Une gauche ?
Le colloque organisé par Libération, à Grenoble, sur le thème « Vive la politique ! », se voulait une contribution aux débats de refondation de la gauche. Bien entendu, dans cette optique, avoir une analyse lucide de l’adversaire n’est pas illégitime. Mais, pour « comprendre le sarkozysme », fallait-il vraiment inviter autant de ministres du gouvernement actuel ? Le colloque avait été précédé par la publication d’un sondage illustrant l’influence, de plus en plus prégnante sur les électeurs de gauche, des idées de droite à propos de la carte scolaire, du salaire au mérite, de la fiscalité ou de la privatisation de la Sécu, par exemple. Et Libé de conclure : « La gauche tremble sur ses fondamentaux. » Et de pronostiquer l’émergence à gauche d’un groupe central, « les libéraux autoritaires ».
S’agit-il, comme cela est suggéré, d’une évolution naturelle de l’opinion à laquelle le PS devrait s’adapter sous peine de périr ? Ou faut-il y voir l’inverse : l’effet sur l’opinion de gauche de la diffusion d’idées de droite... par les dirigeants du PS eux-mêmes ? Petit florilège des contributions des dirigeants PS pour ce colloque : « L’idée d’un large rassemblement comprenant le centre (sans exclusive vis-à-vis des Verts et du reste de la gauche) ressemble à une évidence » (M. Destot). « Sauf à remettre en cause l’élection du président de la République au suffrage universel, ce que je ne souhaite pas, nous ne reviendrons pas à un régime d’Assemblée » (J.-M. Ayrault). « Les socialistes ne peuvent plus compter sur des principes qui suffisaient autrefois à les définir [...] c’est donc sur d’autres fondamentaux qu’il faut travailler : l’intérêt général face à la montée des revendications catégorielles ou la pression des lobbies » (G. Gorce). « Rassembler tous ceux qui, dans le camp du progrès, débarrassé de ses oripeaux gauchistes, veulent réformer notre pays, voilà l’objectif qui doit présider à la refondation de la gauche ! » (M. Valls).
Qui, décidément en verve, ajoute : « Une gauche moderne qui devra également être le parti de l’entreprise et réformer un État providence en crise ! » Après cela, on voudrait que le « peuple de gauche » soit encore de gauche...
La gazette des gazettes
François Duval
Bayrou se pose en recours
Rouge
François Bayrou aura fait sa rentrée, en cette mi-septembre, à l’occasion de l’université du Mouvement démocrate (Modem). L’occasion, pour lui, de « caler » sa posture à l’issue d’une séquence électorale qui en fit d’abord le « troisième homme » de la présidentielle... avant de l’éliminer pratiquement de la scène parlementaire.
Le député des Pyrénées-Atlantiques fait manifestement un pari : compenser sa faiblesse institutionnelle en se posant en recours à un pouvoir sarkozyste qui finira par se heurter aux contradictions de sa politique et à une gauche sociale-libérale en pleine décomposition. Il sait avoir pour atouts une position de leader désormais incontesté de sa formation et la vague d’adhésions que lui a value l’élection présidentielle (ce qui lui permet de revendiquer 70 000 adhérents).
Comme pour se démarquer de l’attraction sarkozyenne qui fait des ravages rue de Solferino, il « tacle » sévèrement le nouveau président pour ses tentations « néoconservatrices » et « néobonapartistes » : « Tous ses choix montrent qu’il a conduit la France non pas à la résistance mais à l’alignement sur le modèle de société superinégalitaire dominant dans le monde. » Surtout, il compte sur les scrutins qui s’annoncent (à commencer par les municipales de 2008), comme sur la tentation de l’alliance au centre qui polarise les débats au sein du PS, pour remettre son parti au centre du jeu. Comme le dit sa plus proche collaboratrice, Marielle de Sarnez, future tête de liste au premier tour des municipales à Paris, « une ville ne se gère pas tout seul ». Nul doute que Bertrand Delanoë aura bien compris le message...