I. Historique de l’Association des Maliens Expulsés (AME)
Notre association a été créée le 6 octobre 1996 suite à des expulsions massives de Maliens immigrés dans le monde entier (France, Angola, Arabie Saoudite, Libéria, Zambie, etc.). A cette époque, nos compatriotes, démunis et humiliés par leur mésaventure, se réunissaient au Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur (HCME). Ousmane Diarra, expulsé d’Angola, prit l’initiative de les réunir pour tenter de leur venir en aide en créant l’Association des Maliens Expulsés (AME). Un collectif de soutien mobilisant plusieurs organisations et individus se mit en place pour mener des actions communes.
Une des premières actions significatives de l’AME fut d’organiser, en 1997 , une marche de soutien dans Bamako pour faire libérer 77 Maliens expulsés de France par le « 36e charter Debré » et emprisonnés par le gouvernement malien de l’époque. Deux semaines après cette marche, les expulsés emprisonnés étaient remis en liberté.
Grâce à un financement d’Emmaus France, un local a été loué pour accueillir les expulsés et leur permettre d’avoir un suivi médical et des soins. Certains expulsés avaient des séquelles consécutives à une grève de la faim, d’autres avaient subi des brutalités policières lors des expulsions. Nous déplorons le décès de deux personnes par manque de moyens financiers.
II. L’AME aujourd’hui
Après le Forum Social Mondial de Bamako qui s’est déroulé du 19 au 23 janvier 2006,
– grâce à de multiples contacts avec plusieurs associations et collectifs du Nord, tels que Migreurop, la Cimade, Droits devant !!, No vox, représentant un potentiel de soutien fort,
– au vu de l’importance qu’engendre la synergie de plusieurs mouvements ouvriers et paysans en termes de soutien au Sud,
– et surtout face aux politiques d’émigration des pays du Nord de plus en plus discriminantes pour les Maliens,
nous avons ressenti la nécessité impérieuse de mobiliser nos forces en faveur des expulsés et des sans papiers, afin de les rassembler et de les soutenir dans la revendication de leurs droits en intervenant auprès des pouvoirs publics « d’ici et là-bas », d’autant qu’il existe aujourd’hui une volonté d’actions communes au Sud comme au Nord.
Compte tenu du contexte actuel relatif aux politiques d’émigration, notre association, qui axait son action essentiellement sur le soutien humanitaire d’urgence aux expulsés et oeuvrait dans le but de revendiquer leurs droits, adopte désormais un mode plus offensif et renforce ses objectifs. Aux anciens objectifs (1 à 7) toujours de circonstances, s’ajoutent trois nouveaux (8 à 10) :
1. Accueillir les expulsés à l’aéroport et à la gare
2. Assurer un suivi médical et psychologique des expulsés
3. Aider au recouvrement des biens des expulsés
4. Déclencher des poursuites judiciaires auprès des institutions internationales de justice pour les violations des droits de l’homme par les pays expulseurs.
5. Faire des recours devant les conseils d’états des pays dont les consulats refusent les visas aux Maliens.
6. Créer des activités économiques pour l’insertion des expulsés et pour concourir à l’autonomie financière de l’association
7. Coopérer avec toute association apolitique de démunis, réfugiés et apatrides.
8. Développer des stratégies d’actions non violentes pour la reconnaissance du droit fondamental de toute personne à se déplacer dans le but d’assurer sa survie et celle de sa famille « ici ou là-bas ».
9. Mobiliser un collectif de soutien pour qu’il exerce un moyen de pression auprès des consulats réfractaires à la délivrance des visas.
10. Encourager et participer à des actions communes avec des associations du Nord dans le but de « globaliser « les luttes et ce dans un esprit de partenariat.
III. Les activités
A. Accueil, assistance et orientation des expulsés
La plupart du temps les expulsés arrivent à l’aéroport démunis et sans avoir pu contacter la famille. Grâce au contact que nous établissons avec eux, nous pouvons, dans un climat de confiance, recueillir leurs témoignages faisant état, la plupart du temps, de mauvais traitements tant physiques que psychologiques.
Nous sommes en train de mettre en place une assistance juridique en leur faveur afin qu’ils récupèrent leurs biens, abandonnés dans les pays expulseurs et qu’ils recouvrent leurs droits, car souvent, des « irrégularités » auraient dues rendre impossibles les expulsions (mariage dans le pays d’émigration, promesse d’embauche, etc.).
B. Sensibilisation et mobilisation
Grâce à la mobilisation d’un collectif de soutien actif, tout un travail de sensibilisation a été fait auprès de la société civile malienne par rapport au problème des expulsions. Nos liens avec les associations et collectifs du Nord se sont renforcés et nourris de nos expériences communes.
