Quelque 2,3 millions de Catalans ont participé dimanche au vote symbolique sur l’indépendance de la Catalogne, selon des résultats provisoires diffusés lundi 10 novembre. Ces résultats concernent 100% des bulletins de vote en Catalogne, mais ne tiennent pas compte des bulletins à l’étranger ni des retardataires, qui peuvent encore s’exprimer jusqu’au 25 novembre.
Ils pouvaient répondre à ces deux questions : « Souhaitez-vous que la Catalogne soit un Etat ? » et si oui « Souhaitez-vous qu’il soit indépendant ? » Près de 80,7% des personnes ayant participé ont répondu deux fois « oui », 10,07% « oui » et « non », et 4,54 % deux fois « non ».
Les opposants à la scission avec le gouvernement central avaient annoncé qu’ils boycotteraient le scrutin.
Quelque 5,4 millions de Catalans pouvaient en théorie participer à cette consultation ouverte aux jeunes à partir de 16 ans et aussi aux étrangers résidant en Catalogne. Les Catalans à l’étranger – New York, Sydney, Paris… – avaient également le droit de se rendre dans des centres de vote. On compte dans cette « région » 7,5 millions d’habitants.
Rédaction A l’Encontre
L’événement vécu en Catalogne dimanche 9 novembre (9N) a été un exercice de participation démocratique et de désobéissance massives [dans le sens où le pouvoir central s’opposait au référendum], joyeuses et festives contre l’ Etat et le gouvernement. Comme l’écrit Suso de Toro [1] ce gouvernement a été tourné en ridicule devant le monde entier, en annonçant, tout d’abord, que la consultation ne va pas tenir, et puis, face le fait accompli, il a l’a déclaré « antidémocratique, inutile et stérile. » Un ridicule qui peut être encore accentué si, en réponse à la pression électoraliste de UPyD [2] aurait recours à la Cour pénale pour criminaliser les promoteurs du référendum.
Certes, cette consultation « alternative » n’a pas été celle – par la faute du gouvernement et la Cour constitutionnelle – qui était initialement prévue avec toutes les garanties démocratiques. Elle a dû faire face au boycott de toutes les forces et de tous les secteurs catalans partisans d’un double non.
Mais le nombre de participant·e·s a atteint les 2’305’290 personnes ; et l’écho de cette initiative a été mondial. Et cette action « illégale » a acquis une audience sans précédent en Europe. Tout cela donne une énorme valeur symbolique et fera que la question catalane sera placée sur l’agenda de l’Union européenne, malgré l’autisme démontré par le gouvernement de Mariano Rajoy. En effet, elle est devenue un facteur supplémentaire d’instabilité politique et donc « prime de risque » dans la zone euro.
Ainsi vient à l’heure l’ancienne ode de Joan Maragall 1898 [3] qui commençait : « Ecoute Espagne, la voix d’un fils qui te parle dans une langue qui n’est pas celle de Castille » et il concluait par « Adeu, Espanya ». À l’époque, après la chute de l’Empire espagnol à Cuba [4], les Philippines [5] et Porto Rico [6], Joan Maragall traduisait l’émergence d’un catalanisme. Il se mit en marche face à nationalisme espagnol majoritaire que se faisait de plus en plus conservateur, réactionnaire et militariste jusqu’à ce que s’affirme la Seconde République [1931-1939]. Et c’était déjà à la « question catalane » qu’elle dû faire face ouvertement, non sans tensions. De là est né un statut d’autonomie, qui rapidement se vit effacé par la droite catholique et, ensuite, par le régime franquiste.
Plus tard, la « transition » [7] signifie un nouveau départ, mais peu de temps après le 23F de 1981 [8] on put voir que les deux principaux partis, – comme l’a rappelé Bartolomé Clavero, professeur de l’Université de Séville, auteur de divers ouvrages sur l’histoire constitutionnelle de l’Etat espagnol – étaient intéressés seulement à réaffirmer la première partie de l’article 2 de la Constitution sur l’« indissolubilité et l’indivisibilité de la nation espagnole » ; tout en laissant dans le tiroir le développement du terme « les nationalités ».
Maintenant, après avoir épuisé une « troisième voie » qui serait le Statut Nou [9] et face à l’injustice qu’engendre une crise économique transformée en prétexte pour la recentralisation politique par le PP (Parti Populaire de Mariano Rajoy), il existe déjà un peuple avec une vocation de sujet souverain propre. Il s’affirme en Catalogne face à un régime décadent. Et il a sans conteste gagné la partie dans ce « jour historique » du 9 novembre, comme a été contraint de le reconnaître le chef de file de Ciutadans [10], Francesc de Carreras, entre autres. Sans surprise, donc, l’indépendantisme trouve des appuis chaque fois plus amples.
Compte tenu de ce scénario il n’est plus possible de continuer avec la politique de l’autruche de l’Etat espagnol et la société espagnole. La réponse donnée à une majorité écrasante en Catalogne en faveur du droit à choisir va dicter aussi l’avenir de l’avenir de cet Etat espagnol et une idée de l’Espagne qui ne traite pas ces nationalités et leurs expressions comme « une simple partie de son corps », mais comme un protagoniste jouant à égalité. Parce que ne peut alors arriver à établir librement un nouveau rapport de voisinage – qui soit de type fédéral, ou confédéral ou autre – et éviter de la sorte un définitif : « Adeu, Espanya ».
Heureusement, un vent de changement dans la politique espagnole et le cycle électoral 2015 annonce le début de la fin de ce régime corrompu dont les élites peuvent modifier la Constitution sans scrupules et « céder » la souveraineté sur les marchés financiers et la troïka /UE, BCE et FMI) continuent, par contre, a être accroché à la conception essentialiste de la nation espagnole, inscrite dans ce texte « sacré ».
Espérons donc que de nouvelles forces montantes [11] dans l’Etat espagnol soient en mesure d’écouter, cette fois, le message venu de Catalogne et engager dès maintenant, non seulement à reconnaître la réalité multinationale de cet Etat, mais aussi à soutenir ce qui est décidé, « là-bas ». En tout cas, l’histoire nous enseigne aussi que même les promesses – d’abord, avec Diaz Manuel Azaña [12] et les républicains espagnols lors la Seconde République, puis avec le PSOE et le PCE durant la « transition » – peuvent être rompues au nom du « sens commun » dominant, c’est-à-dire de ce que disent, hier et aujourd’hui, les pouvoirs de facto.
Donc, la seule garantie que le mouvement souverainiste-indépendantiste ne se voit pas dérober son objectif consiste à ‘aller de l’avant dans son défi démocratique, débordant lorsque le cadre de la législation actuelle est nécessaire et la recherche de convergences avec les peuples de l’Etat espagnol. Ces derniers aussi affirment leur droit de décider et de souveraineté. De cette façon, nous espérons qu’ils puissent aussi se débarrasser du contrôle sur le mouvement que veut exercr un CiU [13] prêts à « se refonder » et à vouloir faire oublier aussi leurs dirigeants [14] font partie de la « caste » corrompue et qu’ils ont été à la pointe de politique néolibérale.
Jaime Pastor