Jeudi 13 juillet 2006
Alors que le sommet officiel se tiendra du 15 au 17 juillet, un contre
sommet est prevu les 14 et 15 juillet (avec manifestation le 15).
Le stade Kirov, qui accueillera l’essentiel des activites et un camp de
tentes pour les participants, a ouvert aujourd’hui. Déjà une cinquantaine
de tentes et dès le matin près d’une centaine de personnes pour une
session de travail ? Réunion de coordination de nombreux mouvements
sociaux russes.
Quelques internationaux présents, une ambiance studieuse, un soleil
radieux, beaucoup de policiers autour du stade (contrôle des sacs et
portique magnétique à l’entrée). Quelques journalistes étaient aussi là.
Dans l’après-midi, arrivée de nombreux autres participants, encore des
nouvelles de militants arrêtés ou empêchés de venir.
Demain vendredi : les choses serieuses commencent, avec un programme en 6
thematiques et pres de 40 ateliers et seminaires.
Toujours pas de certitudes pour la manifestation de samedi (autorisee ?
empechee ? deplacee ?)
Vendredi 14 juillet 2006
Ouverture officielle du contre-sommet au stade Kirov.
Pres de 200 participants présents, plusieurs bus empéchés de venir de
Moscou...
Lors du discours d’ouverture, la gouverneure de la région de St
Petersbourg, Mme Matvienko, est venue faire de la provocation. Pour rien.
De nombreux ateliers et séminaires ont eu lieu, sauf ceux annulés pour
cause d’organisateurs et intervenants « empêchés de venir ». Ce qui donne des
annonces du genre : "ceux qui veulent parler des délocalisations peuvent
se réunir ensemble, par contre l’intervenant principal a été arrêté dans
le train de Moscou ce matin, il faudra faire sans lui..."
La journee à tout de même été studieuse et productive, avec un gros
seminaire sur l’action syndicale en Russie tout simplement passionant
(exposé des problèmes, compte-rendus des actions récentes, témoignages,
plans d’action pour le futur...). L’après-midi a notamment vu un
séminaire sur la paix dans le Caucase tres intéressant, ou de nombreux
russes ont pu exprimer que la guerre en Tchétchénie "ne se fait pas en
notre nom" et ou l’apport de tchétchènes et de francais (comité
Tchétchénie, convoi syndical, Ipam) à enrichi le débat.
A noter aussi, la forte présence de la probléematique du droit au logement
face aux récentes réformes gouvernementales.
En début de soirée, le pouvoir poutinien nous a envoyé un hélicoptère, qui
a tourné avec insistance au-dessus du stade dans la plus pure tradition
gênoise...
Finalement, personne ne sait vraiment si la manifestation de demain sera
autorisée, tolerée, reprimée...
Mais le succès est déjà là, la societe civile russe a pu se réunir et un
espace de liberté s’ouvrir, temporairement, dans le stade Kirov de St
Petersbourg.
Samedi 15 juillet 2006
Des le vendredi, des affiches annoncaient la fermeture "pour raisons
techniques" de la station de métro qui dessert le stade Kirov. Le journal
du samedi matin donnait un compte-rendu de la visite de la gouverneure
Matvienko lors de l’ouverture du forum : "je ferai le nécessaire pour que
la station de métro ne soit pas fermée. La manifestation ne sera pas
autorisée, pour ne pas troubler le rythme de vie des habitants" (sic)
Effectivement, à l’arrivée sur l’ile Kristovski, la station de métro est
ouverte et nous pouvons descendre. Forte presence d’OMON (les CRS russes,
dont beaucoup ont servi en Tchétchénie !) et très peu de monde lors des
2km de marche au travers du parc pour atteindre le stade Kirov. Oui, le
pouvoir russe nous a bien mis a l’ecart...
Arrivés sur place, la présence policière est trois fois plus importante
que les jours précédents. Une fois entrés, nous discutons avec les
altermondialistes déjà sur place qui nous apprennent qu’un nombre
important de militants a préféré ne pas dormir dans le stade cette nuit,
par crainte d’une attaque par la police (comme quoi l’hélicoptere de la
veille au soir a bien joué son rôle dans la guerre psychologique).
Finalement, les groupes de travail finalisent leurs résolutions et nous
entamons une grande assemblée pléniere, avec un peu plus de 200
participants. Les journalistes internationaux arrivent en grand nombre,
ils reviennent de couvrir la manifestation des communistes qui a été
violemment réprimée en ville.
La restitution des travaux de la veille a été une longue condamnation de
l’action du gouvernement russe, mais aussi des politiques globales du G8,
dont l’illégitimité a été soulignée à de nombreuses reprises. Une
résolution demandant la libération de nos camarades arretes a été adoptée,
les discours de soutien des internationaux présents dans le stade ont été
applaudis, et nous avons fini par une chanson de la guerre d’Espagne !
Nous sommes ensuite partis en cortège vers la sortie. Qeulques mêtres
avant les grilles, un officier de police nous attend mégaphone au poing,
encadré de trois gardes du corps. Il nous annonce que selon la loi
fédérale n. 54, nous n’avons pas le droit de quitter l’enceinte du stade
Kirov. Derriere les grilles, les Omon sont déployés en grand nombre. Nous
sommes maintenant enfermés dans le stade !
Un stade ensoleillé + 250 militants altermondialistes + 60 journalistes de
la presse internationale + une grosse grille et derriere de nombreux
policiers + de l’imagination = une tres belle opération de communication
altermondialiste !
Le pouvoir poutinien a craqué, le vernis démocratique se fendille et la
realite russe se révèle : le gouvernement ne supporte pas la moindre
initiative autonome et préfère réprimer même ce qu’il pourrait simplement
ignorer sans conséquences aucunes.
Merci Vladimir Vladimirovitch, tu as montré ton vrai visage au bon moment,
devant toutes les caméras du monde.
Après trois heures de slogans en tous genres (« Non a l’etat policier »,
« Paix en Tchétchénie », « Le monde n’est pas une marchandise », "la Russie
n’est pas une prison", etc), de nombreuses interviews et d’encore plus
nombreuses photos moquant cette réaction disproportionnée et honteuse,
nous avons pu finalement sortir petit à petit du stade. Personne n’a été
arrêté ni frappé.
Le courage et la détermination des militants russes sont impressionants,
et on voit clairement les prémisses d’un mouvement altermondialiste russe
déjà capable de faire peur au pouvoir en place.
(fin - pour l’instant)