Comment réagis-tu à ta condamnation ?
José Bové - Tout d’abord, la condamnation est très lourde, les magistrats sont allés plus loin que ce qu’avait requis le procureur. Quatre mois ferme pour moi, trois mois avec sursis pour Mamère et Onesta, deux mois avec sursis pour les autres. Sans compter de lourdes amendes : 100 000 euros à payer aux firmes transnationales Pioneer et Avantis. Il y a une volonté de casser le mouvement par la prison et par le portefeuille. Le jour même de la condamnation, un huissier se présentait au siège de la Confédération paysanne, à Bagnolet, et réclamait 200 000 euros pour la firme Monsanto, suite à un procès datant de 1999.
Ensuite, cette décision représente un déni de justice à un deuxième titre : nous avons été privés d’un degré de juridiction. En première instance, 222 faucheurs volontaires avaient demandé à être jugés avec nous. Le magistrat du tribunal correctionnel était d’accord, le procureur a fait appel et la cour d’appel a refusé. De ce fait, nous avons été jugés directement en cour d’appel, avec comme seul recours la Cour de cassation, qui ne statue pas sur le fond mais sur la forme.
Est-ce un coup d’arrêt pour le mouvement des faucheurs d’OGM ?
J. Bové - Bien au contraire ! Le premier semestre 2006 sera une étape importante de la lutte anti-OGM. Les firmes ont la volonté de passer en force et d’élargir les cultures en plein champ. Elles comptent aussi profiter du vote d’une loi sur les OGM, au printemps 2006, pour se renforcer et faire lever les obstacles qui limitent leurs activités. Bussereau, ministre de l’Agriculture, est complice de ces firmes. Le printemps 2006 sera donc un moment important de la mobilisation. Les actions juridiques anti-OGM légalement menées par des élus ont été annulées et sanctionnées par le tribunal administratif. Il ne reste aux citoyens que la désobéissance civile et l’action pour bloquer les firmes.
La sanction qui te frappe s’inscrit-elle dans une criminalisation du syndicalisme et des mouvements sociaux ?
J. Bové - Il y a une volonté du gouvernement de régler tous les problèmes sociaux par la criminalisation et la répression. Qu’il s’agisse des mouvements syndicaux ou des mouvements sociaux, l’objectif est clair : casser les militants et faire échec aux mouvements. Cette tactique se retrouve aussi dans la façon dont Sarkozy a délibérément mis de l’huile sur le feu dans les banlieues. C’est une vieille technique de la droite : amener, par la provocation, des gens à se révolter, puis sortir le bâton. Tout est fait pour ne pas parler du fond, de la situation économique et sociale dramatique. C’est le retour de la surenchère sécuritaire de 2002.