Face à une droite et à un Medef musclés, nous avons besoin d’une opposition claire et déterminée. Une opposition dans les luttes et les mobilisations, qui seules empêcheront Sarkozy de « reformater la société française ». Mais nous voulons aussi une gauche qui ne lâche rien, qui n’a pas renoncé à une transformation révolutionnaire de la société. Or, nous constatons que la gauche institutionnelle est incapable de s’opposer au pouvoir. Pas parce qu’elle manquerait de chefs, serait sonnée par la défaite, mais pour des raisons de fond. Le PS est converti en profondeur au libéralisme. Un exemple : le pouvoir d’achat. Pour l’augmenter, c’est normalement simple : exiger l’augmentation des salaires. D’ailleurs, Sarkozy l’a bien compris, pour lui même… Mais des salaires en hausse, c’est des profits en moins... Ce qui est insupportable pour tous les convertis de droite et de gauche à l’acceptation des règles de compétition dans la globalisation capitaliste. C’est cette conversion, accélérée par les multiples passages du PS au pouvoir, qui explique les ralliements : DSK au FMI, les commissions Attali, Lang ou Rocard et la participation de socialistes au gouvernement de Fillon... Ce mouvement vers la droite entraîne une grande partie de la gauche non socialiste mais qui a besoin du PS pour survivre dans le cadre institutionnel actuel. Les Verts et le PCF ne peuvent pas incarner une alternative au social-libéralisme alors même qu’ils s’allient systématiquement au PS pour gérer ensemble des collectivités locales... qui privatisent des services publics !
Et pourtant, dans ce pays, on continue à résister. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sont disponibles : des jeunes, d’ex-militants de partis politiques écœurés par l’orientation de la direction de leur ancien parti, des animateurs du mouvement syndical dans les entreprises, des féministes de toutes générations, des antilibéraux qui ne veulent pas dissoudre leurs convictions dans l’alliance avec le social-libéralisme... Sans oublier celles et ceux pour qui, dans toute la diversité de la société française, ce sera le premier engagement.
À tous ceux là, nous proposons de nous unir dans un nouveau parti. Un parti des luttes, pour la rupture avec le capitalisme, pour inventer le socialisme du XXIe siècle, qui sera ancré dans le monde du travail. Un parti qui mêlera l’anticapitalisme, le combat écologique, la lutte pour toutes les émancipations, à commencer par celle des femmes, et qui veut rassembler le meilleur des traditions du mouvement ouvrier sans imposer une histoire, celle du trotskysme, comme marque de fabrique de ce nouveau parti. La LCR vient de décider, à son congrès, de se lancer dans un processus constituant qui implique la dissolution de la LCR. C’est dire notre engagement. Nous aurions pu nous contenter, après le succès de la campagne présidentielle, de gérer notre organisation. Nous avons pris nos responsabilités et nous avons décidé de proposer un parti plus large. On nous demande souvent : mais avec qui vous allez faire ce parti ? Eh bien, avec celles et ceux qui veulent s’engager parce qu’ils sentent l’urgence d’un nouveau parti. Qui peut contester la crise de représentation politique ? Pas étonnant alors qu’il faille un mouvement d’en bas pour bousculer la donne. Y compris à la gauche de la gauche. Mais que l’on se comprenne bien, nous n’avons pas renoncé à interpeller et à engager dans notre démarche des courants nationaux qui partageraient notre projet. C’est vrai, par exemple, de Lutte Ouvrière, des libertaires, des communistes ou des antilibéraux.
À partir de l’adresse de notre congrès ou d’appels locaux, nous vous proposons de nous réunir dans des comités locaux pour agir et discuter ensemble des bases de ce nouveau parti. En s’appuyant sur la campagne municipale qui est le premier moment de discussion politique qui vient. Nous proposons également que ces comités se fixent comme objectif de se réunir nationalement en juin. Pour que soit désigné un comité de pilotage pluraliste et représentatif du mouvement en constitution, qui élaborera des textes de constitution du nouveau parti, afin qu’un congrès fondateur puisse se réunir en fin d’année. Tout ce qui fait la vie d’une force collective militante comme décider de son nom. Ainsi, pourquoi pas des conférences nationales thématiques rassemblant les jeunes, les salariés et les habitants des cités et des quartiers pour également préparer et nourrir ce nouveau parti ? Parallèlement, il s’agira de prendre toutes les initiatives pour œuvrer à un tel rassemblement en Europe, dans le monde, car à l’heure de la mondialisation, l’internationalisme est plus que jamais à l’ordre du jour. Donc, du pain sur la planche, mais nous n’y arriverons que si nous nous y mettons tous ensemble.
