Pour Olivier Besancenot.
Jeudi 29 mars 2007.
Dans « Libération » ce jeudi 29 mars : « Olivier Besancenot se pose en rassembleur ». Bravo, encore bravo, toujours bravo ! J’ai souhaité ce rassemblement très tôt, dès le résultat noniste au référendum sur l’Europe ; il n’a pas eu lieu. Je l’ai désiré ensuite, à l’approche des présidentielles ; il n’a pas eu lieu. J’y ai aspiré quand il fut question d’une candidature commune avec vote des comités antilibéraux ; il n’a pas eu lieu. J’ai désespéré d’Olivier Besancenot d’abord, puis de Marie Georges Buffet ensuite, parce que ni l’un ni l’autre n’ont pris l’initiative de cette candidature unique derrière un autre qu’une personne de l’appareil alors qu’eux seuls pouvaient produire le rassemblement en accord avec leurs machines politiques ; il n’a pas eu lieu. J’ai consenti à un appel en faveur de José Bové sur la base d’une union de dernier moment à même de produire un sursaut en vue de cette introuvable candidature unitaire ; il n’a pas eu lieu non plus. Nous partons en guerre dispersés, donc vaincus.
Dès lors, il suffit de regarder les sondages et les intentions de vote : la gauche antilibérale part éparpillée au combat et chacun cumule des scores ridicules à même de faire rire la droite, sourire la gauche libérale, pouffer le patronat, réjouir l’extrême droite et, surtout, désespérer les nombreuses victimes du capitalisme libéral. Quel besoin, dès lors, d’y aller sous sa seule bannière, sinon pour des affaires de boutique, d’argent récupéré pour financer la campagne – et plus, évidemment… -, des prurits d’egos ou autres considérations qui s’apparentent à de la politique politicienne, autrement dit, à ce que, normalement, la gauche antilibérale devrait récuser le plus vivement. Si l’on totalise les voix de la gauche antilibérale réunie, et si l’on imagine qu’un pareil score pourrait attirer de nouvelles bonnes volontés ainsi fédérées, on avoisine les 10 % pour une simple somme algébrique. Je crois qu’une dynamique augmenterait ce score ouvrant un champ nouveau, des perspectives nouvelles et, surtout, un avenir à la gauche antilibérale.
Car, on l’oublie trop, les présidentielles dans la Cinquième se doublent d’une autre consultation : celle des législatives. Partir une fois encore désunis dans cette seconde bataille ne conduira qu’à de nouveaux échecs, donc à de nouveaux désespoirs qui alimentent les votes imbéciles au centre grimé en panacée apolitique, à l’extrême droite, toujours plus forte dans les classes populaires, chez les chasseurs, pêcheurs et autres tueurs autoproclamés écologistes. Marre de ceux qui, encore et toujours, désespèrent Billancourt…
A Nantes, Olivier Besancenot propose donc une union de la gauche radicale à Marie Georges Buffet, Arlette Laguiller et José Bové : je trouve cette nouvelle d’importance et désespère de découvrir dans le même article les refus, les critiques, les fins de non recevoir, sinon les procès sur le passé d’Olivier Besancenot créateur de la désunion. Peut-être, mais est-ce encore l’heure de se faire des reproches sur hier alors qu’il propose aujourd’hui l’union, non pas parce qu’il est le plus faible, mais, justement, parce qu’ il semble le plus fort ? Ce qui est légitime…
Car Olivier Besancenot fait, me semble-t-il, la meilleure campagne à la gauche de la gauche. Non pas que les autres en fassent une mauvaise, mais la sienne me semble meilleure parce que plus large, ouverte, avec vues générales sur l’ensemble de la société et non concentration sur les slogans monomaniaques concernant tel ou tel problème particulier avec le quel on ne constitue pas un projet général de société – la polarisation sur les OGM, par exemple, vaut l’obsession sur les dates d’ouvertures de la chasse. Et puis, même si les sondages n’ont pas à commander une politique, ils visualisent un genre de température sociale qui vaut bien les délibérations sans fin des comités Théodule de la gauche antilibérale : Olivier Besancenot se trouve en tête du peloton antilibéral.
L’enjeu n’est pas d’avoir un candidat présent au second tour, soyons sérieux ! Il n’est pas non plus de commencer à partager les ministères en cas de victoire de Ségolène Royal. Pas plus de participer de près ou de loin à une gestion libérale de la société française. Mais de faire poids, masse, de peser, de compter, d’exister malgré les différences qui importent moins que les proximités. Si l’on veut ne pas s’unir, il suffit de mettre le doigt sur les différences ; si l’on souhaite l’union, commençons par écarter ce qui fâche – des problèmes de style, de méthode, de forme, de noms propres, d’appareil, de boutique- et construisons sur ce qui rassemble : une même critique de la formule libérale du capitalisme contemporain ; une même révolte face à l’injustice sociale ; un même refus de la forme républicaine disciplinaire ; une même défense des victimes les plus exposées à la déréglementation du marché libre ; une même défense de l’intérêt général, du bien public, donc des services publics ; un même souci d’interdire au marché de faire la loi dans les écoles, les hôpitaux, les prisons, la culture et autres points névralgiques de la société … Voilà qui , à mes yeux, pèse évidemment plus que des histoires d’officines politiques.
Je n’ai pas aimé François Mitterrand et l’ai suffisamment fait savoir après le tournant de la rigueur en 1983. Je ne sauve pas la carrière politicarde du ministre multi récidiviste de la IV° République ; pas plus celle du monarque qui fit concrètement la démonstration que Le coup d’Etat permanent est une tentation dont il ne se contenta pas de faire l’analyse en 1965 mais qu’il a amplement confirmée par ses faits et gestes pendant quatorze années de pouvoir ; de même, l’homme qui ne respectait que son destin n’a pas non plus ma faveur.
Mais son génie fut dans l’union de la gauche qui, je le répète après l’avoir déjà beaucoup dit ou écrit ailleurs, était autrement plus périlleuse à réaliser avec des partenaires aussi dissemblables et hétérogènes qu’un Patri Communiste alors défenseur de l’Empire soviétique et un centre gauche de la bourgeoisie radicale socialiste de sous préfecture en passant par un Parti Socialiste (qui, ne souriez pas, appelait alors à rompre avec le capitalisme !) qu’aujourd’hui avec des partenaires partageant l’essentiel de leurs analyses et la plupart des remèdes possibles.
Je crains que, au vu des premières réactions déjà venues des partenaires sollicités, cette proposition d’union ne soit traitée par le mépris une fois encore. Or ça n’est pas cette union qu’on traitera avec mépris, mais des millions d’hommes et de femmes qui, une fois encore, désespéreront de cette fin de non recevoir et retourneront à leur misère en y ajoutant de la peine. Du moins, à l’heure du bilan, et malheureusement au lendemain de l’échec probable de toutes les gauches, on verra qui cumule le plus de responsabilités dans la désunion : ceux qui jamais ne l’ont souhaitée, ceux qui ont tout fait pour la saborder, ceux qui s’en sont réclamés pour faire finalement leur course personnelle, ceux qui parfois l’ont désirée, en des conditions plus ou moins contraignantes pour induire le résultat escompté , ceux qui l’ont près du but proposée une dernière fois en étant les mieux placés pour l’incarner. Quoi qu’il arrive, et quoi qu’on fasse de cette ultime proposition d’union, je n’oublierai pas ce geste d’Olivier Besancenot. Y compris dans l’isoloir.