Liste des observateurs : Pamela Amiard, Delphine Bertsch, Stéphanie Bréhard, Sylvie van den Brink, Olivier Brosseau, Nathalie Charrier-Arrighi, Laurent Defendini, Peggy Derolez, Dorothée Galou, Marie Gautier, Loïc Jugue, Mélanie Julien, Sandrine Julien, Philippe Julien, Isabelle Laborde, Caroline Lahmek, André Lantz, Thierry Laugier, Alexis Martin, Julien Norwood, Nicolas Primault, Yves Primault, Thomas Puaud, Aline Rigois, Quentin Rome, Pierre Rousset, Magali Rufié, Marius Salabay, Benjamin Salabay, Wim Schaffer, Liam Schaffer, David Schaffer, Agnièle Touret-Alby, Delphine Zigoni
Pour participer au suivi des amphibiens du parc, vous pouvez contacter l’association Beaumonts Nature en Ville. Les amphibiens sont des espèces fragiles. Elles sont protégées. Pour tout travail scientifique de suivi nécessitant de les capturer, il est nécessaire d’obtenir une autorisation préfectorale. Hors de ce cadre, il est strictement interdit de les capturer. Nos sorties groupées permettent en outre de les observer en limitant le piétinement des berges et le dérangement des animaux.
Les suivis 2016 et 2017 des amphibiens du Parc des Beaumonts ont respectivement reposé sur deux et six sorties nocturnes. Elles se sont déroulées comme les autres années entre février et avril. 34 observateurs de tous les âges, de Montreuil et des villes voisines, ont participé à ces sorties.
A chaque sortie, à la nuit tombée, nous avons parcouru les sentiers reliant la Mare de la Brie, la Petite Mare et la Mare Perchée, toujours dans cet ordre et suivant un circuit identique d’année en année. Pour chaque mare, toute la berge est explorée à l’aide d’une lampe et tous les amphibiens adultes observés sont identifiés et comptés. Tous les animaux adultes visibles dans les fossés le long du chemin, et sur le chemin lui-même, sont également identifiés et comptés. Les têtards et les pontes ne sont pas comptabilisés. L’observation des pontes des grenouilles rousses est cependant consignée, celle des animaux adultes étant difficile à réussir.
Inventaire des espèces et suivi des populations
Six des sept espèces connues pour le parc ont été observées :
– le triton palmé lissotriton helveticus, le triton ponctué lissotriton vulgaris et le triton alpestre Ichtyosaura alpestris pour les urodèles,
– le crapaud commun bufo bufo, l’alyte accoucheur alytes obstetricans et la grenouille rousse rana temporaria pour les anoures,
– la grenouille rieuse pelophylax ridibundus, à la reproduction estivale et peu présente aux dates retenues pour le suivi, n’a pas été observée en 2016 et 2017.
Au total, 775 amphibiens adultes ont été observés et comptés pour ces deux années. Les effectifs, sous-évalués en 2016 en raison d’un plus faible nombre de sorties, font apparaître globalement un maintien des populations des différentes espèces. Au plan des abondances observées, le triton alpestre et le crapaud commun restent les amphibiens les plus représentés du Parc des Beaumonts.
L’exploitation des mares par les amphibiens continue d’être fortement contrastée. La Mare de la Brie demeure le bastion essentiel de l’ensemble du peuplement du Parc des Beaumonts. Pour la majeure partie des espèces, les effectifs les plus importants y sont observés. En outre, toutes les observations de l’alyte accoucheur ont été réalisées depuis les berges de la mare, avec des individus chanteurs présents à proximité immédiate.
Triton alpestre mâle adulte ; photo : Quentin Rome 2016
Si moins d’espèces y sont observées, la Mare Perchée demeure néanmoins importante pour les deux espèces les plus précoces, qui se reproduisent le plus tôt dans la saison : le crapaud commun et la grenouille rousse. Ainsi, le crapaud commun fréquente majoritairement la Mare Perchée, où de nombreux accouplements sont fréquemment observés. Il est en outre à noter que la grenouille rousse, espèce d’enjeu national, se reproduit également à la Mare Perchée, où des pontes ont été inventoriées. Les autres espèces ne sont vues que de façon sporadique dans la Mare Perchée.
Les enjeux de conservation
En 2016 et 2017, le problème du niveau de l’eau dans l’ensemble du réseau, mis en évidence en 2015, s’est confirmé de façon dramatique. La Petite Mare, au centre du réseau, alimentée par les eaux de pluie et par le ruissellement de la Mare Perchée, est restée totalement sèche ces deux années. Aucun amphibien n’a pu s’y reproduire, alors que des pontes de grenouille rousse et de fortes abondances de triton alpestre avaient pu y être observées les saisons précédentes.
