Semenciers et agriculteurs partisans des OGM ont eu beau se battre, le gouvernement a décidé d’engager la clause de sauvegarde sur le maïs MON 810, vendredi 11 janvier, au nom du « principe de précaution ». Il n’y aura donc pas de culture de maïs transgénique en 2008. Si, à court terme, l’impact économique est dérisoire, ce sont les effets à plus long terme que déplorent les pro-OGM.
Samedi, dans un communiqué, les industriels ont estimé que « les entreprises semencières (...) n’ont plus aucune visibilité ». Ils ne mentionnent pas pourtant la contrepartie du gouvernement, un plan d’investissement dans les biotechnologies de 45 millions d’euros, huit fois plus que les budgets actuels. Une contrepartie que déplore la Confédération paysanne.
Avec 22 000 hectares en 2007, la production de maïs OGM ne représente que 0,7 % des surfaces consacrées à ce type de céréale. Mais aux agriculteurs convertis, le maïs OGM offrait un rendement supplémentaire de 5 % à 30 %.
Pour les semenciers, des multinationales comme Limagrain ou Pioneer (Dupont) et des coopératives telles qu’Euralis, l’impact sera mineur. Si le chiffre d’affaires de la filière s’élève à 2 milliards d’euros, le manque à gagner d’une année sans OGM est estimé à seulement 1 million.
UNE GOUTTE D’EAU POUR MONSANTO
Monsanto est davantage concerné. Il vend des semences, mais surtout c’est lui qui a développé l’élément transgénique MON 810, le seul autorisé à la culture en Europe. Contre des royalties, il en accorde la licence d’utilisation aux autres semenciers. Avec cette technologie, ces derniers conçoivent leurs propres variétés de maïs OGM. Le groupe américain se refuse à tout commentaire. « Son axe de développement, c’est le Brésil, l’Europe n’est pour lui qu’une goutte d’eau », explique Francis Prêtre, de CM-CIC Securities.
C’est le symbole que représente la nouvelle position française que redoutent les industriels. La France, première puissance agricole en Europe, détient un savoir-faire reconnu dans les semences ; elle y est aussi le deuxième producteur d’OGM, derrière l’Espagne. De fortes sommes ont déjà été investies. Limagrain, par exemple, consacre 40 millions d’euros par an à la recherche dans les biotechnologies.
« Nous étions entrés dans une dynamique et les perspectives étaient bonnes », explique Karine Affaton, porte-parole de Pionner. Son groupe, qui utilise le MON 810, attend une homologation de sa propre technologie. De 500 hectares en 2005, les surfaces étaient passées à 5 000 hectares en 2006, puis à 22 000 en 2007. Très optimiste, Limagrain estime qu’entre 50 000 et 100 000 hectares auraient pu être cultivés en 2008, et qu’il existe en France un potentiel d’un million d’hectares.
« Que se passera-t-il en 2009 ? Pendant que la France a des états d’âme, nous nous isolons économiquement », tonne Christian Pèes, président d’Euralis. Comme la FNSEA, il peste contre une interdiction de cultiver alors que les importations de soja ou de maïs OGM se poursuivront.
« Un maïs tracé non OGM se vend 25 % plus cher. Mieux vaut conserver en France la spécificité non OGM », estime Jacques Pasquier, à la Confédération paysanne. Le débat est environnemental, mais aussi économique.