine forme d’influence sur la COP26 de Glasgow en 2020-21. Les groupes impliqués dans l’Accord sont généralement les plus admirables du point de vue de JC, mais tous ne savent pas si et comment poursuivre la stratégie de délégitimation que Thunberg a incarnée avec tant d’éloquence. […]
Source : https://socialistproject.ca/2021/07/glasgow-cop26-and-beyond/, ma traduction