Ce qui est le plus attristant dans le texte que vous cosignez [1] ce n’est
pas le procès fait au PCF et à la LCR sur fond démagogique de
dépréciation des appareils et de leurs supposés égoïsmes. Ce qui est
frappant c’est la superbe mélancolique avec laquelle vous vous
exonérez de toute responsabilité dans l’échec de ce projet et le refus
du moindre retour critique sur la façon dont vous avez, vous, pour
certains de vous trois en tout cas, géré ce désastre. Alors qu’il vous
est imputable à divers titres puisque, forts d’une légitimité
passablement auto proclamée vous avez au moins certains d’entre vous
géré (en dehors de toute forme démocratique lisible à mon avis) des
assemblées, des campagnes politiques, des débats au sein de la
nébuleuse des collectifs et des organisations parties prenantes.
Or ce projet de candidature unitaire était extrêmement difficile sinon
impossible et vous ne l’avez pas dit. Il est facile de jouer comme
vous le faites le mépris envers deux partis qui sont ce qu’ils sont et
de leur imputer ce qui est votre échec, sans vouloir prendre en compte
les orientations politiques de fond qui à tort ou à raison les
structurent. Il suffisait d’écouter la campagne du Non de MG Buffet,
celle d’Olivier Besancenot, et celle du PRS pour se douter qu’il y
avait une divergence stratégique entre eux, mais qui traversait les
collectifs, lourde de conséquence pour le projet unitaire. Il
suffisait d’écouter lors de l’université d’été du PRS à Arles au
sortir de la victoire référendaire pour entendre MG Buffet dire ’qu’il
n’y avat qu’une gauche et qu’il fallait la rassembler’, malgré le Non
et le Oui, puis Mélenchon dire ’qu’il y avait plusieurs gauches et
qu’il fallait les réunir’, lui qui quelques mois plus tard vota la
synthèse au PS et vient de se rallier à Ségolène Royal, puis entendre
Olivier Besancenot dire quant à lui ’qu’il y avait deux gauches et
qu’elles étaient inconciliables’ ce que me semble-t-il la campagne
référendaire avait bien montré.
Il suffisait d’entendre ce qui se disait pour percevoir la divergence
stratégique qui se nouait autour de la relation – sortons de la langue
de bois de la ’domination sociale libérale’ que vous affectionnez pour
noyer le poisson au lieu de jouer la clarté – avec le Parti socialiste.
Il ne s’agit pas dans mon esprit de démoniser le PS et sa direction
sociale libérale (qui s’en défend !) et son programme social libéral
jusqu’à l’os comme l’a si bien démontré R.-M. Jennar, mais simplement et
honnêtement de dire qu’il est porteur d’une orientation et qu’on peut
estimer avec la LCR et Raoul Marc Jennar qu’elle est radicalement
incompatible avec celle dont les collectifs se sont dotés.
Il ne s’agit pas non plus d’aller ausculter les arrières pensées
partisanes qui peuvent ou non animer le Parti communiste français,
mais avec lucidité et respect d’entendre MGB puis plus récemment et
clairement Cohen-Seat qui déclarent eux-mêmes à tort ou à raison, ce
qui est quand même leur droit, ’qu’ils ne veulent rien s’interdirent a
priori vis à vis du PS’ et que ’c’est une divergence stratégique avec
la LCR’ ce que d’ ailleurs ils ont mis en pratique aux municipales de
Bordeaux avec le soutien explicite de MGB et avec votre assourdissant
mutisme.
Il ne s’agit pas de savoir si la majorité de la LCR est dans un trip
d’auto affirmation ou non, mais de prendre en compte avec lucidité et
respect de ce qu’elle dit et redit depuis la campagne du traité
constitutionnel : elle n’ira pas dans une coalition ni une démarche
qui ne prennent pas clairement l’engagement (sans langue de bois)
’qu’aucun accord ni parlementaire ni gouvernemental ne saurait être
fait en tout cas avec la direction du Parti socialiste’. Et comprendre
que pour elle, à tort ou à raison, ce qui est quand même son droit,
cette question n’a rien de secondaire quand une partie des partenaires
et des animateurs des collectifs participent (ou ont pris part) en
France à des exécutifs dominés par le social libéralisme (régions,
conseils généraux, municipalités et non des moindres). Pourquoi ce que
d’aucune fait à la mairie Paris ne se ferait pas par la suite au
gouvernement ?
Ces débats, vous avez choisi depuis le début de les esquiver, de les
occulter, de les minimiser, vous avez fait ce qu’il fallait pour que
les collectifs les laissent de côté alors qu’ils étaient au cœur de
l’avenir de tout le processus, vous avez refusé le 10 septembre
qu’avec les amendements dits d’Aubagne ils soient soumis à un vote qui
les aurait certainement approuvés. Au lieu de les prendre à bras le
corps.
Comme d’autres croient pouvoir rôtir le mouton sans qu’il s’en
aperçoivent vous avez voulu estomper cette divergence décisive au
moins pour deux composantes importantes (deux composantes auxquelles
vous demandiez rien moins que retirer leurs candidats au profit d’un
autre incertain) et l’enterrer sous le verbiage unitariste, la
dynamique, la gagne et tous ces espoirs que ce faisant vous avez
contribué à transformer en illusions.
Alors vous voir face au désastre vous parer de la vertu de l’unité et
du lin blanc de l’innocence me met au moins mal à l’aise. Vous voir
revêtir la toge du ’neuf qu’il faudrait faire à gauche’ me semble
quelque peu usurpé. Vous avez aussi des comptes à rendre sur cet
échec. Il est aussi le vôtre. Et pas qu’un peu.
Note
1. Voir sur le site d’ESSF : Maintenant, il faut faire du neuf à gauche