Dans un nouveau rapport, le Conseil d’orientation des retraites (COR, instance composée d’experts, du patronat et d’organisations syndicales) constate l’échec de la réforme Fillon de 2003, mais il propose de poursuivre les mêmes recettes en les aggravant : allongement de la durée de cotisation, augmentation du taux d’activité des seniors et réforme des régimes spéciaux. Ce document sera sans doute la base des futurs « rendez-vous d’étape » de 2008, que la loi de 2003 a prévus pour procéder aux « ajustements » nécessaires du système pour les prochaines décennies. Âge ouvrant droit au départ, durée de cotisation, montant des pensions, avenir des régimes spéciaux, financement, tout ou presque devrait alors être de nouveau sur la table.
Ce quatrième rapport souligne la situation financière « plus dégradée que prévu » des comptes du régime général de base, dont le déficit devrait atteindre 3,5 milliards d’euros en 2007 contre 2,4 milliards en 2006, en raison notamment du vieillissement de la population et d’un chômage élevé. De plus, malgré de meilleures perspectives démographiques, le COR prévoit que subsistera, en 2020, un important « besoin de financement », de l’ordre de 0,7 point de produit intérieur brut. L’impasse serait encore plus forte en 2050 (entre deux et cinq points de PIB). Face à cela, le COR préconise le durcissement des réformes. Il reprend donc l’objectif de la loi Fillon d’un allongement à 41 ans de la durée de cotisation d’ici à 2012, et plus encore au-delà. Mais, dans le même temps, il constate que ce type de mesure est d’une efficacité très limitée pour retarder l’âge effectif du départ en retraite. Du coup, il préconise de s’en prendre à tout ce qui pousserait les salariés à partir plus tôt et en particulier à deux dispositions de la réforme Fillon : le droit au départ anticipé pour les carrières longues, et l’abaissement de la décote, pénalité financière appliquée en cas de départ précoce. Il propose aussi de remettre en cause les « bornes d’âge de départ, 60 et 65 ans » : 60 ans étant encore l’âge légal ouvrant droit au départ, et 65 ans, celui auquel chaque assuré a droit, en tout état de cause, quelle qu’ait été sa carrière, à une pension à taux plein. Le COR souhaite, par ailleurs, en invoquant le « principe d’équité entre les régimes », réformer les régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF-GDF) « afin de tenir compte des gains d’espérance de vie ».
Nous pouvons être d’accord avec le rapport du COR, lorsqu’il fait le constat des dangers pesant sur le niveau de vie des retraités suite aux « réformes » déjà mises en œuvre et sur le fait que celles-ci n’ont pas permis de résoudre les problèmes de financement des régimes. Mais les solutions proposées ne répondent en aucun cas aux problèmes posés. L’allongement de la durée de cotisation n’augmentera en rien le taux d’activité de la population tant que perdurera un chômage de masse. De plus, l’augmentation du taux d’activité des seniors ne fera qu’aggraver le chômage, notamment celui des jeunes. Mais cette solution est surtout hypocrite, car elle aboutira, de fait, à une nouvelle baisse du niveau des pensions, les salariés ne pouvant, au vu du nombre d’années de cotisations demandées, partir avec une retraite à taux plein.
Nivellement par le bas
Sous prétexte d’égalité de traitement, le rapport préconise une réforme des régimes spéciaux qui, rappelons-le, ne concernent que 5 % des retraités. L’objectif est ainsi d’harmoniser par le bas l’ensemble des régimes de retraite. Alors même qu’elle n’aura aucune conséquence sur le financement des autres régimes, une telle mesure vise avant tout à diviser les salariés entre eux. Les privilégiés et les autres.
Pour nous, d’autres solutions sont possibles, car la société est assez riche pour payer les retraites pour tous - du privé et du public -, à 60 ans, après 37,5 années de cotisations et avec 75 % du dernier salaire. Pendant les 45 dernières années, où la protection sociale a progressé, la part des retraites dans la richesse a augmenté de 7 points. Le monde ne s’est pas écroulé. Or c’est l’équivalent de la part d’augmentation nécessaire pour les 40 prochaines années. Nous proposons donc de remplacer la « modération salariale » par la modération financière. Le moyen le plus simple est d’augmenter progressivement le taux de cotisation patronale de 0,37 % jusqu’en 2040, de manière à faire progresser la part salariale parallèlement au nombre de retraités, en diminuant les revenus financiers. Cela reviendrait à faire à la hausse (sur 40 ans) le chemin parcouru à la baisse par la part salariale sur les 20 dernières années. Mais c’est vrai que cette solution reviendrait à répartir autrement les richesses, alors, pour éviter cela, on nous propose de travailler plus longtemps...