La notoriété du Forum social mondial s’est imposée dès sa première édition, en janvier 2001. L’idée était belle : opposer au Forum économique mondial de Davos, rassemblant chefs d’entreprise et d’Etat en Suisse, pays-symbole de la puissance financière du Nord, un forum populaire, réuni simultanément au Sud, à Porto Alegre, cette ville brésilienne dirigée par la gauche du PT et devenue le symbole du budget participatif. Mais de belles idées, il y en a à la pelle. Rares sont celles qui forcent le mur des médias et qui, surtout, deviennent effectivement une référence collective pour des centaines de milliers de personnes, dans un nombre croissant de pays.
Le succès des forums sociaux n’est pas affaire de marketing. Il est politique. Ils ont su opérer une rupture nécessaire avec des modes antérieurs d’action et incarner des aspirations militantes nouvelles, à l’heure des résistances à la mondialisation capitaliste. C’est ce « neuf » qu’il importe de comprendre. L’essai d’analyse qui suit ici s’attache en conséquence à la dynamique d’ensemble dans laquelle les forums sociaux s’inscrivent.
L’organisation des forums soulève évidemment des problèmes politiques particuliers et suscite des débats parfois incisifs. Ils sont abordés dans le rapport sur quatrième FSM, réuni à Mumbai en janvier 2004. La responsabilité des élus et l’intervention de la délégation LCR au Parlement européen font, elles, l’objet de la contribution suivante.
Afin de simplifier l’écriture, nous parlons ici du mouvement altermondialiste pour évoquer le processus de mobilisation en cours. Mais l’utilisation de ce qualificatif, comme de la formule française de mondialisation libérale ou capitaliste, est loin d’être généralisé. Elle cède souvent place aux termes de « mouvement de justice globale », contre la « corporate globalisation » ou la globalisation impérialiste... De même, il n’existe pas un mouvement aux contours bien définis, mais un « mouvement de mouvements » qui englobe un très grand nombre de composantes.
Une vague de fond
La croissance numérique des forums sociaux mondiaux a été rapide : 15.000 participants à Porto Alegre en 2001, puis 50.000 en 2002 et 100.000 en 2003 ; pour atteindre 130.000 à Mumbai (Bombay) en 2004. Mais l’expansion, en quelques années seulement, des mouvements de résistance à la mondialisation libérale, dans leur ensemble, est encore plus extraordinaire —au sens littéral du terme : elle ne relève certainement pas de l’ordinaire.
Nombre. Dès 1999 (Seattle), les manifestants commencent à se compter en dizaines de milliers, avec des initiatives simultanées dans des pays de continents différents. Deux ans plus tard, un saut qualitatif est franchi à l’occasion du contre-G8 de Gênes, en juillet 2001. Les principales manifestations atteignent alors dans une série de villes les cent à cinq cent milles et les manifestants se comptent parfois en millions (jusqu’à quinze millions lors de la journée antiguerre du 15 février 2003). Par-delà les hauts et les bas propres à l’action sociale et politique, le fait est remarquable.
Espace. L’expansion géographique du mouvement altermondialiste l’est tout aussi. Il est né dans quelques pays d’Amérique latine (à commencer par le Brésil) et du sud de l’Europe, soit dans le monde latin. Il n’est certes pas devenu universel et, dans bien des pays, les forums ne sont pas (encore ?) apparu, ou ils n’intègrent qu’un éventail réduit de composantes. Mais il a pris une dimension véritablement continentale dans les Amériques et en Europe (avec, par exemple, l’entrée en force de l’Allemagne dans le mouvement). L’organisation du quatrième forum mondial en Inde lui a permis de sortir monde occidental.
Base. L’expansion internationale du mouvement altermondialiste n’est pas sans rappeler la radicalisation étudiante des années 1960-1970. Mais, dès l’origine, l’actuel « mouvement des mouvements » surgit d’une base sociale beaucoup plus large, où les étudiants ne donnent généralement pas le ton. Cette base sociale s’est élargie au fil des ans, dans plusieurs directions : côté syndicats de salariés aussi bien que côté secteurs précarisés de la population.
