De Copenhague,
Au cours des élections nationales du 13 novembre dernier, l’Alliance Rouge-Verte (ARV) s’est battue afin de maintenir une représentation parlementaire. Avec un résultat de 2,17 % des voix, elle dépasse à peine la limite de 2 % qui permet d’obtenir une telle représentation.
Il s’agit là du plus mauvais résultat électoral de l’ARV depuis sont entrée au parlement en 1994. Un résultat qui exprime un net recul en comparaison avec la dernière élection nationale de février de 2005 où l’ARV avait obtenu 3,4 % des voix.
D’après les sondages, l’ARV aurait essentiellement perdu ces votes à cause de la présence, décidée en mai 2007, d’Asmaa Abdol-Hamid comme candidate sur ses listes. Certains anciens électeurs de l’ARV ont clairement pointé cette candidature afin d’expliquer leur choix de ne pas voter à nouveau pour l’ARV. Le congrès de l’ARV de mai dernier avait en effet clairement fait savoir que cette candidate serait élue au parlement si l’ARV parvenait à maintenir ses 6 sièges.
Asmaa Abdol-Hamid est une jeune femme musulmane qui porte un hijab. Sa religion et la façon dont elle l’exprime ont créé le doute – accentué par les mass-média - sur les positions de l’ARV concernant la religion et les droits égaux. L’ARV n’a jamais connu une telle couverture médiatique que dans les six derniers mois mais il n’a systématiquement été question que d’Asmaa ; si elle est vraiment contre la peine de mort et le fondamentalisme religieux, etc. L’ARV n’a pas été capable de récupérer sa crédibilité dans cette offensive médiatique.
La candidature d’Asmaa ne peut toutefois pas être considérée comme la seule cause expliquant le déclin des votes en faveur de l’ARV. Le Parti populaire socialiste (SPP), réformiste de gauche, a en effet été le grand vainqueur des élections. Il a plus que doublé ses scores, passant de 6 % à 13 %, et cela pour deux raisons. Le nouveau président du SPP, Villy Søvndal a été beaucoup plus clair et plus dynamique que l’ex-président Holger K. Nielsen lors des élections de 2005. Mais sa croissance est également une expression de la radicalisation des travailleurs suite aux grandes mobilisations sociales en faveur du bien-être qui ont eu lieu dans la deuxième partie de cette année. En outre, l’ARV n’avait pas de candidat-phare ayant un écho populaire personnel comme cela a été le cas avec la candidature de Pernille Rosenkrantz-Theil en 2005.
La présence d’Abdol-Hamid sur les listes de l’ARV a en fait provoqué une combinaison d’interprétations erronées et négatives. Parmi une partie de la base électorale de l’ARV et certainement dans le grand public, il y a une tendance à identifier sa manière d’être musulmane (par exemple en portant le hijab et en ne serrant pas la main aux hommes) comme étant réactionnaire. Il y avait plusieurs autres candidats musulmans aux élections, y compris le chef de la Nouvelle alliance, Naser Khader, mais aucun d’entre eux n’a été remis en question parce que leur conviction religieuse est moins apparente en public. Puisque, pour certains, le port du hijab est forcément obligatoire et réactionnaire et qu’il est une expression de l’oppression des femmes, une candidate portant un hijab est alors nécessairement vue comme une forme de promotion de l’oppression des femmes !
Le préjugé selon lequel l’Islam est une religion forcément réactionnaire a été fortement mis en avant au Danemark et il exerce une influence certaine sur l’opinion. Mais beaucoup de personnes ont surtout eu un problème avec le fait qu’elle ne serrait pas la main des hommes. Une attitude qui est souvent vue comme étrange, irrespectueuse et contre l’égalité entre les sexes puisque discriminante envers les hommes…
En outre, plusieurs articles de la presse l’ont citée d’une manière qui suggérait qu’elle avait des positions ambiguës sur la peine de mort ou sur d’autres questions sensibles. Elle a pourtant répondu et a expliqué en long et en large qu’elle est contre la peine capitale et également en faveur des droits des gays et des lesbiennes. Cette contradiction artificielle a créé une image d’elle comme étant peu claire et peu fiable.
Certains estiment également que l’ARV devrait être un parti athée. Bien que cela n’à jamais été sa position officielle, cet argument a souvent été avancé au cours des discussions qui ont amené au choix d’une candidate musulmane sur les listes électorales. Abdol-Hamid est pourtant une militante aussi éprouvée et tout aussi politiquement instruite que la plupart des autres candidats.