Les centrales syndicales (UNTM et CSTM) ont été informées de nos activités. De même, les organisations de défense des droits de l’homme ont été sollicitées (LJDH, AMDH, etc.).
De multiples courriers ont été adressés par nos soins aux consulats des pays concernés dans le but de rencontrer les autorités consulaires afin de leur exposer nos revendications par rapport aux expulsés (consulats de France, Italie, Espagne, Arabie Saoudite, Mauritanie, Maroc, Lybie, etc.).
Les autorités maliennes ont été informées par écrit de notre existence et de notre souhait de débattre avec elles des problèmes posés à notre jeunesse précarisée ici comme au Nord et stigmatisée par la plus grande insécurité que constitue l’absence de travail.
Nous avons fait une première conférence de presse le 26 mars 2006 largement répercutée dans la presse malienne (voir annexe 1). Puis nous avons fait plusieurs communiqués dans la presse écrite et radio. (voir annexe 2).
Parallèlement à cette mobilisation et grâce à elle, de nombreux expulsés se sont adressés à nous. Actuellement, nous recueillons leurs témoignages et tenter de les recenser.
Début mai 2006, alors qu’en France le projet de loi CESEDA est en passe d’être adopté par l’assemblée nationale - il le sera deux semaines plus tard à notre grand désarroi - la visite de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur français, venant présenter sa politique d’immigration choisie constitue pour nous une véritable provocation et une réelle atteinte aux droits fondamentaux de la personne. De ce fait, nous décidons et réussissons à rassembler autour de l’AME une large coalition d’organisations progressistes favorables à nos revendications (voir annexe 3). Malgré de multiples intimidations émanant des autorités maliennes, l’AME et son collectif de soutien organisent le 17 mai 2006 une marche pacifique sur l’ambassade de France à Bamako, et ce, avec un franc succès. Cet évènement est bien relayé par la presse malienne et internationale. Le lendemain, 18 mai 2006, un sit-in est tenu avec beaucoup de difficultés tant les forces de l’ordre ont maltraitées nos militants et sympathisants, nous empêchant de manifester notre désapprobation de voir se dérouler une conférence de presse organisée pour Nicolas Sarkozy à l’hôtel Sofitel de Bamako.
Depuis plusieurs semaines, nous avons connaissance de votre initiative d’organiser le forum des migrations. Nous sommes convaincus, est il utile de le rappeler compte tenu du bref exposé que nous vous adressons, que nos idées sont convergentes et se nourrissent du même désir de justice et d’humanité.
Nous n’avons pas pu, hélas, déléguer un représentant de notre association au forum. C’est pourquoi nous confions à Daouda Maiga, membre de l’association No Vox et également membre du collectif de soutien de l’AME, la tâche de vous fournir des informations sur notre association et de nous transmettre, en retour, un compte rendu de vos travaux.
Fait à Bamako, le 21 juin 2006
Ousmane Diarra,
Président de l’AME
Contact
Ousmane Diarra : (00-223) 678 21 11
Email : ousmanediarrame yahoo.fr - expulsesmaliensbasta yahoo.fr
Nouhou Sangaré, porte parole, chargé de la communication : (00-223) 607 74 00
DECLARATION DE L’ASSOCIATION DES MALIENS EXPULSES ET DU COLLECTIF DE SOUTIEN AUX EXPULSES
Appel à une large coalition et mobilisation contre l’arrivée de Nicolas Sarkozy au Mali
Tous les jours des maliens sont expulsés de France parce qu’ils sont là-bas exclus parmi les exclus sans papiers et sans droits.
L’Etat français entretien un véritable trafic qui consiste à payer aux consulats des pays d’origines dont celui du Mali 150 Euros (soit 100 000 F CFA)
par expulsé pour les convaincre de délivrer des laissez-passer d’expulsion.
Les fonctionnaires du consulat du Mali en France profitent de ce trafic en extorquant de 250 à 500 Euros (soit 162 500 à 325 000 F CFA) à chaque
expulsé en lui faisant croire qu’ils peuvent éviter la délivrance de laissez-passer. Et l’expulsé se retrouve tout de même dans l’avion pour Bamako.
– Considérant cette situation de racket et de spoliation des expulsés.
– Considérant la charte des Nations Unies du 26 juin 1945 en son chapitre 1 al 2 et 3 qui préconisent des relations amicales entre les nations
fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples.
– Considérant que ces Etats dont la France se sont par ailleurs engagés à assurer, en coopération avec l’ONU, le respect universel et effectif
des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
– Vu l’état de précarité auquel sont assujettis les maliens et les étrangers sur le sol français.
– Vu le mépris dont sont victimes les maliens et les étrangers en France, la régulière rotation des charters ne nous contredira pas !
– Vu le chemin de croix imposé pour accéder aux documents administratifs exigés.
