Une seule liste en 2009 ? Yes, we can !
Plaidoyer pour une seule liste de gauche aux élections de 2009
Nadine Rosa-Rosso
Le dernier trimestre 2008 a connu quatre événements majeurs qui ont changé
la donne dans le monde : la crise financière, l’élection de Barak Obama,
l’agression israélienne contre Gaza et la révolte de la jeunesse grecque.
Les élections européennes se tiendront au même moment dans les 27 pays de
l’Union européenne. Elles constitueront un test politique important : dans
quelle direction ces changements majeurs pousseront-ils la masse des électeurs ?
Les organisations et partis qui se réclament de la gauche, les militants
syndicaux et associatifs, les mouvements citoyens, les associations pour le
respect des droits humains, pour le soutien à la résistance des peuples du
tiers-monde, les défenseurs de l’environnement : bref, chacune et chacun
d’entre nous qui luttons pour un monde plus juste portent sa part de
responsabilité dans la réponse à cette question.
La crise financière a, pour la première fois depuis la chute du Mur de
Berlin en 1989, porté un fameux coup à la toute-puissance du capitalisme. Tous
les partis ont été obligés de le concéder, avec plus ou moins de conviction :
ce système ne garantit aucunement la sécurité économique et sociale des gens
du peuple.
L’élection de Barak Obama a avant tout représenté une grande mobilisation
populaire pour mettre fin à la discrimination raciste, au mépris des
travailleurs (en particulier les travailleurs pauvres, les sans-emplois, les
sans-abri), aux orientations guerrières de l’administration Bush et à
l’isolement du peuple américain dans le monde.
L’agression israélienne contre le peuple de Gaza et sa résistance a
bouleversé l’opinion publique dans le monde entier. Elle a préparé de larges
franges de l’opinion publique à soutenir davantage la lutte anticoloniale et
anti-impérialiste des peuples du Tiers Monde. Le renvoi par Chavez de
l’ambassadeur israélien a ouvert la voie à une large alliance contre les
agressions militaires de type colonial.
La révolte de la jeunesse grecque est un cri qui nous est adressé. Elle
permet de mieux comprendre le sens des autres révoltes de jeunes, en France,
en Grande-Bretagne ou ailleurs. Elle inquiète profondément l’establishment
politique. Le chef du Fonds Monétaire International, Dominique Strauss-Kahn,
craint d’autres explosions violentes contre les effets de la crise économique.
Il y aura des élections en juin 2009 dans notre pays au niveau européen et
régional. Ensuite, sauf nouveau coup de théâtre, il n’y en aura plus jusqu’en
mai 2011 et en octobre 2012.
La gauche a, maintenant, une chance à saisir à pleines mains : s’unifier
pour présenter aux électeurs un programme porteur d’espoir, un programme de
changement radical de cap, tant sur le plan européen que sur le plan régional.
Sur le plan européen, il est possible de faire entendre une seule voix qui
propose à l’Europe de s’émanciper de la tutelle et du modèle américains.
L’Union européenne peut faire entendre une autre voix dans le monde. Elle peut
nouer des relations de coexistence pacifique, de coopération et de respects
mutuels tant avec les puissances économiques montantes (Chine, Russie, Brésil,
Inde). Elle peut soutenir les nations et les peuples du tiers monde engagés
dans la voie de l’indépendance, en particulier en Amérique Latine, dans le
combat contre l’agression, en particulier au Moyen-Orient, en Irak et en
Afghanistan, ou tout simplement pour la survie, comme en Afrique.
Il est possible de cesser de suivre le modèle américain sur le plan interne
: dérégulations, privatisations, paupérisation et incarcérations massives. Une
spirale de pauvreté et de violence qui ne bénéficie qu’à une poignée de
super-riches.
La question de la répartition juste des richesses, tant au niveau de la
planète qu’au sein de l’Union européenne et de chaque pays, doit être la
question centrale. Le monde doit cesser d’être criminellement injuste.
Il est parfaitement possible d’unir beaucoup de monde sur une telle
orientation : c’est tout simplement la voie de la raison.
Il est parfaitement possible de remettre l’espoir au centre de la dynamique
politique et sociale. Il suffit de mettre de côté, non pas la diversité
politique, mais les vieilles rancœurs, politiques ou personnelles. Il suffit
de reconnaître la force des idéaux communs qui nous animent. Il suffit de le
vouloir.
Ma proposition est simple : composons une seule liste électorale qui
préfigure le type de démocratie que nous voulons. Une gauche pluraliste qui
reconnaît la nécessité du débat sur les voies à suivre pour atteindre notre
idéal commun. Une gauche où le leadership des uns ou des autres ne s’affirme
pas, mais se construit dans le travail en commun.
Une gauche qui accorde la priorité aux acteurs de terrain réellement engagés
depuis longtemps dans une multitude de résistances qui ne demandent qu’à se
rejoindre.
Il faudra décider vite. Il doit être possible dans ce pays d’accorder la
première place des deux collèges électoraux pour l’Europe, à une personnalité
« au-dessus de la mêlée ». Je pense à quelqu’un comme Roberto D’Orazio, dont
la liste Debout a déjà recueilli un réel succès en 1999. Cette liste avait
permis à tous les partis et organisations de gauche de présenter un candidat,
garantissant le pluralisme de l’initiative.
