Comment faire pression sur la junte birmane ? La France, Nicolas Sarkozy l’a dit mercredi dernier, veut que Total gèle ses investissements. Mais Paris pourrait aussi demander le gel des importations de teck birman. C’est le sens de l’appel au boycott d’associations comme Info Birmanie, la Fédération internationale des droits de l’homme ou les Amis de la Terre. « Le commerce de teck est entièrement aux mains de la junte, dénonce le texte. Acheter du teck de Birmanie, c’est acheter des armes pour opprimer davantage le peuple birman. »
« Révision ». Sur ce sujet, la France, premier importateur européen de bois tropical, est plus que discrète. Paris aurait même ferraillé dans l’ombre, fin avril à Luxembourg, pour que l’Union européenne ne durcisse pas sa position face à la junte. « Les Pays-Bas voulaient un renforcement des sanctions, notamment sur le bois, affirme Gwenael Wasse, des Amis de la Terre . Mais le Quai d’Orsay, bien qu’il s’en défende, s’y est alors opposé, avec les intérêts de Total en arrière-plan. » Loin de la résolution de décembre 2006 du Parlement européen sur le sujet, qui appelait les Etats membres à « une sérieuse révision » de ses relations avec la Birmanie.
« Le boycott peut marcher, estime Yannick Jadot, le directeur des campagnes de Greenpeace. On l’a vu avec le bois tropical du Liberia en 2003. A l’époque, Paris et Pékin bloquaient une résolution au Conseil de sécurité, à l’ONU. Mais juste avant le G8 d’Evian, Jacques Chirac s’est finalement rallié à nos demandes, contre l’avis de Bercy. Le texte est passé, et le régime de Monrovia est tombé. »
Trafic. L’exploitation du teck birman a un impact environnemental et social désastreux. Le trafic du bois constituerait la deuxième rentrée de devises, avec 430 millions de dollars en 2005, juste derrière le pétrole et le gaz. Avec 80 % des réserves mondiales de teck, la Birmanie en est le principal producteur et exportateur. Pour donner une idée de l’intensité du trafic, l’ONG britannique Global Witness indiquait en 2005 : « En moyenne, un camion chargé de 15 tonnes de bois exploité illégalement en Birmanie passe un poste de contrôle officiel chinois toutes les sept minutes, chaque jour, trois cent soixante-cinq jours par an. » Global Witness estime qu’à ce rythme les forêts primaires de Birmanie auront disparu d’ici à 2020.
Rechigne. En France, « où 40 % des bois tropicaux importés sont d’origine illégale », rappelait en mai le WWF, les importateurs de teck birman passent, comme c’est le cas pour le pétrole, par le biais d’une entreprise d’Etat, Myanmar Timber Enterprise. Mais en France la fédération des importateurs (le commerce du bois) rechigne à s’engager. « Seules les enseignes Leroy Merlin, Point P et bientôt Saint Maclou se sont engagées à arrêter les approvisionnements douteux », note Gwenael Wasse.
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