Nouvelles technologies et intelligence artificielle
Le texte du Cahier soulève une question essentielle : « Qu’est-ce qu’une réponse de gauche face à toutes les transformations sociales ? La réponse est moins claire qu’il n’y paraît. » Malheureusement, la mise en contexte est si peu développée que cela n’éclaire pas vraiment la nature des débats qui sont devant nous.
Proposition 7. Nouvelles technologies et intelligence artificielle
L’économie numérique occupe une part non négligeable dans les émissions mondiales de GES et la consommation énergétique du numérique dans le monde augmente d’environ 8,5% par an. [1]. La production de téléphones intelligents, de centres de données, de cryptomonnaies, d’une profusion d’objets connectés consomme de grandes quantités d’électricité. L’impact de l’économie numérique sur l’environnement et le réchauffement climatique ne serait donc être ignoré, d’autant qu’elle donne lieu à un nouvel extractivisme. Si on laisse le contrôle de l’économie numérique à une poignée d’entreprises high-tech, comme les GAFAM qui excellent à planifier l’obsolescence de leurs produits, ces entreprises vont contribuer à l’approfondissement de la crise climatique. Et cela avec l’appui des gouvernements qui subventionnent grassement les entreprises de ce secteur.
Pour contrer de tels développements, il faut une planification. Nous ajoutons aux propositions du Cahier, les propositions suivantes : .
- Cesser de soutenir par l’argent public des investisseurs privés dans le cadre de la concurrence visant à produire plus, à vendre plus et gaspiller plus de produits relevant de l’économie numérique.
- Soumettre les choix fondamentaux en l’économie numérique aux choix démocratiques et au contrôle public en développant des outils de planification démocratiques favorisant des investissements ciblés visant à répondre aux besoins sociaux fondamentaux.
Les propositions ne définissent pas un positionnement par rapport à l’intelligence artificielle. Si cette dernière peut répondre à des besoins dans un secteur de l’économie et des services (comme en santé et en éducation), son développement porte une série de dangers d’autant plus qu’il repose actuellement, pour une grande part, dans les mains d’entreprises multinationales privées qui visent essentiellement à en faire une source de profit. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutterez publiait récemment une mise en garde contre les risques de l’intelligence artificielle (IA) pour la paix et la sécurité mondiales. Cet appel succédait à plusieurs mises en garde concernant les risques liés aux utilisations de l’intelligence artificielle : accélérer la propagation de la désinformation par la multiplication de textes générés automatiquement, permettre la diffusion d’algorithmes de recommandations pouvant perturber les processus de consultation publique et les opinions dans l’électorat, favoriser l’autonomisation du lobbying des entreprises à même de biaiser les lois et les règlements en faveur de certains intérêts particuliers [2] Et cela n’est pas une problématique secondaire. Dans le cadre de La stratégie québécoise en intelligence artificielle, le gouvernement du Québec a investi 1,17 milliard de dollars dans divers projets d’IA, mais la quasi-totalité des projets financés ces cinq dernières années s’est soldée en prises de contrôle par des entreprises de l’extérieur du Québec.
Un développement éthique de l’intelligence artificielle est un enjeu de société. Nous proposons donc d’ajouter les propositions suivantes ;
- refuser d’en faire un vecteur de croissance de marchandises par la généralisation des objets connectés, source de gaspillage inutile tant en termes d’énergie que de ressources naturelles.
- Veiller à la protection de la vie privée, tout particulièrement à la maîtrise de données personnelles et le refus du commerce de ces données
- utiliser l’intelligence artificielle que lorsqu’elle apporte une amélioration aux conditions d’existence des personnes et des collectivités
- éviter que l’IA permettent le contrôle étroit des travailleuses et des travailleurs ou permettre une influence indue dans les débats publics.(Daniel Andler, Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme, Gallimard 2023)
Et cela ne sera possible que par un contrôle public du développement de l’Intelligence Artificielle, contrôle qui ne peut être laissé aux entreprises privées du secteur comme le faisait le projet de loi c-27 en juin 2022.
La défense et la promotion de la culture québécoise passent par la lutte pour l’indépendance du Québec
« Toute l’idée de promotion de la culture québécoise est ici combinée à une critique de l’omniprésence des géants numériques, de la particularité francophone de notre société et de la vulnérabilité de notre système médiatique. Ces constats débouchent sur la question suivante : quels sont les gestes politiques structurants qui garantiront que notre culture commune fleurisse encore plus, demeurent accessibles à tous et mettent réellement au pas des géants du web ? » [3]
Proposition 8. La défense et la promotion de la culture québécoise
Évoquer l’affirmation de « la souveraineté culturelle et numérique du Québec dans le domaine de la culture québécoise » sans parler de la nécessaire indépendance du Québec, c’est passer à côté de l’essentiel dans la défense de la culture et de la langue française. La nécessité de redéfinir les fondements de la lutte pour l’indépendance n‘est d’ailleurs nullement soulevée dans les propositions avancées par le Cahier.
À un premier niveau, il faut réaffirmer :
- la défense du Québec , de sa culture et de la langue française passera par la lutte pour l’indépendance du Québec. Un large débat sur l’indépendance doit être ouvert.
- la lutte pour l’indépendance passe par la constitue un bloc national autour des axes suivants :
-
- La construction d’un bloc national populaire regroupant la majorité populaire d’une société plurinationale et pluriculturelle
- La mise en œuvre d’une véritable démarche de souveraineté populaire
- l’affrontement avec l’État canadien et des alliances avec les secteurs populaires et les peuples autochtones du Canada anglais
- L’inscription de l’indépendance dans une démarche cosmopolitique [4]
À un deuxième niveau : la vitalité des médias québécois et la garantie de l’accès à une information fiable et de qualité dans toutes les régions du Québec ne pourra se réaliser sans remettre en question la concentration de la presse et le contrôle de l’ensemble des médias sociaux par les GAFAM qui se moquent de toute souveraineté nationale. La concentration des grands médias par les puissances financières a permis à ces dernières d’imposer à la majorité de la population les valeurs et la culture de la classe dominante. C’est pourquoi, nous croyons que la reprise en main citoyenne de l’information passera par :
- Le démantèlement des grands trusts médiatiques
- La mise en place de médias indépendants disposant de moyens de production (presse, télévision, Internet) sur base publique ou coopérative sous le contrôle des journalistes comme producteurs et productrices de l’information
- L’élargissement du financement public des médias associatifs
- La mise en place d’un réseau public des médias sociaux gérés de façon transparente et décentralisée et axes sur le bien commun.
Le Cahier de propositions se situe les discussions à deux niveaux, soit celui « d’une démarche de réflexion globale entourant le programme de Québec solidaire… La situation politique a beaucoup évolué depuis l’adoption de certains volets du programme de notre parti, il y a maintenant plusieurs années, et une réflexion collective s’impose » [5], soit au niveau de pistes de réflexion en direction de la prochaine campagne électorale, soit au niveau de la plate-forme. Si un programme politique peut-être défini comme une compréhension commune des événements et des tâches que se donne un parti politique, les discussions à ce niveau sont essentielles dans la période actuelle de bouleversements rapides et de défis fort complexes . C’est à ce niveau que des débats approfondis menés dans les différentes instances du parti nous semblent essentiels à mener. C’est dans cette perspective que nous avons voulu faire une contribution.
Bernard Rioux Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.
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