– Convaincus de ce fait de la volonté manifeste de bouter hors de la France ces indésirables africains qui ne veulent que jouir de leurs droits de
travail, à une juste rémunération et sortir de l’insécurité psychologique dans laquelle ils sont confinés
– Révoltés par les méthodes musclées et l’animosité qui accompagnent les expulsions et qui foulent au pied « l’amitié entre les peuples »
– Nous Association des Maliens Expulsés (AME) dénonçons énergiquement la dernière provocation planifiée par Sarkozy en occurrence, sa
visite au Mali, le jour même où sa nouvelle loi sur l’immigration devrait être voter en France et dans le pays qui compte le plus grand nombre d’immigrés maliens.
A ce jour, le projet de loi CESEDA à visée électoraliste franco-française mise en place par le ministre de l’intérieur français Sarkozy nous heurte
à plus d’un titre :
– il précarise et criminalise l’immigration du Sud ;
– rend clandestines des personnes séjournant régulièrement sur le sol français ;
– rend impossible toute vie familiale normale.
Bref, ce projet de loi est une atteinte aux droits des travailleurs, aux droits de l’Homme et encourage le racisme et la discrimination.
Nous regrettons que celui que le peuple martiniquais et Aimé Césaire ont refusé de recevoir dans un premier temps, soit accueilli en grande pompe par
nos autorités. Cette visite est pour nous une seconde gifle au Mali et son peuple après celle administrée sur le sol français. Cela est hautement inacceptable.
C’est pour tout cela que la visite de Nicolas Sarkozy nous est insupportable. Nous la vivons comme une véritable provocation à notre égard mais nous
la ressentons aussi comme le résultat d’une compromission de notre gouvernement incapable de résister à cette nouvelle offensive anti-immigré et anti-malien.
Nous exigeons des Etats français et maliens :
– l’arrêt immédiat des expulsions ;
– le retour sans condition des expulsés et leur réinsertion conformément au statu quo ante et la réparation des dommages subis ;
– la régularisation de tous les sans papiers ;
– l’abandon de la loi sur l’immigration choisie (CESEDA) de la même façon que celle sur le CPE en France
Nous, AEM, appelons les forces vives de la nation à se mobiliser contre la présence de Sarkozy sur le sol malien les 17 et 18 mai 2006.
Nous appelons à cet effet à une réunion de concertation le lundi 15 mai 2006 à 17 H à la radio Kayira contre la visite de Nicolas Sarkozy au Mali.
Mobilisons nous contre l’arrivée de Nicolas Sarkozy au Mali !!!
Contact : Association des Maliens Expulsési (AME) Diarra Ousmane : 678 21 11 // 912 10 39
ASSOCIATION DES MALIENS EXPULSES ET DU COLLECTIF DE SOUTIEN AUX EXPULSES
Mobilisation contre la visite de Sarkozy au Mali : Bilan et perspectives
Saluons la victoire contre la visite de Sarkozy au Mali !
Bamako le 22 mai 2006,
Le peuple malien a largement répondu dans les faits et dans l’action, à notre appel du 15 mai pour une large coalition de lutte contre la venue de Sarkozy au Mali.
La marche du 17 mai est passée outre les tentatives du pouvoir ATT de l’interdire et a drainé dans les rues de Bamako plus de 200 manifestants derrière les banderoles et slogans de l’AME et du Collectif ainsi que les banderoles et pancartes confectionnées spontanément par les jeunes.
On pouvait lire et entendre tout au long de la marche : SARKOZY DEHORS ! NON A LOI « IMMIGRATION CHOISIE » ! NON AU RACISME ! L’ETAT FRANCAIS
VIOLE LES DROITS HUMAINS ! L’ETAT MALIEN ET ATT COMPLICES ! DES PAPIERS POUR TOUS ! LIBERTE DE CIRCULATION ET DE SEJOUR POUR TOUS !
Ou encore : « SARKOZY DEGUERPIS, IMMIGRATION CHOISIE » et enfin : « SARKOZY, UN IMMIGRE QUI S’INSURGE CONTRE LES IMMIGRES » !
L’AME et le Collectif saluent le ralliement à la marche d’un représentant de l’UNTM, et de la seconde centrale syndicale du pays, la CSTM, et celui de l’AMDH (l’Association malienne des droits de l’homme).
La CSTM et l’AMDH ont toutes deux rendu publique une déclaration contre la visite et qui appelait à la marche.
L’AME et son collectif saluent ensuite l’initiative du CNJ (Conseil National des Jeunes), du Regroupement des Refoulés et du FORAM (Forum pour un autre Mali) qui ont riposté, par des déclarations, et le 18 mai au matin, par un sit-in devant le Consulat général de France et contribué significativement à la lutte contre « l’immigration choisie ».
