Cette deuxième conférence s’est tenue à Hammamet avec environ 250 participants. Toutes les composantes du Front étaient présentes, dont les 24 coordinations régionales ainsi que celles de Suisse, d’Allemagne et de France. Il y avait à la conférence une volonté d’unité, de radicaliser le processus révolutionnaire et de mener le combat contre l’austérité.
Deux grands points étaient à l’ordre du jour : les questions d’organisations et l’orientation politique.
1. L’orientation politique du Front
Le texte politique
Le projet de texte concernait l’évaluation de l’expérience du Front de salut national (FSN) ainsi que les perspectives.
Beaucoup ont dit que l’expérience du FSN avait été une catastrophe, d’autres estimaient par contre qu’elle avait été grosso modo juste car elle avait permis de déboulonner les islamistes.
Il a été décidé que le Front populaire allait se présenter aux élections législatives et présidentielles sous son propre sigle. Certes, la prise de cette décision a été facilitée par le fait que Nidaa Tunes avait refusé de faire alliance avec qui que ce soit. Mais la proposition faite par certains de laisser la porte ouverte à une alliance “large”, par exemple avec Massar voire Nidaa Tunes, n’a pas été retenue. Pour la majorité des participant-e-s, la nécessité d’organiser la résistance et la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier ce type d’alliance.
Le refus du Front de participer au “dialogue économique”
Avant la Conférence nationale, la décision avait été pris de se retirer du “dialogue économique”, et de ne pas se contenter d’un simple “gel de la participation” à celui-ci. Ce “dialogue” vise en effet à justifier une politique draconniene d’austérité incluant l’augmentation des prix des produits de première nécessité, dont ceux de l’alimentation.
Cette décision va dans la bonne direction, elle tranche avec les hésitations et les virages à droite de la période précédente.
Certaines interventions, dont celle de Raid-Attac, ont regretté que le Front populaire se soit contenté de faire une conférence de presse pour annoncer son retrait du dialogue économique : il aurait fallu également appeler à une grande manifestation.
Pour moi, il faut arrêter de dire des bêtises du genre que nous serions dans une étape où il faudrait se limiter à renforcer les libertés politiques en laissant de côté les revendications économiques et sociales.
2. Les questions d’organisation
La mutation du Front
Le FP est maintenant légalement un parti ayant un visa en tant qu’entité politique. Une campagne d’adhésion a été lancée. Le 1er juin, on a distribué aux participant-e-s à la conférence environ 15 000 bulletins d’adhésion. Je pense qu’ils seront remplis dans les deux mois.
Maintenant, et pour la première fois, toutes celles et ceux qui sont d’accord avec la plate-forme peuvent adhérer concrètement en prenant une carte d’adhérent. Les gens n’appartenant à aucun parti, celles et ceux que nous appelons les indépendant-e-s, peuvent maintenant devenir membres à part entière. C’est le début d’une nouvelle aventure.
Cela met aussi le FP à l’abri d’une simple dissolution après les élections : même si un parti voulait quitter le FP, ce dernier aurait de fortes chances de survivre.
La place des indépendants
Des représentants des indépendants sont venus à la conférence. Ils ont y pu participé et se réunir pour décider qui allait les représenter au Conseil des secrétaires généraux.
Mais petit à petit, il ne va plus y avoir “d’indépendants” et de “représentants de partis”, parce tout le monde va être membre à part entière du Front populaire. Cela va permettre une nouvelle identité du Front populaire. Chacun-e se retrouvera devant la décision individuelle d’adhérer ou pas au FP.
3. En guise de conclusion
Ce n’est pas avec des mains qui tremblent et des pas hésitants que l’on fait l’histoire. Il faut que le Front défende ses positions.
Il y a eu à cette conférence une volonté de cesser le virage droitier ainsi que d’être plus enracinés et plus concrets sur les questions économiques et sociales.
Maintenant le message est clair : le FP lance la campagne d’adhésion et se prépare aux élections. Ce qui a été dicuté longuement est que cette campagne se mènera à travers des batailles concrètes contre l’austérité, la vie chère, le chômage, pour l’emploi, etc.
Il y a eu dans cette Conférence une très grande volonté d’unité. Alors que les autres forces politiques - comme Massar, Nidaa Tounes ou Ennahdha - hésitent à réunir des congrès ou des conférences nationales, le FP parait soudé, unifié, décidé à se battre en accord avec les craintes des travailleurs et des masses populaires.
Le fait que des organisations comme Raid-Attac s’impliquent et travaillent au sein du Conseil des secrétaires généraux, a eu beaucoup d’importance pour essayer de corriger l’orientation du FP. Je suis plutôt optimiste sur l’avenir du Front.