Olivier Besancenot
* Paru en « Premier Plan » dans Rouge n° 2237 du 31 janvier 2008.
Objectif : nouveau parti anticapitaliste
À l’issue de trois mois de débats à la base et de la tenue de congrès locaux (dans le cadre des villes ou de fédérations), les 313 délégués au XVIIe Congrès de la LCR se sont réunis à La-Plaine-Saint-Denis pendant quatre jours, du jeudi 24 au dimanche 27 janvier, en présence de nombreux invités.
La séance d’ouverture de ce XVIIe congrès a été consacrée à la présentation du bilan d’activité de la LCR et de sa direction nationale depuis le dernier congrès (janvier 2006). Ce fut l’occasion de retracer l’intervention de la LCR dans les mobilisations sociales (lutte contre le CPE, défense des régimes de retraites, lutte contre les licenciements et pour les salaires, soutien aux sans-papiers, luttes contre les discriminations, etc.), les campagnes de solidarité internationaliste (Venezuela, Palestine), le travail d’élaboration des différents secteurs (secrétariat femmes, commission écologie, notamment). Et, naturellement, de revenir sur la campagne de la présidentielle – et des législatives – et les nombreux débats suscités par la recherche de « candidatures unitaires ».
Second temps du congrès, la discussion sur les projets de thèses politiques a permis à plusieurs dizaines de délégués d’intervenir sur les principales coordonnées de la situation politique : les raisons de la victoire de Sarkozy, la signification politique du sarkozysme, la faillite politique de la gauche institutionnelle, la politique des directions syndicales, le bilan des grèves de novembre dernier sur les régimes spéciaux et l’état des résistances. Mais, naturellement, c’est le projet politique de construction d’un « nouveau parti anticapitaliste » qui a été au cœur de cette discussion. Il existe, au sein de la LCR, un très large accord sur les raisons structurelles qui poussent à tenter de créer une nouvelle représentation politique pour le monde du travail, regroupant tous ceux qui n’ont pas renoncé au combat contre le système capitaliste. En revanche, d’importantes divergences demeurent : sur sa définition, les délimitations politiques indispensables, les moyens d’y parvenir, l’existence ou non d’autres courants politiques partenaires pour ce projet, les rythmes de structuration, etc. Les trois projets de thèses proposés par les trois plate-formes existantes (voir les tribunes publiées par Rouge en décembre et janvier) reflètent ces divergences. Les thèses présentées par la plate-forme A ont recueilli 83,0 1% du vote des délégués, celles de la plate-forme B, 14,10 % et, celle de la plate-forme, C 2,88 %.
Troisième temps du congrès avec, en quelque sorte, les « travaux pratiques » : l’élaboration d’une « adresse du congrès national de la LCR pour un nouveau parti anticapitaliste » (lire ici). Cette adresse a été approuvée par 81,2 % des délégués (14,8 % contre ; 4 % d’abstentions). La discussion a également porté sur les initiatives à prendre dès maintenant pour avancer, ainsi que sur les modalités du processus constituant qui pourrait aboutir, fin 2008 ou début 2009, à la fondation d’un nouveau parti (et donc, auparavant, à un congrès de dissolution de la LCR). Les propositions faites incluent notamment la mise en place de comités locaux, la tenue de réunions départementales et régionales, l’objectif d’une rencontre nationale en juin pour faire le point sur le processus. Parallèlement, la LCR organisera trois conférences largement ouvertes sur l’intervention dans le monde du travail (public et privé), la jeunesse, les cités et les quartiers.