A l’époque de Seattle, une part importante des manifestations était composée de jeunes venant souvent de bonnes universités. Cela indiquait la profondeur d’un mouvement qui n’était pas seulement l’expression de la résistance de secteurs victimes de la mondialisation et du néolibéralisme, mais également le signe d’une profonde crise interne au système amenant, comme dans les années 1960è-1970, une partie significative de la jeunesse étudiante à le remettre radicalement en cause. Les mouvements paysans, les mouvements de femmes, l’ensemble du mouvement syndical et la majorité des ONG sont peu ou prou impliqués dans un processus dont les forums sociaux sont les moments de rassemblement les plus larges.
Ainsi, alors que dans les années 1950-1970 la majorité du syndicalisme, puissant sur le plan numérique mais marqué par ses victoires graduelles dans les années d’après guerre, s’opposait à la montée d’un mouvement de contestation qui remettait en cause la « société de consommation », aujourd’hui le mouvement ouvrier, affaibli dans les années 1980, s’intègre à des alliances rendues nécessaires par l’évolution même du capitalisme et participe à ce processus malgré les divergences qui subsistent entre ses différentes composantes.
Thématiques. Le mouvement est né en réaction aux effets sociaux de la mondialisation capitaliste et c’est sur ce champ de résistances qu’il s’est d’abord rassemblé, qu’il a manifesté sa volonté d’alternative. Mais il a montré sa capacité à intégrer de nouvelles questions politiques. Concentrés, dans une première étape, sur la dénonciation globale de la mondialisation, et en particulier des institutions qui la mettaient en œuvre -FMI, Banque mondiale et OMC-, les mouvements se sont aisément élargis aux questions sociales et environnementales qui étaient à la base du rejet de la mondialisation libérale.
Moins évidente était la réaction aux conflits militaires qui se sont multipliés après les attentats du 11 septembre 2001. Mais là aussi, très vite, ils ont su intégrer (non sans quelques débats) la lutte contre la guerre et le militarisme et faire la jonction avec les mouvements pour la paix, héritiers des années 1980 et actifs, dans certains pays, en solidarité avec les Balkans ou la Palestine. Le combat contre le racisme et les oppressions (de genre, de caste...), en défense des précaires, a lui aussi acquis une visibilité de plus en plus grande... L’affirmation des solidarités s’expriment ainsi sur un nombre croissant de terrains.
Solidité. Né dans la bonne humeur, le mouvement n’en a pas moins subi rapidement des épreuves d’autant plus éprouvantes qu’elles étaient souvent fort inattendues : répression violente (Göteborg, Gênes...), tentatives de criminalisation (à la suite des attentats du 11 septembre 2001) ou de cooptation. L’utilisation simultanée du bâton et de la carotte visait bien évidemment à diviser, mais le bon grain raisonnable ne s’est pas séparé de l’ivraie radicale. A chaque étape, la question se posait sur notre capacité à rebondir. Rien n’est éternel mais, jusqu’à ce jour, la dynamique en cours n’a pas été brisée. Le mouvement a même su digérer sa propre croissance, ce qui n’est pourtant pas le plus évident. So far, so good.
Accumulation. Un véritable processus cumulatif s’est engagé dès 1998-1999 : avec la collectivisation des expériences, l’évolution des consciences, l’articulation des initiatives... Au-delà de leurs différences nationales et continentales, les mouvements sont entrés dans une dynamique de renforcements mutuels, l’appartenance à un « mouvement mondial » qui se développe de Seattle à Buenos Aires, de Florence à Porto Alegre, de Berlin à Mumbai, étant vécu comme un atout important dans la constitution d’un rapport de forces, y compris sur le plan national. C’est l’un des traits les plus intéressants du processus en cours, qui marque une rupture particulièrement significative avec la période précédente où les actions se suivaient sans se nourrir les unes les autres.
