Mardi 10 avril, après une manifestation au siège de PSA pour vérifier que la direction ne voulait plus bouger, l’assemblée générale des grévistes de Citroën Aulnay votait la reprise. La rage au ventre de n’avoir pu gagner sur les 300 euros, l’embauche des intérimaires et la retraite pour les plus de 55 ans. Mais avec, aussi, plus forte encore, la fierté d’avoir tenu six semaines durant, à 500 grévistes, face à PSA, le cinquième groupe du pays. Ces six semaines d’action ont été riches en rencontres, des salariés de Citroën Aulnay entre eux, puis des centaines de milliers de salariés devant les entreprises et sur les marchés, sans oublier ceux qui les ont découverts à la télévision. Ils ont réussi à imposer leurs revendications au cœur de l’actualité. Mais, à 500, il était difficile de faire céder PSA sur des revendications qui auraient pu ouvrir la voie à une mobilisation générale sur les salaires dans tout le pays.
Les grévistes ont fait les comptes. PSA a perdu, en six semaines, 20 000 voitures et déboursé des millions pour payer les huissiers qui harcelaient les grévistes et produisaient des lettres préparant d’éventuelles sanctions. Pour faire tourner la chaîne de montage, la direction a fait venir des salariés d’autres sites - après sa condamnation par le tribunal de Bobigny pour utilisation illégale d’intérimaires sur des postes des grévistes -, tous frais d’hôtel payés avec la promesse d’une prime de 700 euros, à condition de ne pas rentrer chez eux le week-end, la direction craignant que l’atmosphère d’Aulnay et le contact des grévistes ne les dissuadent de revenir. Soit un coût de total de 300 millions.
La direction a fini par accepter de négocier : 125 euros de prime de « cohésion sociale » (sic) pour tous les salariés d’Aulnay, grévistes ou non ; diminution par deux du prix des bus qui amènent les salariés à Aulnay ; baisse du prix des repas ; paiement des heures supplémentaires au lieu de leur accumulation dans des compteurs que la direction vide quand elle le veut ; paiement de quatre jours et demi de grève et, ce qui comptait le plus pour les grévistes, engagement de jeter tous les dossiers constitués contre les grévistes et de ne prendre aucune sanction.
Mercredi, les grévistes sont retournés au travail en manifestant dans les ateliers, banderoles en tête, reprenant les slogans auxquels ils ne renoncent pas. Chaleureusement accueillis par leurs collègues, ils ont repris le travail « tous ensemble » avec « en prime » le respect des chefs. Samedi 14 avril, nous étions près de 900 au gala de soutien, salariés de Citroën, militants syndicaux et politiques, dans une ambiance chaleureuse, partageant la conviction que ces six semaines ont préparé les luttes de demain, comme la grève de Citroën de mars-avril 1933, mise en poème par Jacques Prévert1 avait préparé celle de juin 1936.
Correspondant
* Paru en dans Rouge n° 2202 du 19 avril 2007.
Six semaines de bras de fer
La direction du site Citroën d’Aulnay-sous-Bois est restée sourde aux revendications des grévistes. Un gala de soutien devait avoir lieu le 14 avril.
Durant leur sixième semaine de grève, les grévistes de Citroën-Aulnay-sous-Bois ont reçu la visite ultramédiatisée de Ségolène Royal. Passant sous silence tout ce qui fâche (les 1 500 euros brut dans cinq ans au lieu des 1 525 net tout de suite revendiqués par les grévistes), Ségolène Royal s’est indignée du refus de la direction de PSA de négocier sur les revendications et elle a promis son soutien pour demander de vraies négociations.
Les grévistes ont apprécié cette venue à sa juste mesure, et ils ont continué à organiser des visites dans les entreprises et sur les marchés pour faire connaître leurs trois revendications : 300 euros net d’augmentation pour tous les salaires, embauche des intérimaires, retraite à 55 ans. Ils ont également continué les collectes de soli-darité, qui ont permis de verser environ 200 euros par gréviste. L’interpellation publique de la candidate socialiste n’a pas infléchi la politique de la direction de PSA, qui refuse de discuter salaires, embauches et retraites, s’appuyant sur les négociations sala-riales de février, qui avaient abouti à un accord avec cinq des six organisations syndicales de PSA.
Nombre de grévistes reçoivent des lettres recommandées les accusant, sous constat d’huissier, d’injures ou de menaces à l’égard de non-grévistes ou de chefs, lettres informant également des sanctions disciplinaires dont ces attitudes étaient passibles. Il s’agit de mettre la pression sur les grévistes et de constituer des dossiers indivi-duels. La direction dépense des millions pour payer les huissiers, le séjour à l’hotel de salariés venus de Rennes ou d’autres sites de PSA. Depuis le début du mouvement, les grévistes estiment que la direction a perdu davantage que le coût des 300 euros d’augmentation des salaires. C’est un choix mûrement réfléchi.
Après la fin de la grève chez les sous-traitants à Lagny, Compiègne et Montbéliard, où les salariés ont obtenu des augmentations de quelques dizaines d’euros, les grévistes ont manifesté, jeudi 5 avril, à la gare Saint-Lazare, avec les grévistes de la société d’affichage Clear Channel, et ils ont contacté ceux de Sita (groupe Suez, ramassage des ordures). Dans ces deux sociétés, les patrons se sont dépêchés de négocier rapidement pour éviter toute contagion des revendications des Citroën.
Au moment où nous mettions sous presse, nous apprenions que les gévistes avaient décidé de mettre fin à leur mouvement. L’important étant d’assurer le succès du gala de soutien, le 14 avril, à Bobigny, occasion de rassembler les grévistes et les non-grévistes solidaires, les familles et tous ceux qui veulent partager, autour de nombreux artistes, les expériences de ces six semaines de lutte.
* Paru dans Rouge n° 2201 du 12 avril 2007.