Communiqué du mercredi 7 février 2007 (12H)
FIN DE LA GREVE DE LA FAIM DE SOLIDARITE DE PHILIPPE CORCUFF 46° JOUR DE GREVE DE LA FAIM POUR ROLAND VEUILLET : CA URGE !
Comme indiqué dans mon communiqué du 26 janvier dernier, et alors que le ministère de Robien continuait à manifester une grande surdité l’égard des revendications légitimes du conseiller principal d’éducation Roland Veuillet, j’ai effectué une grève de la faim de solidarité avec Roland devant le tribunal administratif de Lyon entre le mercredi 31 janvier 12h et ce mercredi 7 février 12h. Je viens donc d’achever cette action de solidarité, mais le combat pour Roland Veuillet continue.
Si la pression collective, une pression née de la convergence citoyenne d’individus sensibles à la résistance de la dignité personnelle et à la défense d’un droit collectif (le droit de grève), ne s’amplifie pas, de Villepin et de Robien risquent d’ajouter l’inhumanité à l’injustice. Car Roland en est à son 46° jour de grève de la faim, avec une perte de poids de 19 kgs (il a maintenant dépassé la zone dangereuse, selon les médecins urgentistes qui le suivent bénévolement, de perte de 20% de son poids initial). Et pourtant, Roland Veuillet, affaibli, est toujours debout ! Des frémissements de velléités officieuses de discussion semblent s’observer enfin du côté du ministère de l’Education nationale. Mais cela ne pourra se concrétiser que grâce à une plus grande publicisation de ce cas exemplaire et à la multiplication des initiatives individuelles et collectives de solidarité, à commencer par la signature de la pétition de soutien à Roland sur son site (http://roland-veuillet.ouvaton.org/). L’écho national de ce combat est encore trop assourdi, et la seule personnalité nationale à être venue exprimer auprès de Roland son soutien est pour l’instant Olivier Besancenot, ce lundi 5 février.
Pour ma part, je vais continuer à participer à ce combat autrement. L’action symbolique d’une grève de la faim d’une semaine s’est finalement révélée à la portée de tout individu de bonne volonté doté d’une santé normale, et donc même d’un fragile universitaire (je n’ai perdu que 4 kgs et seulement les trois premiers jours n’ont pas été aisés). Je vais alors progressivement me réalimenter dans les jours qui viennent. Je remercie ceux qui, par-delà les frontières, m’ont apporté leur soutien et, partant, à la lutte de Roland Veuillet. Je n’ai été qu’un médiateur dans un court moment, à la mesure de mes possibilités limitées.
La solidarité avec Roland Veuillet, via cette action ponctuelle, aurait toutefois pu être un peu plus ample. En particulier, le milieu universitaire, si bien décrit par l’écrivain britannique David Lodge comme « un tout petit monde », a été à la hauteur de sa grandeur actuelle : refus déterminé de l’arbitraire (notamment dans l’Education nationale), souci pointilliste de la justice (surtout pour les autres), grande ouverture à ce qui n’est pas lui...Le défaut d’appétit n’implique donc pas un manque d’ironie. Mais il vaut mieux se souvenir de tous ceux qui ont exprimé à cette occasion une générosité simplement humaine comme l’espoir d’autres mondes possibles.
Philippe Corcuff
Maître de conférences de science politique à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Communiqué 2 (mercredi 31 janvier 2007 - 12h)
La grève de la faim de solidarité de Philippe Corcuff avec Roland Veuillet a commencé
Ce mercredi 31 janvier 2007 à 12h à Lyon, je viens de commencer une grève de la faim d’une semaine en solidarité avec le conseiller principal d’éducation Roland Veuillet, en grève de la faim lui-même depuis le 24 décembre 2006 pour protester contre une sanction disciplinaire arbitraire et injuste. Puisque le ministère de Robien s’enferme dans sa lâcheté bureaucratique, j’ai donc décidé de rejoindre Roland. Les raisons de cette action sont explicitées dans mon communiqué du 26 janvier dernier. Ce jour est symbolique, car c’est le 39e jour de la grève de la faim de Roland ; or, lors de sa dernière grève de la faim, contre la même sanction, en août-octobre 2004, Roland avait arrêté au 39e jour sur la base d’une promesse de médiation qui s’est finalement avérée illusoire. D’autres grèves de la faim de solidarité devraient avoir lieu dans d’autres villes de France. Les citoyens peuvent nous apporter leur soutien en signant la pétition (http://roland-veuillet.ouvaton.org/) et en venant nous voir au 184 rue Duguesclin dans le 3e arrondissement lyonnais où nous menons notre action.
Pour tout contact pendant la grève de la faim de solidarité (entre le 31 janvier et le 7 février) : téléphone portable de Roland Veuillet (06-19-68-30-94) et courriel du comité de soutien (soutienveuillet no-log.org).