Le congrès a également adopté quelques modifications de mise à jour des statuts de la LCR, une résolution sur l’intervention en direction des cités populaires et des quartiers. Ainsi qu’une série de motions témoignant l’engagement de la LCR dans les domaines de l’écologie, de la défense des droits LGBT, contre la répression en Kanaky, contre les licenciements décidés par le groupe Mittal sur le site de Gandrange et un message de solidarité avec la lutte du peuple palestinien. Une motion, présentée conjointement par la direction de la LCR et les JCR, a également été adoptée (63,23 % pour ; 22,58 % contre ; 8,39 % d’abstentions et 5,80 % ne participant pas au vote). Elle concrétise l’engagement commun de tous les militants jeunes – qu’ils interviennent dans le cadre des JCR ou des sections « jeunes » de la LCR – dans la bataille politique de conviction et de construction du nouveau parti et formule des propositions sur ce que pourrait être, dans le cadre de ce parti, les modes d’intervention d’un secteur jeune autonome.
Le congrès s’est achevé par l’élection de la nouvelle direction nationale (DN) : chaque plate-forme y est représentée proportionnellement aux votes du congrès (80 membres pour la plate-forme A, 14 pour la plateforme B et 3 pour la plateforme C) et la parité y est de règle (48 femmes, 49 hommes). La DN s’est immédiatement réunie pour élire l’exécutif de l’organisation (le bureau politique) dont la composition a été largement renouvelée et pour fixer la date de sa première session : les 15 et 16 mars.
François Duval
• Dans son prochain numéro, Rouge ouvrira ces colonnes aux trois plateformes, afin qu’elles livrent leur analyse du congrès.
ILS ÉTAIENT PRÉSENTS AU CONGRÈS
L’ampleur de la présence, au XVIIe Congrès de la LCR, des délégations françaises et étrangères atteste de l’intérêt suscité par nos débats. Au plan national, en effet, de très nombreuses organisations (politiques, syndicales ou associatives) et personnalités ont répondu à l’invitation de la LCR, soit par leur présence effective, soit par l’envoi de messages : la CGT, la CFDT, l’Union syndicale Solidaires, la Confédération nationale du travail (CNT), le Collectif national des chômeurs CGT, A. Mosconi (Syndicat des travailleurs corses), la Ligue des droits de l’Homme, le Collectif de défense des services publics, Aides, le PCF, les Alternatifs, la Gauche révolutionnaire, Lutte ouvrière, l’Alternative libertaire, la Fraction l’Étincelle de LO, les Verts, le MARS-Gauche républicaine, Pour la République sociale (PRS), la Coordination des collectifs unitaires antilibéraux, A manca nazuinale (Corse), Maron (Mouvement pour une alternative réunionnaise à l’ordre néolibéral) et la revue Regards.
Au plan international, on notait également la présence du Bloc de gauche (Portugal), d’Espacio alternativo (État espagnol), de l’OKDE-Spartakos (section grecque de la IVe Internationale), de Kokkino (groupe sympathisant grec), de NAR (nouveau courant de gauche grec), de Synapismos (Grèce), de Solidarités (Suisse), du Mouvement pour le socialisme et de la Gauche anticapitaliste (Suisse), du RSB et de l’ISL pour l’Allemagne, du Socialist Workers party et du Socialist Party pour la Grande-Bretagne, de la LCR-SAP (Belgique), du Parti communiste cubain, du GCR (section libanaise de la IVe Internationale), du Parti communiste libanais et du Front populaire pour la libération de la Palestine.
Enfin, lors de la dernière séance du congrès, Salvatore Cannavo (député italien) est intervenu pour donner quelques indications sur la crise politique italienne et, la faillite du centre gauche et présenter la démarche qui est aujourd’hui celle de Sinistra critica (la Gauche critique). Il a conclu en soulignant les convergences avec le projet de la LCR de nouveau parti anticapitaliste.
François Duval
* Paru en dossier central dans Rouge n° 2237 du 31 janvier 2008.
Pour l’appel adopté pae le congrès, voir :
Adresse du congrès national de la LCR pour un nouveau parti anticapitaliste