Une conférence de provocation était programmée le 18 en grande pompe à l’Hotel de l’Amitié de Bamako par Sarkozy sur le thème :
“Le Partenariat entre la France et l’Afrique, Quel avenir ?« . Elle a constitué un échec supplémentaire. En effet deux tentatives frauduleuses majeures de SARKOZY ont été mises en déroute à cette occasion. C’est d’abord la tentative d’accréditer l’idée que »l’immigration choisie« devait être choisie par le France et le Mali et l’Afrique. Or la simple logique ne veut-elle pas que la discussion que prétendait vouloir SARKOZY devait être préalable à l’adoption de la loi ? La preuve a été faite du mépris absolu de SARKOZY et de la France qui veulent en fait »raser la tête« des maliens et des africains »sans eux" !
En second lieu SARKOZY a cyniquement prétendu que « le pire ennemi pour le malien régulier en France est le malien sans papiers qui crée les conditions de l’amalgame ».
Mais l’actualité elle même et les journalistes se sont chargés de rétablir la vérité : ce sont les « lois racistes » du genre de « l’immigration choisie » qui fabriquent les clandestins et transforment les réguliers en irréguliers pour mieux les expulser.
La preuve concrète de cela était fournie par le cas de Mme Mariam SYLLA (expulsée de France le jour de l’arrivée de SARKOZY au Mali) avec deux enfants pourtant de la nationalité française. Il est clairement apparu que le pire ennemi du malien et de l’africain ce sont les quotas arbitraires et ordres d’expulsion directs de SARKOZY et ses lois racistes qui attaquent le droit à toute vie familiale normale !
La marchandise raciste de « l’immigration choisie » s’est finalement révélée le contraire de toute idée de partenariat entre la France et l’Afrique quand SARKOZY a jeté son masque « d’ami » du Mali et a montré son vrai visage de « chauvin » imbu de sa supériorité. Il a déclaré : « La France, n’a économiquement pas besoin de l’Afrique » ! Et il a ajouté :
« Si c’est ce que l’on croit en Afrique, on doit s’attendre à des désillusions ! " SARKOZY a manifestement fait fiasco et est reparti en ayant donné aux maliens l’image d’un homme hautain et arrogant cachant à peine son mépris pour les africains.
L’AME et le collectif dénoncent avec la dernière énergie les manœuvres dilatoires et répressives du gouvernement ATT et Issoufi Maîga :
– D’un côté ce sont leurs proclamations hypocrites de « compréhension » et de « respect » de la « colère » et des « préoccupations » des maliens,
– De l’autre les tentatives effrénées d’interdiction de la marche du 17 en manipulant l’adjoint au maire de la Commune III pour déclarer la marche « non autorisée » alors que la loi exige sa simple déclaration. Puis le blocage forcé de la même marche au niveau du ministère de la Communication pour empêcher l’accès à l’Ambassade de France.
– Et pourtant le lendemain d’autres étaient autorisés par le même pouvoir à tenir un sit-in devant la même ambassade !
– Plus grave encore, l’interdiction et la répression de notre SIT-IN du 18 mai devant l’Hotel de l’Amitié de Bamako. Nos pancartes ont arbitrairement été confisquées et déchirées par les forces de l’ordre ! aux ordres du pouvoir.
– Ces agissements loin de relever de simples « excès de zèle » ou « bavures » constituent un parti pris conscient et délibéré pour nous diaboliser. Elles font suite aux agressions répétées de journalistes (Dragon de Radio Klédu, Moriba Dabo de l’« Observateur » et Daba Balla Keita « Nouvel Horizon »), au déni de justice qui exproprie les paysans à l’Office du Niger et maintient en prison les 9 ouvriers de Morila arbitrairement détenus à Bougouni et attestent de la nature foncièrement répressive d’un régime prêt à toutes les violations et manipulation de la loi pour s’imposer.
L’AME et le Collectif regrettent enfin la défection des 21 députés du CODEKA. Ces honorables députés ont par leur déclaration retentissante du 15 mai 2006 incomparablement contribué à populariser la lutte contre le voyage de Sarkozy et même à l’initiative salutaire de la marche. Mais ils ont fini sous la pression du gouvernement et de l’Ambassade de France à renoncer à y participer.
L’AME et le Collectif conscient de toutes ces répressions, partis pris et défections appelle toutes les organisations et groupes qui se sont dignement manifestés à l’occasion du voyage de SARKOZY à se donner la main et à prendre en charge la réalisation de la tâche de salut publique qui nous attend : dépasser le sectarisme et les vaines préoccupations hégémoniques et constituer un véritable front uni de la lutte pour la liberté complète, notamment contre « l’immigration choisie » et les expulsions au Mali.