Pour leur premier groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, les Verts n’ont pas voulu faire comme tout le monde. Et à première vue, les élus qui le composent représentent en effet la « politique autrement » tant prônée par Europe Ecologie-Les Verts depuis leur fondation, pour les élections européennes de 2009.
Les écologistes voulaient montrer l’exemple du non cumul : résultat, 15 des 17 députés sont des primo-arrivants, dont cinq n’ont même jamais exercé de mandat électif. Ils voulaient une vraie parité : ils l’ont eue dans le groupe - c’est d’ailleurs le seul dans ce cas -, et jusqu’à la présidence bicéphale incarnée par François de Rugy (député de Loire-Atlantique) et Barbara Pompili (députée de la Somme).
On trouve en outre dans ce groupe un chanteur traditionnel breton (Paul Molac, Morbihan), trois personnes issues du monde agricole (Brigitte Allain, Dordogne ; Michèle Bonneton, Isère ; Paul Molac, Morbihan), un ex-communiste (Christophe Cavard), ainsi qu’une directrice de musée élue à la surprise générale (Isabelle Attard, Calvados). Enfin, la moyenne d’âge du groupe est de 48 ans, quand celle de toute l’Assemblée est de 54 ans.
« LE MÊME SYSTÈME D’APPARATCHIKS ET DE NÉPOTISME »
Mais en y regardant de plus près, on trouve aussi les ingrédients types d’une formation politique traditionnelle et pyramidale. Déjà, si les écolos en sont arrivés là où ils en sont, c’est grâce à un accord électoral des plus classiques avec le Parti socialiste, avec son lot de parachutages et de militants locaux mécontentés par les choix unilatéraux d’une direction parisienne.
Quand Mme Pompili explique, par exemple, que « [son] début de campagne fut difficile », c’est peu dire. « Ce fut en effet rocambolesque », confirme Emilie Thérouin, adjointe au maire d’Amiens et qui visait l’investiture EELV dans la même circonscription de la Somme, jusqu’à ce Paris « parachute » Mme Pompili.
Aujourd’hui, même après la victoire, le constat reste amer pour Mme Thérouin, « déçue par le fonctionnement de [son] parti ». « Il y a eu un hold-up sur les militants. Je ne veux plus entendre parler de cette expression de ’faire de la politique autrement’. Nous donnons des leçons à tout le monde à ce sujet, mais nous devrions d’abord balayer devant notre porte. Aujourd’hui, EELV fonctionne avec le même système d’apparatchiks et de népotisme », accuse-t-elle.
Si elle se reconnaît elle-même en l’appellation d’« apparatchik », Mme Pompili, présente à l’Assemblée depuis dix ans, dont cinq ans comme assistante parlementaire d’Yves Cochet (député de Paris de 2002 à 2011), met ces difficultés sur le compte des « ressentiments » et des « ambitions contrariées ».
« DÉRIVE POSSIBLE »
Au delà de ces désaccords locaux, on trouve aussi dans le groupe des élus issus des courants traditionnels de la politique : Noël Mamère, bien sûr, député de Gironde depuis 1997, mais aussi Denis Baupin, adjoint au maire de Paris depuis 2001, Sergio Coronado, également adjoint au maire de Paris de 2001 à 2008 et acteur des campagnes présidentielles de M. Mamère (2002), José Bové (2007) et Eva Joly (2012), Michelle Auroi, candidate aux législatives du Puy-de-Dôme depuis 1997, ou encore François de Rugy, qui connaît les arcanes du Palais-Bourbon depuis la même année.
Le principe de parti bâti sur un réseau horizontal composé de membres de la société civile et qui faisait la force d’EELV tiendra-t-il le choc du si conventionnel Palais-Bourbon ? « La dérive est possible », reconnaît M. Cavard, chantre du travail collectif et qui a justement fuit le PC à cause de sa rigidité d’appareil. Dès ses premiers pas à l’Assemblée, Mme Attard a, elle, constaté le « monde à part » du Palais-Bourbon. « Les députés ont certains privilèges qui donnent parfois l’impression d’être dans un autre siècle et déconnecté avec la vie des Français. »
Les Verts arriveront-ils à changer l’Assemblée de l’intérieur ou bien en sortiront-ils eux-mêmes transformés en un « parti à l’ancienne » ? Ils ont cinq ans pour faire leurs preuves.
Hélène Bekmezian