Agiter le « drapeau rouge » face à l’étendard « bleu-blanc-rouge » de Royal. A la gauche de la gauche, Olivier Besancenot tient la corde sur une ligne se voulant à la fois rebelle, radicale et pragmatique. José Bové et Marie-George Buffet se disent « antilibéraux » et prêts à mettre les mains dans le cambouis en cas de victoire de la gauche ? Besancenot se pose en « anticapitaliste » comme sa camarade Arlette Laguiller. Le candidat de la LCR refuse toute alliance gouvernementale ou parlementaire avec le PS et attend « le soir du premier tour » pour appeler en se bouchant le nez au désistement en faveur de Ségolène Royal. Car, contrairement à 2002, il ne met pas la gauche et la droite dans le même sac. Une stratégie un peu sinueuse, mais qui commence à porter ses fruits : à 4 % ou 5 % dans les sondages, Besancenot devance ses rivaux d’une courte tête.
Gâteau. Pour les petits candidats qui se disputent le gâteau antilibéral environ 12 % de parts de marché , capter l’électorat « ségophobe » est un véritable enjeu et la condition sine qua non pour espérer passer la barre fatidique des 5 %. « Dans cette campagne, chacun des grands candidats multiplie les diversions pour ne pas parler du social, sujet sur lequel ils ont peu de désaccords, explique Alain Krivine, leader historique de la LCR. Ségolène propose le Smic à 1 500 euros brut en cinq ans ? Sarkozy n’est pas contre, puisque c’est l’augmentation prévue par la loi ! » Besancenot, lui, martèle que 1 500 euros net tout de suite c’est possible si l’on renonce au « septième sous-marin et au deuxième porte-avions nucléaire ».
Si cet alliage étrange de propositions quasi réformistes et de refus de tout exercice du pouvoir attire, c’est aussi grâce à l’image du candidat qui la porte. A 32 ans, le facteur trotskiste est « le seul candidat qui bosse comme nous », peut-on entendre dire dans les usines en lutte où il se rend. Sa façon d’être et de parler donne un coup de vieux à Arlette, qui achève sa sixième et dernière campagne. Et ringardise Marie-George Buffet, mi-apparatchik, mi-compassionnelle, dont la stratégie alliance avec le PS pour le tirer vers une ligne antilibérale ne parvient à dissiper le soupçon de songer d’abord à ses accords électoraux avec le PS.
Toupet. Enfin, Besancenot ne manque pas de sens tactique et de toupet : le voilà qui joue au rassembleur. En proposant la semaine dernière à ses rivaux une « union de la gauche radicale », il lance une OPA sur l’espace « unitaire » occupé par José Bové. Depuis trois jours, le leader altermondialiste riposte. Angle d’attaque : Besancenot, avec « son gauchisme électoraliste et sectaire », serait en train de s’« arlettiser ». « A quoi ça sert de voter Besancenot ? Il ne fera rien de ses voix et ne veut pas se coltiner le pouvoir », tacle un proche de Bové. Les partisans du leader paysan trouvent que la ficelle est un peu grosse, puisque ce sont bien les manœuvres de la LCR et du Parti communiste qui ont bloqué l’idée d’une candidature unique de la gauche radicale à l’automne dernier. Mais qui s’en souvient au-delà des cercles militants ?