Communiqué du 26 janvier 2007
Une grève de la faim de solidarité avec Roland Veuillet
Roland Veuillet était conseiller principal d’éducation au lycée Dhuoda de
Nîmes. Á la suite de la grève des surveillants et des aides-éducateurs de
janvier 2003, ce militant du syndicat SUD Éducation a été sanctionné
injustement et muté disciplinairement de Nîmes à Lyon. Roland n’a pas
accepté cette mesure arbitraire portant atteinte à son intégrité personnelle
et orientée contre le droit de grève. Si une cabale a été ainsi montée
contre Roland par son proviseur et le recteur de l’académie de Montpellier,
c’est vraisemblablement aussi parce qu’il est un des rares à s’être opposé à
l’introduction expérimentale d’un droit de regard du MEDEF dans cet
établissement public à travers la mise en place d’une « plate-forme
technologique ». Pour plus de précisions sur le contenu de « l’affaire Roland
Veuillet » (et signer la pétition de soutien), on peut se reporter à son site
: http://roland-veuillet.ouvaton.org/.
Alors, marathonien, Roland a couru pour protester. Depuis trois ans et demi,
il a parcouru en courant environ 16500 kilomètres. Il a aussi fait une
première grève de la faim de 39 jours, devant le ministère de l’Éducation
nationale en août-octobre 2004. Je m’étais alors exprimé publiquement sur sa
belle résistance (voir « Roland Veuillet, ou l’individu contre le
néolibéralisme », Libération, 20 septembre 2004 ; repris sur le site
Bellaciao : http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=9601) [1]. Le
Conseil Supérieur de la Fonction Publique (CSFP) s’est, depuis, prononcé
pour l’annulation de toute forme de sanction à l’encontre de Roland. Mais
l’arrogance ministérielle persiste. Depuis le 24 décembre 2006, il a de
nouveau entamé une grève de la faim devant le tribunal administratif de
Lyon, au 184 rue Duguesclin dans le 3e arrondissement lyonnais. Si le
ministère continue à s’enfermer dans son lâche silence, en couvrant la faute
d’un proviseur et d’un recteur, je rejoindrai Roland dans sa camionnette
pour une grève de la faim de solidarité d’une semaine, entre le mercredi 31
janvier 12h et le mercredi 7 février 12h. D’autres personnes, conscientes de
leur responsabilité individuelle vis-à-vis de l’arbitraire institutionnel,
pourraient converger avec ce mouvement citoyen de grèves de la faim de
solidarité dans d’autres villes de France.
En tant qu’universitaire, je me dois tout particulièrement de résister à
l’injustice là où je travaille, dans l’Éducation nationale. En tant que
sociologue de l’individualisme moderne, attentif aux attentes et aux
blessures des individualités contemporaines face au poids des dominations,
je suis particulièrement sensible au caractère exemplaire de la protestation
de Roland. En tant que militant altermondialiste, je suis partie-prenante
des nouvelles luttes qui s’inventent à la croisée de l’individuel et du
collectif. J’avais déjà accompagné en octobre 2002 à Tunis la grève de la
faim du démocrate altermondialiste Sadri Khiari, victime de la répression du
régime militaire de Ben Ali, avant d’être arrêté et expulsé au bout de trois
jours (voir http://hns.samizdat.net/article.php3?id_article=1804) [2].
Prendre au sérieux la question de l’individu, et la réévaluation de sa place
dans les combats collectifs, suppose alors de payer de sa personne. Dans le
cas de Roland, on a une situation flagrante où le pouvoir arbitraire d’une
administration sur les individus rejoint le nivellement marchand des
individus, où la bureaucratie et le néolibéralisme se soutiennent l’une
l’autre, où la dignité d’un individu et un principe collectif (le droit de
grève) sont également en jeu. Cela rend d’autant plus urgent l’exploration
libertaire d’une émancipation indissociablement individuelle et collective
contre tout à la fois les oppressions bureaucratiques et la tyrannie du
marché-roi. Et cela nous montre que s’il faut impérativement défendre les
services publics contre la dérégulation néolibérale, il faut défendre
d’autres services publics, transformés, en particulier plus respectueux des
individus, travailleurs et usagers.
L’État des Chirac-Sarkozy-de Robien crache à la figure des individus
concrets comme Roland, en faisant mine d’assurer la promotion néolibérale
d’un « individu » abstrait. Le futur éventuel État de Ségolène Royal se tait
pour l’instant face à ce déni de justice. Demeurent les résistances
citoyennes pour lesquelles l’entêtement de Roland est un stimulant.
N’hésitons pas à lancer une fois de plus un « Ya Basta ! » néo-zapatiste face
au conservatisme des Puissants de papier qui prétendent gouverner nos vies.
Pour tout contact pendant la grève de la faim de solidarité (entre le 31
janvier et le 7 février) : téléphone portable de Roland Veuillet
(06-19-68-30-94) et courriel du comité de soutien
(soutienveuillet no-log.org).
Notes
1. Sur ESSF : Roland Veuillet, ou l’individu contre le néolibéralisme
2. Sur ESSF : Ben Ali n’aime pas les universitaires critiques : Philippie Corcuff d’Attac expulsé de Tunisie