Sur le terrain, les cheminots sont confrontés au discours du management, qui se révèle sans ambiguïté : « La concurrence arrive, il faut se préparer. » Pour le transport de marchandises, la SNCF est déjà mise en concurrence avec des opérateurs privés. Le résultat ne s’est pas fait attendre : la SNCF a commencé à se débarrasser des transports « non rentables ». Des milliers de tonnes passent du train, non pas à d’autres entreprises ferroviaires, mais à la route. Tous les beaux discours sur le réchauffement climatique tombent à l’eau, dans un climat de concurrence, ce n’est pas le train qui gagne de « nouveaux marchés », mais la route ! Idem concernant le transport de voyageurs.
La nouvelle PDG de la SNCF, Anne-Marie Idrac, est donc dans les starting-blocks. Mais il faut dire que le terrain a bien été préparé. Cela fait des années que la SNCF est saucissonnée, dans le but - non avoué - de préparer sa privatisation. Idrac était alors secrétaire d’État des Transports d’Alain Juppé, en 1995, lorsqu’ils voulaient instaurer le contrat de plan, qui visait à réduire à sa plus simple expression le réseau ferré. Celui-ci avait été mis en déroute par la grève de novembre-décembre. Plus tard, Idrac, encore, épaulée par Pons, initie le Réseau ferré de France (RFF), prélude au dépeçage de la SNCF. Mais c’est la gauche plurielle, avec Jean-Claude Gayssot (PCF), qui mettra en place RFF...
Bref, pour préparer cette libéralisation du secteur, le ministère des Transports a sorti « le nouveau code du travail » pour les entreprises désirant s’attaquer au marché. Celui-ci est, bien sûr, en deçà de la réglementation du travail en cours à la SNCF, aussi bien sur le plan de la sécurité de la circulation que des conditions de travail, ce qui est bien souvent la même chose.
Non contente de se séparer des activités « non rentables », la SNCF cherche aussi à réduire ses coûts. De ce point de vue, les emplois et les salaires des cheminots sont vus comme une charge qu’il faut réduire au maximum : après des années sans augmentation des salaires et des milliers de suppressions de postes, les cheminots ont donc fait grève, le 8 novembre, pour des embauches et des augmentations salariales. À ce rythme, la direction de la SNCF considérera les retraites des cheminots comme un handicap face à une concurrence dont les salariés ne disposent pas des mêmes droits. Le plus fort, c’est que c’est la SNCF elle-même qui crée sa propre concurrence ! Elle explique que ce n’est pas possible d’embaucher, mais elle crée des postes de salarié de droit privé dans sa filiale Effia, pour l’accueil des usagers en gare. Et ce n’est qu’un début.
Les cheminots s’opposent à cela par la grève. Comme pour EDF et GDF, c’est l’idée même de service public qui est attaquée. La mobilisation des cheminots est une nécessité, mais il faudra, contre la libéralisation, des luttes communes avec les usagers.