La situation crée par l’offensive médiatique sur sa personne ont provoqué une discussion interne très vive au sujet de sa candidature. Plusieurs membres connus de l’ARV en sont venus à la conclusion qu’il aurait valu mieux lui donner une position subalterne et moins visible sur les listes, comme cela avait été proposé par une minorité de délégués à la conférence de mai. Une conférence nationale extraordinaire devait même se tenir le 17 novembre pour statuer sur cette question, mais le Premier ministre danois avait entre-temps décidé d’avancer les élections législatives au 13 novembre.
Le fait d’être musulman n’est pas en soi une raison pour être un candidat éligible, cependant cela ne doit pas être non plus un quelconque obstacle ! Les réactions à la candidature d’Asmaa exprime bien plus qu’un problème interne à l’ARV, elles sont le signe de la division existant dans la classe ouvrière au sujet des minorités ethniques et religieuses. La candidature d’une musulmane croyante se produit dans une situation où, puisque les idées de la classe dominante deviennent les idées dominantes ; que ce soit au niveau national et international, « l’ennemi » a changé de visage, ce n’est plus le « communisme » mais bien l’Islam.
En outre, deux autres facteurs sont à souligner en faisant le bilan de la candidature d’Asmaa. Tout d’abord, une partie des électeurs de l’ARV se sont demandé s’il est possible d’être à la fois profondément religieux et socialiste. Et à cette question, l’ARV n’a pas clairement répondu. L’autre point concerne les positions d’Asmaa - celles qu’elle a réellement exprimées réellement et celles qui lui ont été attribuée - qui ont créée de la confusion.
Le recul électoral de l’ARV et ses causes provoquent naturellement une discussion de fond difficile et il est important de veiller à ce qu’elle ne mène pas à des ruptures. Dans ce débat, notre position est claire ; le fait d’être croyant et pratiquant n’est en soi pas une raison pour éjecter des personnes comme candidates aux élections parlementaires ou pour d’autres postes dans l’ARV. Mais en même temps nous affirmons que les membres qui sont en désaccord avec cette position ont également toute leur place dans l’ARV.
Thomas Eisler
Résultats électoraux en %
Partis | 2007 | 2005 |
Parti Libéral | 26,2 | 29 |
Sociaux-Démocrates | 25,5 | 25,8 |
Parti du Peuple Danois | 13,9 | 13,3 |
Parti populaire socialiste | 13 | 6 |
Conservateurs | 10,4 | 10,3 |
Parti Social-Libéral | 5,1 | 9,2 |
Nouvelle Alliance | 2,8 | - |
Alliance Rouge-Verte | 2,2 | 3,4 |
Chrétiens-Démocrates | 0,9 | 1,7 |
Recul électoral d’ARG au Danemark
L’Alliance rouge-verte (ARG) n’a obtenu que 2,17 % des voix aux élections législatives danoises du 13 novembre, passant de justesse la barre des 2 % lui permettant d’avoir une représentation parlementaire. C’est le résultat le plus faible depuis 1994, date de l’entrée de l’ARG au Parlement. Par comparaison, en février 2005, l’Alliance avait obtenu 3,4 % des voix
ARG a perdu des voix du fait de son soutien à la candidature d’Asmaa Abdol-Hamid, jeune femme musulmane qui porte le voile et refuse, pour des raisons religieuses, de serrer la main aux hommes. La façon dont elle s’est exprimée sur sa religion a jeté le doute sur les positions de l’ARG sur ce sujet. Les médias en ont profité, en consacrant à l’ARG une couverture inhabituelle, uniquement focalisée sur Asmaa et le fait de savoir si elle était vraiment contre la peine de mort et le fondamentalisme religieux.
Le déclin de l’ARG est aussi dû au succès du Parti socialiste populaire (PSS), parti réformiste dont le nouveau dirigeant, Villy Sovndal, a fait une campagne claire et dynamique. Son succès, avec 13 % des voix, est le reflet des grosses mobilisations qui ont eu lieu depuis un an et demi pour défendre les acquis sociaux.
Par ailleurs, l’ARG n’avait pas, pour cette campagne, de candidat ayant le charisme de Pernille Rosenkrantz-Theil aux élections de 2005.
* Paru dans Rouge n° 2228, 22/11/2007.