En 2017, ce problème du niveau de l’eau, renforcé par la sécheresse de l’hiver 2016-2017 et l’abaissement des nappes phréatiques, a pris en outre une tournure grave pour la Mare de la Brie. Le niveau d’eau extrêmement bas a réduit la surface d’eau libre à une portion très limitée, au-delà de la ceinture que constitue la petite roselière de la mare. Les herbiers aquatiques localisés le long des berges, où se reproduisent les tritons, se sont ainsi retrouvés à sec et ont été détruits. Pire, l’eutrophisation de la mare s’est aggravée en 2017, avec une pollution précoce par des algues vertes recouvrant la totalité de sa surface dès le mois de mars.
En plus des sorties et des comptages, 4 demi-journées espacées d’une à deux semaines ont été consacrées au nettoyage de la mare par des bénévoles de l’association, avec la récolte des algues vertes (en plus de divers débris végétaux et éléments de mobilier du parc). Cette récolte, réalisée en urgence en pleine période de reproduction, mais reposant sur une technique adaptée, a été volontairement limitée pour ne pas risquer de détruire les pontes des amphibiens. Les algues vertes ont notamment été récoltées à l’aide de cannes. Les récoltes ont été intégralement inspectées pour vérifier l’absence de pontes et de têtards. La totalité des algues vertes et des débris retirés ont été déposés en divers tas, au pied des talus qui encerclent la mare. La mairie a été alertée à plusieurs reprises pour obtenir, sans succès, l’intervention des services techniques de la ville, et faire exporter les déchets végétaux hors du site. L’intervention de l’association a néanmoins permis de contrôler et limiter le développement des algues vertes pendant les semaines les plus critiques pour la reproduction des tritons.
Récolte des algues vertes dans la Mare de la Brie ; photo : Stéphanie Bréhard 2016
Un second problème a été mis en évidence en 2017. Les haies séparant la parcelle de la Mare de la Brie et le terrain de football voisin ont été rasées (!) lors de précédentes interventions paysagères. La mare, sans cet écran naturel de protection, s’est trouvée ainsi soumise à une pollution lumineuse nouvelle, et supplémentaire, les forts éclairages du terrain de football étant directement braqués sur elle jusqu’à plus de 22 heures. Nous en avons observé l’effet direct avec la perturbation du comportement naturel des animaux. Tant que l’éclairage est en route, les tritons ne sortent que peu et demeurent presque invisibles malgré l’heure tardive. Quand l’éclairage est éteint, les animaux sortent en revanche très rapidement et se mettent en activité. Cette pollution lumineuse, dommageable pour toute la faune du parc, peut avoir des conséquences également pour les amphibiens, qui voient ainsi leur temps d’activité (nourrissage et reproduction) réduit chaque nuit.
Triton alpestre femelle adulte dans les chemins du Parc des Beaumonts ; photo : Quentin Rome 2016
Une troisième menace a été observée, liée à la fréquentation nocturne du parc. Au printemps, dès la nuit tombée, les amphibiens peuvent être nombreux sur les chemins du parc. Une soirée record du 28 avril 2017 nous a permis d’observer par exemple jusqu’à 180 tritons alpestres sur les seules sections de chemin prospectées lors du suivi. Au même moment, plusieurs coureurs ont pu être croisés sur ces mêmes chemins, avec un risque certain de piétinement et d’écrasement des animaux, invisibles pour les usagers du parc. Enfin, le suivi 2017 nous a permis de mettre en évidence une quatrième menace pour les amphibiens du Parc des Beaumonts. Lors d’une sortie, nous avons vu un chien sortir de la Mare Perchée pour rejoindre son maître, et poursuivre sa promenade. Après inspection, nous avons trouvé 6 crapauds communs adultes tués.
Et pour 2018
Les menaces observées en 2017 permettent d’ores et déjà d’esquisser une série de recommandations pour la gestion du parc. Ce bilan est ainsi l’occasion d’alerter les gestionnaires du Parc des Beaumonts, et de proposer des actions qui permettraient de contribuer à la protection de son peuplement des amphibiens, espèces emblématiques de ce site naturel appartenant au réseau Natura 2000 du département :
– il est urgent de mener une étude sur l’hydrographie du parc, pour trouver des solutions permettant de maintenir le niveau d’eau des différentes mares et du réseau de fossés ; outre le curage des fossés, le creusement d’une nouvelle mare dans la prairie centrale, dotée, comme la Mare de la Brie, d’une alimentation naturelle par la nappe phréatique, pourrait constituer une solution très avantageuse et économique.
– il serait propice d’interdire l’accès à la Mare de la Brie avec une protection intégrale équivalente à celle de la prairie centrale ; la Mare Perchée devrait également bénéficier d’une protection au moins partielle de ses berges.
– un travail important de sensibilisation, voire de contrôle, doit être mené auprès des promeneurs, pour limiter, dans la partie sauvage du parc, la pratique nocturne de la course à pieds pendant les mois de mars et avril, et empêcher l’accès des chiens aux mares.
– enfin pour la Mare de la Brie, une double intervention est nécessaire sur la végétation des talus et sur l’éclairage voisin.
Alexis Martin