Canapé rouge et lutte des classes
Moments intenses de vérité et d’émotion à Vivement dimanche, le 11 mai. Il est rare à la télévision, pour des salariés, de pouvoir parler plusieurs minutes sans être interrompus, de leur vie de travailleur, de leurs combats, de leurs revendications, de leurs espoirs. C’est ce qu’ont pu faire Pascale, salariée dans une entreprise de la métallurgie du Nord, et Marie-Odile, ex-salariée de Reynolds, entreprise délocalisée en Tunisie et en Chine, toutes deux syndicalistes ayant eu à faire à la brutalité d’un patronat avide de profits toujours plus importants.
Le choix d’Olivier Besancenot, en acceptant l’invitation de Michel Drucker, était de mettre cette invitation au service des combats que nous menons, des causes que nous défendons et de donner la parole aux acteurs des luttes. La question sociale était présente dans toutes ses dimensions : salaire et pouvoir d’achat, licenciement et délocalisation, droit à la santé menacé par la privatisation de l’hôpital, santé au travail, développement des troubles musculo-squelettiques (TMS), maladie professionnelle non reconnue, comme l’a indiqué le professeur Marcel-Francis Kahn.
Mais aussi RESF et les enfants sans-papiers et leur « Laissez-nous grandir ici » entendu par près de deux millions de téléspectateurs. Christiane Taubira et Jean-Claude Tchicaya ont plaidé, avec beaucoup de force, pour la mise en pratique du devoir de mémoire, sans exclusive, particulièrement important dans un pays au lourd passé colonial.
Un beau dimanche au service des luttes !
Rouge (Au jour le jour)
Besancenot dans la presse
C’est bien connu, le sujet préféré des médias est les médias eux-mêmes. Avant même publication ou diffusion, un article ou une émission deviennent un « événement ». Une dépêche d’agence et la course commence : « confidentiel », « indiscrétions », « en hausse ou en baisse », etc. Puis, des articles plus longs – voire des « unes » – s’étalent, assurant à peu de frais la promotion de « l’événement » et l’autopromotion de ceux qui le « traitent ». Journalistes et commentateurs se citent, et se commentent jusqu’à plus soif.
Dans ce monde un peu fou et assez peu inventif, il n’est donc pas très étonnant que le passage d’Olivier Besancenot à l’émission Vivement dimanche ait suscité de nombreux articles. Même s’il était difficile de s’attendre à un tel déferlement… Revue de détail, non exhaustive : « Enquête sur le mystère Besancenot » (Le Nouvel Observateur), « Rouge, la couleur du canapé » (Libération), « La messe ou la Ligue ? » (Libération), « La révolution, toujours » (Le JDD), « Besancenot, le facteur people » (L’Express), « Trotsky chez Drucker » (la chronique d’Alain Duhamel dans Libération, encore), « Besancenot, tête de gondole » (France-Soir), « Le facteur Besancenot » (Libération, toujours, en « une », le lendemain de l’émission), « Tapis rouge pour Besancenot » (Le Figaro)…
On en passe et des pires comme, là encore dans France-Soir, ce sous-titre qui fleure bon le mépris de classe (et de genre) : « La LCR expliquée à la ménagère. » Les titres des articles, accrocheurs ou sarcastiques, sont d’ailleurs révélateurs d’un certain paradoxe : comment attaquer la pipolisation lorsque l’on en est l’artisan ?
Naturellement, dans ces articles, parfois assez longs, il est difficile d’éviter complètement de parler de politique. Mais la question revient, lancinante : une telle émission, est-ce bien la place d’Olivier ? Le déroulement et le contenu de l’émission y ont répondu. Comme l’a noté Libération, le lendemain : « Au final, l’ancien candidat aux présidentielles de 2002 et de 2007, aura peut-être réussi à éviter l’écueil de la pipolisation. » Et puis, comme l’écrit l’Express : « Au cœur des piquets de grève, il n’a pas de mal à trouver ses mots. » C’est peut-être ça, le fameux mystère…
François Duval (La gazette des gazettes)