Le Congrès hondurien n’a pas réinstallé Manuel Zelaya à son poste, le prétendu « gouvernement d’union nationale » est composé de partisans du putsch. Les élections du 29 novembre se tiendront donc sous la houlette du régime actuel, les USA ont par avance annoncé qu’ils en reconnaîtraient les résultats. L’Organisation des Etats américains et l’Union européenne n’enverront pas d’observateurs pour le 29 novembre.
Les Etats-Unis et l’Europe complices
Le 7 novembre, Rasel Tomé (conseiller du président Zelaya) a déclaré l’accord du 4 novembre « lettre morte ». Pour sa part, Manuel Zelaya n’a pas mâché ses mots : « Les putschistes se moquent de la société hondurienne depuis le 28 juin. Maintenant, ils se moquent de la communauté internationale : je suis renversé depuis 4 mois. Il faut en finir avec le coup d’Etat qui a rompu l’ordre constitutionnel. Or, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a tout simplement obtenu le renforcement du régime de facto, voilà la leçon de ces derniers jours. La communauté internationale et les USA se sont révélés inoffensifs pour la dictature actuelle » (Neues Deutschland, 12 nov. 2009).
Le Front national de résistance au coup d’Etat appelle au boycott des élections : « Des élections sous un régime de facto qui réprime et bafoue les droits humains et politiques des citoyen·ne·s ne serviront qu’à valider (nationalement et internationalement) la dictature de l’oligarchie, pour garantir la continuité d’un système qui marginalise et exploite les secteurs populaires afin de garantir les privilèges d’une minorité » (sauf autre indication, citations extraites de www.rebelion.org).
Résistance et boycott
Bertha Caceres, dirigeante du Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) a déclaré au journal El Clarin de Chile (11 nov. 2009) : « Le Tribunal suprême électoral organise une délégation d’observateurs internationaux, avec des sénateurs républicains US favorables au coup d’Etat. Le peuple est indigné du fait que les militaires assassins et tortionnaires ’ surveillent ’ la démocratie et les élections. Nous ne participerons pas à une farce légitimant le putsch et, le 20 janvier 2010, un gouvernement continuant le régime actuel ». Le syndicaliste Carlos Humberto Reyes (« Candidature indépendante populaire ») s’est donc retiré du scrutin.
Des témoignages recueillis par le COPINH attestent que le patronat pratique le chantage à l’emploi pour contraindre les travailleurs-euses à voter le 29 novembre. « Nous continuons les actions, les mobilisations et les activités dans tout le pays. (…) Le contexte électoral est clair : société militarisée, monopole médiatique en faveur des candidat·e·s putschistes, participation de secteurs religieux fondamentalistes à la supervision des élections, impunité pour les violeurs des droits humains, implication du Tribunal suprême électoral dans le coup d’Etat et dans une fraude électorale que nous dénonçons » (Bertha Caceres).
En appui à la résistance populaire hondurienne, solidaritéS soutient et participera à la manifestation nationale organisée le samedi 21 novembre (13 h 30, Hirschengraben, Berne).
Première exigence : la non-reconnaissance des élections du 29 novembre par le gouvernement suisse (dont le courage politique n’est pas la première vertu…).
Hans-Peter Renk
L’alliance du sabre et du goupillon
Parmi les « pouvoirs de fait », figure au premier rang, en Amérique latine (Honduras compris), la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine.
Porte-parole de la conférence épiscopale hondurienne, et par ailleurs candidat malheureux à la succession du pape Karol Wojtyla, le cardinal-archevêque de Tegucigalpa – Oscar Andrés Rodriguez Maradiaga – s’est prononcé au nom de ses collègues (sauf l’évêque de Santa Rosa de Copán, Luis Alfonso Santos) en faveur du coup d’Etat du 28 juin. Pour sa peine, et pour premier châtiment, il a récolté un tag vengeur sur le mur de l’archevêché : « Cardenal golpista »…
L’Eglise catholique hondurienne est fortement infiltrée par l’Opus Dei (remplaçant des Jésuites comme bras idéologique de la papauté). Quels sont les griefs de ce petit monde confit en dévotion contre Manuel Zelaya ? « Le veto présidentiel à la prohibition de la pilule du lendemain », votée par le Parlement, « l’impulsion donnée à une égalité des genres et à des programmes d’éducation sexuelle dans un pays où des milliers d’adolescent·e·s et d’enfants sont violés et abusés quotidiennement. A noter au passage que dans un pays muselé, où le poids de l’opinion publique en est à ses prémisses, on ne parle pas de pédophilie et rarement de viol » (Golias Hebdo, nº 103, 22/28 octobre 2009).
Cerise sur cet indigeste gâteau : le cardinal putschiste aurait dû être fait docteur honoris causa de l’Institut catholique de Paris, le 24 novembre. En compagnie d’un autre humaniste chevronné : l’ultra-libéral Michel Camdessus, ex-PDG du FMI. La laudatio du cardinal aurait dû être prononcée par le vice-président de la Conférence épiscopale française, celle de Camdessus par le président de la Banque centrale européenne (Jean-Claude Trichet). Mais « un boulon est tombé dans le yaourt » (adage hongrois) : le gouvernement de facto hondurien n’étant pas reconnu par l’Union européenne, ses dignitaires (et ses thuriféraires) sont interdits d’entrée dans l’UE.
Doctorat « honoris causa » ? Il eût mieux valu parler dans ce cas de doctorat « horroris causa »…
– HPR