La démarche du pacte écologique de Nicolas Hulot est assez simple : placer les enjeux écologiques et climatiques au cœur des débats politiques, à partir de dix objectifs et cinq propositions concrètes. Cette démarche est louable mais, très rapidement, Nicolas Hulot précise que l’écologie doit dépasser les clivages politiques, sous prétexte que c’est une question prioritaire. Drôle de façon de considérer la politique : à partir du moment où une question devient centrale pour l’avenir de la société, elle pourrait devenir consensuelle et transcender les clivages ? C’est là réduire la part de subversion de l’écologie politique. Pour autant, les formules de Hulot marquent une réelle inquiétude face à la profondeur de la crise écologique et à ses rapports avec la crise sociale, et en appellent à une « évolution en profondeur vers d’autres façons de produire, de travailler, de consommer, de se nourrir, de se loger, de se déplacer, de se chauffer ». Mais l’écologie ne peut être la cause commune de ceux qui délocalisent, défendent le tout-camion, le productivisme agricole et l’énergie nucléaire, diminuent les budgets pour les énergies propres, et de ceux qui défendent une écologie 100 % à gauche qui n’a pas peur de s’en prendre aux premiers responsa-bles des pollutions et des dégradations environnementales.
Ce désir de consensus a, bien sûr, des incidences sur les objectifs et les propositions de Nicolas Hulot. Une partie de ses objectifs sont très justes : durabilité et recyclage des produits, baisse de la consommation énergétique, une autre production agricole, limitation de l’étalement urbain et revivification des zones rurales, sortie du tout-routier, recherche et politique internationale répondant à des objectifs écologistes... D’autres le sont moins, comme celui d’établir le véritable prix des services rendus par la nature. Une telle monétarisation de la nature ouvre la porte à une marchandisation, où les biens naturels peuvent être échangés et les pollutions permises à condition de payer.
Les cinq propositions concrètes souffrent du même problème. On peut soutenir la proposition d’un numéro deux du gouvernement chargé du développement durable et la nécessité d’une politique de sensibilisation et d’éducation. Mais, pour le reste, l’autolimitation des revendications n’est pas à même de dessiner la rupture nécessaire pour conjurer la crise écologique. Pour limiter les émissions de CO2, une taxe sur le carbone ne suffira pas, surtout si elle s’accompagne de mesures compensatoires pour les secteurs économiques. D’autant que Nicolas Hulot ne propose rien de précis sur les offres de transport alternatives ou sur les nécessaires transformations de l’habitat, et il s’illusionne sur la vertu d’une taxe pour réorganiser l’économie des transports. Sur l’agriculture, Hulot a raison de proposer que la restauration collective soit un débouché pour l’agriculture de qualité. Mais il ne semble pas considérer que l’interdiction des OGM en plein champ soit une priorité, ni que le système des subventions favorise l’appauvrissement des agricultures du Sud et qu’il est nécessaire d’y mettre fin. Et rien n’est proposé pour limiter l’usage des pesticides.
Surtout, la grande absente de ces propositions immédiates est la question du nucléaire. On ne saura pas si l’arrêt du réacteur EPR fait partie des priorités, ni si la sortie du nucléaire fait partie des objectifs à moyen terme. Ce qui, vu l’acuité de la question, est un vrai problème. Bref, Nicolas Hulot peut avoir une fonction d’alerte très utile, notamment à cause de sa popularité. Mais, à force de consensus, il ne peut que proposer une écologie au rabais, qui renonce au changement.