Depuis la crise de la dette de 1982, les pays du Sud sont périodiquement
secoués par des « émeutes FMI », ou émeutes de la faim, lorsque le FMI
exige brutalement la suppression des subventions aux produits de première
nécessité. Le CADTM a toujours dénoncé ces mesures néolibérales qui
frappent les plus démunis et qui sont appliquées souvent docilement par
les gouvernements du Sud. Les peuples se révoltent alors contre le
doublement en une nuit du prix du pain, du riz ou de l’essence. Les
exemples sont légions, sur tous les continents. Avec l’explosion du cours
des matières premières au premier semestre 2008, près d’une trentaine de
pays du Sud a connu de telles émeutes…
Au Nord, avec la crise systémique qui secoue la planète, les effets
d’annonce ne suffisent plus à atténuer la contestation, comme ce fut le
cas en Grèce à la fin 2008.
Depuis le 20 janvier, la Guadeloupe, colonie française départementalisée
des Caraïbes, est paralysée par une grève générale pour protester contre
la cherté de la vie. Le collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP, Ensemble
contre l’exploitation, en créole) s’est constitué et a établi une
plate-forme de revendications dont le rehaussement de 200 euros des plus
bas salaires est la revendication phare.
Alors que le chômage frôle les 24%, quatre familles béké (descendants de
colons blancs esclavagistes) s’accaparent les richesses de
l’import-distribution [1]. En effet, afin de se procurer ses ressources
naturelles (banane et canne à sucre) au moindre coût, la France a imposé à
la Guadeloupe de tourner son agriculture vers l’exportation au détriment
des cultures vivrières. Cela a accentué la dépendance aux produits
importés, dont les prix élevés accentuent la richesse des sociétés
importatrices et appauvrissent la population. Autrement dit, les
structures coloniales du pouvoir persistent aujourd’hui.
Face à ce mouvement social d’envergure historique, les autorités
françaises n’ont à ce jour répondu que par des négociations tronquées et
l’envoi de gardes mobiles afin de mater la rébellion. Déjà en 1952 et
1967, l’Etat français au comportement colonial avait préféré réprimer
plutôt que négocier [2].
Le lundi 16 février, le conflit s’est durci avec l’établissement de
barrages routiers. Dans le même temps, des témoignages rapportent que la
police aurait procédé à des arrestations et à des passages à tabac de
syndicalistes et de militants engagés. Plus grave encore, Jacques Bino,
militant du LKP et de la CGTG, est décédé par balle dans la nuit du mardi
17 février [3].
La Martinique a rejoint le mouvement par une grève générale dès le 5
février : le « collectif du 5-Février » alors constitué réclame lui aussi,
entre autre, une hausse des plus bas salaires. La Réunion prévoit une
grève générale le 5 mars pour les mêmes motifs et la Guyane serait prête à
emboiter le pas…
Pour le CADTM, la solidarité des citoyens et des mouvements sociaux de
métropole qui luttent pour une juste répartition des richesses à l’échelle
mondiale est plus qu’indispensable. Elle doit se transformer en vaste
mouvement populaire destiné à mettre à bas la logique néolibérale
mortifère pour la remplacer par une logique radicalement autre, basée sur
la garantie des droits humains fondamentaux.
Le CADTM dénonce également l’irresponsabilité et le mépris du gouvernement
français et du patronat et se porte pleinement solidaire de la lutte
puissante et déterminée des Guadeloupéens et des Martiniquais.