Radicalisation. Le mouvement altermondialiste s’est tout à la fois élargi et radicalisé, ce qui n’est pas banal ! Il n’est en effet pas fréquent qu’élargissement et radicalisation se marient ainsi dans une même dynamique. Cela s’explique avant tout par l’impact grandissant et destructeur de la mondialisation capitaliste, économique et militaire. Dans une première phase, beaucoup estimaient que le mouvement ne s’attaquait qu’au néolibéralisme. Aujourd’hui, leur ancrage sur les questions sociales au moment même où le capitalisme dévoile, par des scandales, comme celui d’Enron, la réalité de ses logiques, donnent à l’altermondialisme une tonalité anticapitaliste. La critique des multinationales se renforce et la question de la propriété est posée par la défense, face aux marchés, des « biens communs » de l’humanité l’eau, les services publics, etc., ou par le débat sur la propriété intellectuelle qui voit deux logiques antagonistes s’affronter.
Conclusion. Il ne s’agit pas ici de préjuger de l’avenir du mouvement, de sa capacité à surmonter demain, encore, les nouvelles difficultés auxquelles il aura à faire face. Il s’agit plus simplement de tirer un premier constat. Le mouvement altermondialiste a d’évidence des racines profondes. Il reflète l’existence d’une lame de fond, d’un processus de radicalisation international qui n’en est probablement qu’à ses débuts et qui s’exprime aujourd’hui dans le mouvement de résistances et d’alternatives à la mondialisation capitaliste. De même que la première mondialisation du capitalisme, de 1850 à 1880, avait facilité l’internationalisation du mouvement ouvrier émergent, la mondialisation actuelle est à l’origine de mouvements de contestation radicale qui se développent en particulier dans les pays les plus affectés par la mondialisation capitaliste et qui se construisent d’emblée sur le plan international.
Une nouvelle « expérience historique constitutive »
L’engagement « altermondialiste » est aujourd’hui partagé par des centaines de milliers, voire des millions de personnes dans de nombreux pays, sur plusieurs continents. Nous avons, en ce sens, affaire à ce que l’on peut appeler un « mouvement constituant », ou une « expérience historique constitutive » : le cadre d’une expérience politique commune qui façonne la conscience collective d’une nouvelle génération militante.
Cela ne veut pas dire que le « neuf » (l’altermondialisation) remplace le « vieux » (le mouvement ouvrier traditionnel). Le lien entre les deux reste une donnée-clé. Mais cela veut dire que le déploiement du mouvement altermondialiste constitue le socle à partir duquel chacun peut percevoir et penser le neuf, élaborer et agir, construire une intervention à un niveau qualitativement supérieur. Il devient ainsi possible de renouveler la réflexion politique avec une base de référence contemporaine, différente de celle des années 1970, et d’analyser ce qu’il y a d’original dans la vague présente de radicalisation (y compris en ce qui concerne les consciences militantes, les rapports entre le politique et l’éthique, la diversité des situations de l’Europe à l’Asie en passant par l’Amérique latine, etc.).
Cette question est évidemment fort importante pour les partis politiques et leurs élus, en tout cas pour les partis et les élus militants. Durant les années 1980, ils étaient dans une large mesure non pas en panne d’action, mais en « panne d’élaboration », faute d’une expérience collective à partir de laquelle réfléchir. Sur un certain nombre de questions stratégiques qui ont nourri, dans les années 1970, les grandes polémiques entre courants réformistes et radicaux, le déploiement des mouvements altermondialistes permet déjà de renouveler la réflexion sur la base d’une expérience historique nouvelle et concrète : perception des « sujets révolutionnaires », la convergence des terrains de lutte qui peut porter une transformation profonde de la société.... Sur d’autres, ce n’est pas (encore ?) le cas, en particulier sur la question de l’Etat et du pouvoir, où les débats entre courants politiques restent beaucoup plus spéculatifs. Ces questions se situent d’ailleurs en dehors du champ des discussions qui traversent le mouvement altermondialiste lui-même, elles sont occultées par le poids des échecs révolutionnaires du siècle passé et les difficultés à penser, dans un monde ouvert, une rupture avec le capitalisme qui ne soit pas un repli sur le cadre national. Les mouvements de résistances à la mondialisation ne se fondent pas sur de grandes délimitations stratégiques. Ils recherchent, pour l’efficacité de leur fonctionnement, l’agrégation des thématiques portées par les membres du réseau.
