Votre association a été exclue du Bella Center, où se déroulent les négociations...
Sébastien Godinot – Il y avait des problèmes lundi, où malgré neuf heures d’attente dans le froid, je n’avais pas pu retirer mon accréditation, accordée de longue date à notre association, qui fait partie des membres consultatifs du conseil économique et social de l’ONU. Hier, d’autres membres des Amis de la Terre n’ont pas pu rentrer, et aujourd’hui, l’ensemble de notre délégation s’est fait virer, avec des raisons confuses et contradictoires : trop de monde, des questions de sécurité incendie, nos badges qui ne seraient plus valables. Mais officieusement, il semblerait que la cause soit nos petites actions symboliques des deux derniers jours : cela consistait à porter des ponchos bleus de notre marche de samedi, à taper dans les mains en demandant que l’Union européenne réduise de 40 % ses émissions d’ici à 2020, comme recommandé par les scientifiques des Nations unies...
En réaction, on a organisé un sit-in et lancé une pétition, et on essaie de négocier. La Via Campesina, qui représente 60 millions de paysans, s’est elle aussi fait sortir... Notre sentiment est que les Nations unies sont en train de verrouiller le sommet officiel, et de foutre les ONG dehors.
Qu’est-ce qui vous fait penser que les ONG ne sont plus vraiment bienvenues ?
Nous sommes sans doute parmi les premiers touchés parce que notre mouvement ne demande pas des modifications à la marge, mais un véritable changement de modèle dans les pays riches, pour laisser le droit aux pays du Sud de se développer. Mais par ailleurs, les Nations unies sont en train de réduire drastiquement les accréditations qu’elles accordent aux ONG, ce qui ne s’était jamais produit dans les quatorze précédents sommets sur le climat. 80 % ont déjà été supprimées mardi, la réduction sera encore plus forte demain jeudi, et vendredi, pour la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement, il n’y en aura plus que 90 représentées au Bella Center, contre 22 000 au début. Pourquoi font-elles autant les frais des réductions d’effectifs qu’on nous dit nécessaires ? Si ce sont les chefs d’Etat qui décident, les délégations de chaque pays n’auront plus à être aussi nombreuses, or elles ne semblent pas devoir être touchées.
Pourquoi la présence des ONG est-elle si importante ?
L’expérience montre que la pression des ONG à l’intérieur des négociations réduit le risque d’avoir des accords insuffisamment ambitieux. Nous ne sommes pas des lobbies défendant une industrie, nous travaillons pour l’intérêt général, et relayons la parole de citoyens qui s’estiment parfois mal représentés par leurs gouvernements. Il faut être là où ça se discute, se tenir au courant, faire pression, garantir la transparence et passer des messages aux représentants des Etats. La présence des ONG, c’est ce qui fait la différence entre les négociations à l’ONU et celles à l’OMC.
Et puis, les ONG demandent aux pays riches d’assumer leurs responsabilités, en réduisant radicalement leurs émissions et en remboursant leur dette écologique, avec un transfert massif d’argent public. Elles soutiennent les pays pauvres pour ne pas qu’ils se fassent avoir. Or ceux-ci n’ont pas été invités à certaines réunions du sommet de Copenhague. Le principe « un pays égale une voix » n’a pas été respecté. Que les pays pauvres et les ONG ne puissent pas s’exprimer démocratiquement constitue une violation flagrante des principes des Nations unies.
Propos recueillis par Claire Ané