En juin dernier, un enfant de onze ans mourait à La Courneuve, dans le
département de Seine-Saint-Denis (93), victime de deux balles perdues. Le
ministre de l’intérieur français, Nicolas Sarakozy, avait en réponse promis
de « nettoyer les banlieues au karcher », et toute une population s’était
alors sentie insultée par ces propos. Fin octobre, deux adolescents, Zyed
et Bouna, mouraient électrocutés dans des circonstances non encore
élucidées, pour avoir voulu échapper à l’hypothèse d’un contrôle de police,
ce qui en dit long sur les rapports entre la police (notamment celle qui
opère aujourd’hui dans les banlieues, la « BAC », " brigade
anti-criminalité ") et la jeunesse des cités. Pour celle-ci en effet, les
contrôles au faciès, l’humiliation et le sentiment d’injustice (garde à vue
répétitives, tabassages, etc.) sont quotidiens, alors que dans le même
temps, la perspective d’un emploi stable et d’un avenir digne s’éloigne
toujours plus (pour les jeunes des cités, les taux de chômage atteignent
jusqu’à 50 % et la discrimination à l’embauche, en raison du nom ou de
l’adresse est une donnée structurelle).
Or, ces deux jeunes ont d’entrée été présentés comme coupables potentiels
par le même Nicolas Sarkozy, avec le soutien du gouvernement, qui est allé
jusqu’à parler de « racaille ». Là encore, ce ne sont pas les quelques
trafiquants des cités qui se sont sentis vilipendés, mais toute une
population. La goutte d’eau a fait déborder le vase. « Chauffés à blanc »
par un quotidien fait de contrôles policiers à répétition, de mépris,
d’humiliations, de précarité, de chômage, d’exclusion, de stigmatisation en
tant qu’ « étrangers » alors qu’ils sont le plus souvent français, de
marginalisation des initiatives politiques qu’ils prennent pour revendiquer
leurs droits, les jeunes des cités populaires, directement et le plus
violemment touchés par les politiques néolibérales à l’œuvre depuis plus de
30 ans, ont littéralement « explosé ». Ils ont exprimé leur révolte en
brûlant, dans leurs propres quartiers, des voitures, des bus, des crèches,
des écoles, des bureaux de postes, des équipements sociaux dont
paradoxalement, les habitants desdits quartiers ont un besoin crucial.
Face à cette situation, le gouvernement français a poursuivi son cynisme
politique en conjuguant à nouveau propos méprisants et insultants et
répressions, allant jusqu’à recourir à une loi datant du 3 avril 1955,
établie à l’époque pour la guerre d’Algérie, et permettant d’établir « l’état d’urgence », en même temps que d’autoriser des interdictions de
séjour pour " toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que
ce soit, l’action des pouvoirs publics ", des assignations à résidence pour
" toute personne [...] dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et
l’ordre publics « , la fermeture des » lieux de réunion de toute nature " et
l’interdiction des " réunions de nature à provoquer ou à entretenir le
désordre ". Le gouvernement a même prévu des perquisitions de nuit. Il
peut, en outre, faire " prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de
la presse et des publications de toute nature ", et donner compétence aux
juridictions militaires en concurrence avec les juges ordinaires.
Plutôt, donc, que de répondre, à partir d’un dialogue élargi aux jeunes et
à l’ensemble des forces nombreuses déjà mobilisées sur le terrain
(associations, citoyen-ne-s, élu-e-s, syndicats), aux problèmes de fond
posés à l’ensemble de la société française par le sort réservé à ses « quartiers populaires de banlieues », le gouvernement n’a encore une fois
choisi que la voie de la répression et de la limitation des libertés. Mais
les banlieues, comme l’ensemble de la société française, n’ont pas besoin
d’état d’exception : elles ont besoin, urgemment, de justice, de respect et
d’égalité, de services publics de proximité, d’une autre politique.
Notre solidarité va vers celles et ceux qui s’opposent aux discriminations
de toute nature, à la mise en cause des libertés individuelles et
collectives, aux politiques néolibérales. Nous condamnons fermement les
choix du gouvernement français. Nous nous mobilisons pour faire grandir
dans toute l’Europe des choix alternatifs qui seuls pourront établir la
justice et la solidarité sociales, ainsi que le respect pour toutes et tous
de la dignité et de la citoyenneté