Comment qualifier alors la conscience politique forgée, aujourd’hui, dans l’engagement altermondialiste ? La convergence des terrains de lutte a déjà produit une conscience « antisystémique » : Non plus seulement la mise en cause de certaines politiques spécifiques, mais le rejet global d’un système dominant, du présent et de l’avenir inhumain dont il est lourd. Ce système a retrouvé ces dernières années son nom : le capitalisme. Une conscience anticapitaliste s’est donc reconstituée à une large échelle, sans être pour autant « révolutionnaire » au sens du moins que ce terme avait dans les années 1970. Quel contenu prendra demain la notion de « révolutionnaire » ? L’avenir nous le dira (peut-être).
Les résistances à la mondialisation impérialiste ne se retrouvent pas toutes au sein de ce que nous appelons ici le « mouvement des mouvements », loin s’en faut. Il ne faut pas réduire la multiplicité des combats à l’altermondialisme. Mais, à l’échelle internationale, c’est bien le « mouvement des mouvements » qui joue le rôle de creuset où se fondent des expériences très diverses, de pays et de secteurs de luttes très variés. C’est en son sein que se forge une nouvelle culture collective critique, internationaliste et alternative. Une nouvelle culture d’organisation aussi, plus pluraliste et unitaire, plus horizontale et moins hiérarchique que par le passé. En cela, l’altermondialisme est aujourd’hui irremplaçable.
Les Forums sociaux
Dans la formation progressive de cette nouvelle culture alternative, les forums sociaux occupent une place particulière. Ce ne sont pas des contre sommets. Davos est bien lointain ; l’ennemi n’est pas aux portes. Ils offrent donc l’occasion rare d’un « entre soi », du temps libéré pour l’échange et le dialogue intersectoriels tout autant qu’inter-national.
Dans ce cadre, les Forums sociaux, qu’ils soient mondiaux ou continentaux, sont devenus les principaux lieux de convergence des forces qui s’opposent à la marchandisation du monde. Leur succès s’explique par leur ouverture et par la primauté donnée aux mouvements sociaux à un moment où, dans bien des pays, les partis politiques traversent une crise de légitimité. Ce sont des espaces ouverts, sans aucun engagement de la part des participants si ce n’est l’accord avec la Charte de principes du FSM. Ce ne sont pas pour autant des espaces apolitiques : la Charte inclut, notamment, une ferme opposition à la mondialisation capitaliste.
Cette ouverture et cette absence d’engagements ont été l’une des conditions de la réussite de rassemblements militants aussi larges. Mais elles en dessinent également les limites, aucune décision d’action ne pouvant être prise par les Forums en tant de que tels.
Les coordinations de mouvements
Pour cette raison de nombreux mouvements sociaux et militants se sont réunis, depuis le premier Forum social mondial de 2001, pour élaborer les « appels » qui ont permis de prendre position sur des événements survenus dans l’année écoulée et, surtout, de se doter d’un cadre commun pour les grands rendez-vous internationaux à venir : lutte contre la guerre, mobilisation contre les réunions du G-8, mobilisations pour l’annulation de la dette des pays du tiers-monde, contre les assemblées de l’OMC ou du FMI et de la Banque mondiale, etc. Lors de la troisième session du Forum social mondial, en 2003, les mouvements sociaux ont discuté de la possibilité de formaliser un peu plus ce réseau, pour permettre une meilleure efficacité dans l’action.
Plus généralement, les forums constituent un espace au sein duquel les organisations qui militent sur un même terrain, et qui souvent ne se connaissent pas, peuvent se rencontrer pour discuter de campagnes communes, sur la dette du tiers-monde, la santé ou la protection de ce bien public qu’est l’eau. En novembre 2003, une Assemblée des femmes s’est aussi réunie à l’occasion du FSE de Paris-Saint Denis ; et l’assemblée antiguerre à Mumbai en janvier 2003. Aucune de ces coordinations et assemblées ne peut parler au nom des forums. Leurs appels n’engagent que les organisations qui les signent ou qui y répondent.