Sur le plan régional, notre pays est caractérisé par un foisonnement
d’associations en tout genre. De nombreuses personne de bonne volonté y
luttent sans relâche pour un monde meilleur. Trouver parmi elles une tête de
liste qui s’engagera à rassembler les résistances et à leur donner la parole
ne sera pas difficile.
Cet appel s’adresse à toutes les formations politiques de gauche qui ne sont
aujourd’hui représentées ni au niveau européen ni au niveau régional. Il
s’adresse aussi aux forces de gauches au sein des partis présents dans les
assemblées élues. Il s’adresse surtout qu’à toutes celles et ceux qui aspirent
au changement.
Yes, we can ?
Nadine Rosa-Rosso
« Tous unis pour une Europe indépendante des USA » ? Sorry, I can’t !
Daniel Tanuro
Autant le texte récent de Nadine Rosa Rosso sur la solidarité
Palestine est intéressant et utile, autant je suis déçu et en profond
désaccord avec le document qu’elle diffuse sur la toile et qui s’intitule
« plaidoyer pour une seule liste de gauche aux élections en 2009 ? Yes we can ! ».
Pour faire court, je ne pense pas, contrairement à Nadine, que le problème de
l’Union européenne (UE) vienne de sa soumission aux Etats-Unis. Le problème de l’UE vient du fait
qu’elle est une structure fondamentalement semi-despotique, taillée sur
mesure pour défendre les intérêts des multinationales européennes.
Je suis surpris de constater à quel point Nadine sous-estime l’impérialisme
européen dans sa rivalité avec les Etats-Unis. Certes, les USA gardent une
supériorité militaire écrasante, et c’est très important. Mais l’UE est la
principale puissance industrielle du monde dans la plupart des secteurs
décisifs, et ce n’est pas un détail.
On peut donner quantité d’exemples montrant que la vision d’une Europe
vassale de Washington ne tient vraiment pas la route. Ce n’est pas pour plaire
aux Américains que l’UE soutient Airbus contre Boeing, finance son propre
programme spatial contre celui de la NASA, ou développe Galileo (déjà adopté
par la Chine) comme alternative au système étatsunien GPS.
Ce n’est pas non plus sur ordre des yankees que l’UE a pris les rênes
de la négociation climatique, après que Bush ait claqué la porte du Protocole
de Kyoto. Elle l’a fait parce que le capitalisme européen, qui n’a pas de
pétrole, presque pas de gaz et peu de charbon, mise à fond sur les
renouvelables ainsi que sur le juteux marché du carbone, si important pour la
City de Londres. Il y a eu un vrai bras de fer UE-USA sur cette question. Bush
l’a perdu, l’Europe l’a gagné... d’où le tournant actuel d’Obama, qui tente de
rattraper le terrain perdu par son prédécesseur.
Ne nous racontons pas d’histoires : l’UE n’a pas besoin des diktats américains
pour réduire les salaires, attaquer les droits des femmes, démanteler la Sécu,
privatiser les entreprises publiques, adopter la « directive sur le retour »,
imposer ses « accords de partenariat » aux pays du Sud. Elle fait ça très bien
toute seule, parce que c’est dans l’intérêt des patrons européens qui sont ses
maîtres. Elle le fait avec l’aide précieuse de la social- démocratie, qui n’a
vraiment pas besoin non plus d’un « modèle » US pour trahir le monde du travail.
C’est une illusion totale de croire que l’UE pourrait "faire entendre une
autre voix" dans le monde, une voix pacifique, de coopération et de justice
sociale, de redistribution des richesses. Son code génétique – les Traités
européens – le lui interdit. Autant demander à un chien de jouer du violon.
Pour la gauche, s’unir sur la revendication d’une UE indépendante des USA
équivaut donc à s’engager sur une pente fort dangereuse. Cela mène tout droit
à se prononcer pour le renforcement de l’UE, alors que celle-ci est le
principal instrument du patronat contre les travailleurs d’Europe. De plus, si
la gauche devait mettre le pied sur ce terrain, inévitablement, elle serait
amenée à se poser la question du soutien à la défense européenne. Car comment
être « indépendant » sans une armée indépendante et forte ? Or, cette armée sera
au service de l’impérialisme européen.
Pour que l’Europe - je veux dire les peuples d’Europe - fasse entendre une
voix de paix, de coopération et de redistribution des richesses, il ne faut
pas renforcer l’UE mais la combattre, la mettre en crise par la lutte de
masse, abroger SES traités (pas seulement le traité de Lisbonne), casser ses
institutions anti-démocratiques et, in fine, convoquer une assemblée
constituante pour jeter les bases d’une autre Europe. Ce n’est pas facile,
mais il n’y a pas d’autre voie.
Le texte de Nadine Rosa Rosso a l’avantage de soulever un débat politique de
fond. Cela devient de plus en plus rare dans les discussions actuelles au
sujet de l’unité électorale de la « gauche de gauche ». Certains, en effet,
semblent confondre objection programmatique et sectarisme.
Comme beaucoup d’autres, je pense, je suis tout prêt à "mettre de côté les
vieilles rancœurs, personnelles et politiques" pour unir la gauche de gauche
sur une plateforme anticapitaliste, utile aux luttes. Mais je ne suis pas
prêt, au nom de l’unité, à faire campagne pour renforcer l’UE, alors que je
suis convaincu qu’il faut l’affaiblir.
Sorry, I can’t
Bien amicalement
Daniel Tanuro