Cette combinaison s’est révélée très dynamique : entre l’espace global, ouvert, de convergence des forums et les diverses assemblées, coordinations et rencontres de travail, tournés vers l’action et les campagnes internationales. Si elle a connu un tel succès, c’est aussi qu’elle répond à des formes actuelles de conscience militante et à une étape des luttes qui combinent des aspects très défensifs (le rassemblement des résistances dans un espace « à l’abri ») et très offensifs (l’affirmation des alternatives, l’aspiration à un autre monde). Cette combinaison permet de lier « l’événement » (le forum lui-même, un moment de grande visibilité et une occasion rare de se retrouver « entre nous ») au « processus » cumulatif de luttes et mobilisations.
Une étape nouvelle ?
Le « mouvement des mouvements » n’a pas de programme propre : il inclut un large éventail d’organisations qui ont, chacune, leurs terrains privilégiés d’action et leurs orientations spécifiques. Il n’a pas non plus de bureau politique. Chaque forum et chaque mobilisation sont le produit de la coopération de nombreuses composantes, qui chacune marquent l’événement de leur sceau. Ils sont le produit de convergences (et de tensions, de contradictions) multiples où la spontanéité des acteurs contribue à la richesse du processus d’ensemble.
Ce processus est aussi, non pas dirigé, mais piloté ou plutôt pensé et articulé. C’était particulièrement net durant les premières années. Le « neuf » s’est imposé consciemment. Relevons quelques exemples. Un an après sa constitution, en juin 1999, Attac-France a organisé une rencontre internationale, plutôt qu’un événement anniversaire (c’était déjà un choix significatif). Cette rencontre a été préparée de façon à favoriser la venue de délégations nationales unitaires, d’assurer la présence des mouvements sociaux et le travail en séminaire sur des axes de mobilisation (les plénières étant réduites à leur plus simple expression). La conception même de cette rencontre marquait une rupture par rapport au modèle alors dominant des conférences internationales formatées par et pour les ONG.
Autres exemples. Après que les Brésiliens aient fait connaître leur volonté d’organiser à Porto Alegre le premier Forum social mondial, la décision a été « endossée » sur le plan international lors de la conférence de Genève de juin 2000, réunie à l’occasion d’un sommet de l’ONU sur les questions sociales. Tout le réseau des mouvements présents a été mobilisé à cet effet. C’est ce qui a permis de préparer en un temps record le FSM de janvier 2001. De même, c’est en janvier 2002 que le Conseil international décidé d’envisager la migration du FSM en Inde (une décision alors très controversée). Sur le plan européen, les villes où se tiennent les assemblées préparatoires aux FSE sont, notamment, choisies pour faciliter l’intégration des organisations du pays d’accueil ou des pays proches (Berlin et Vienne pour aider à la présence de l’Europe de l’Est....)...
Comment éviter la fragmentation du processus, alors qu’il s’élargit quantitativement et qualitativement ? Comment maintenir cette capacité à collectiviser l’expérience mondiale et à articuler les initiatives ? Cette capacité dépend certes de nombreux acteurs, et pas d’un seul « centre ». Mais peut-on se passer de cadres de collectivisation centraux, à l’échelle mondiale ?
Le Conseil international du FSM est le lieu où, naturellement, le processus du forum social peut-être pensé ; où se décident le lieu et la date des forums mondiaux suivants. La coordination des mouvements sociaux porte, elle, une grande responsabilité dans l’articulation du processus des mobilisations. Mais, pour jouer ce rôle, toutes deux doivent s’ouvrir aux nouvelles composantes sociales et géographiques du « mouvement des mouvements ». Ce n’est pas encore fait. Les rythmes et formats des forums doivent aussi être réévalué, pour mieux correspondre aux besoins actuels.
Le succès du FSM de Mumbai (Bombay), en janvier 2004, représente un tournant majeur. Il ouvre en effet bien des possibles. Le processus des forums peut maintenant s’enraciner en Asie. De très nombreux liens se sont tissé, à cette occasion, entre organisations d’Europe et d’Amérique latine d’une part, d’Inde et d’Asie d’autres part. Ils peuvent se développer. Après un retour sur Porto Alegre, en janvier 2005, le FSM pourrait à nouveau migrer en 2007, vers l’Afrique cette fois. Un nouveau palier dans l’internationalisation des forums et des mobilisations est en train d’être franchi. Une fois encore, le mouvement va devoir faire la preuve de sa capacité à digérer son propre développement.